La Cédille
Banane tabac ?
Originaire de Besançon, La Cédille peut légitimement être considéré comme l’un des groupes les plus atypiques de la scène hip hop hexagonale. Composée de sept personnes venant d’horizons musicaux divers, La Cédille (ou Ça) est formée d’un batteur, un bassiste, un guitariste, un tromboniste/MC, un saxophoniste/MC et deux rappeurs. Les différences de personnalités de chaque membres constituent autant d’apports différents et s’expriment aussi bien sur scène (le groupe multiplient les dates), que sur les trois titres (plus une outro) de ce maxi. Formé en 1997, le groupe avait déjà sorti le maxi quatre titres Rien à dire mais faut qu’tu saches et était apparu sur la compilation anglaise « Taster-sounds fom the funky underground vol.2 », mais « Banane Tabac ? » est leur première vériable sortie sur le label anglais Chocolatefireguard Music. Et, il constitue une excellente présentation de l’état d’esprit de ce combo : compositions riches et variées, flows en tous genres, textes habiles, un brin de beat box… Sur la forme, La Cédille tente au cours de ces trois titres de nous montrer la face la plus jazzy du hip hop. Les titres ‘Beaumont street’ et ‘Autonome’ en sont la parfaite illustration. Ce dernier étant sans nul doute le plus aboutit et sur lequel les quatre Mcs proposent à tour de rôle quatre styles différents sur un groove bien senti et une ligne de basse impeccable. A travers « Banane Tabac ? » on peut sentir le goût de La Cédille pour la scène : syncope dans les fows, cuivres placés où il faut, mais aussi et surtout passages instrumentaux et des solos de guitare en fin de morceaux, ou encore la présence d’une flûte traversière sur ‘214’.
Un problème subsiste souvent cependant lorsque l’on parle de hip hop acoustique : les textes. Or La Cédille a cet avantage énorme d’avoir des lyrics à la hauteur de leur compositions. Tantôt drôles, imagés ou profondément représentatifs d’une réalité (le racisme sur ‘214’), ils ne peuvent laisser indifférent quant à la recherche de leur construction et de leur richesse. Si les allitérations et les assonances demeure leur exercice de style favoris : « Et puis si j’ai la rime fluide, liquide, ample, c’est qu’j’la noie aussi sec dans un son simple, et sans sample », certaines phases sont d’une complexité telle que plusieurs écoutes sont indispensables à leur bonne compréhension : « Besoin d’bénédiction et à travers ma diction je r’cherche le remède anti malédiction, afin d’rester droit quoiqu’il en soit bien qu’l’intolérance resserre l’étau, selon ton portefeuille ou ta tête on t’traite comme un bamboula, comme avant mais sans boulet à la ch’ville, faut faire gaffe car quand boue la cocotte il s’peut qu’elle explose, ça donne des boissons sans goût là, vaut mieux s’y prendre à temps d’où la, nécessité d’ce texte… ». Une vraie performance lorsque l’on sait que tout cela est parfaitement en place rythmiquement.
Dignes représentants d’un style mésestimé, l’acoustique, La Cédille est ce genre de groupe qui ne se fixe aucune barrière et qui avance sans se soucier des tendances. Si une grande partie du public hip hop porte encore des oeillères, nul doute qu’à l’écoute de ce trois titres les idées reçues s’effondreront rapidement. « Banane Tabac ? » est sans nul doute une véritable bouffée d’air frais dans un rap français trop souvent stéréotypé. A entendre et à suivre donc…
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