Ammo & CHI
The Drama Setter
Submergé par la vague South, le rap new-yorkais sera resté relativement discret en 2005. En dehors des albums de quelques grands noms, mais que l’on oubliera sans doute assez vite, peu de sorties auront véritablement marqué les esprits.
La ville fourmille pourtant toujours de rappeurs, une nouvelle scène de jeunes emcees se mettant progressivement en place. La mix-tape, ou plutôt le mix-cd, « The Drama Setter » met en avant cette scène effervescente et donne un excellent aperçu des capacités de ces rappeurs, inconnus pour la plupart. Ce projet est l’œuvre de la structure française Little Italy, soit Ammo, se chargeant d’établir des connexions entre la France et New York, et CHI, producteur luxembourgeois, moitié du groupe Taï Chi.
Les titres composant « The Drama Setter » ne sont pas véritablement mixés. On ne retrouve pas de DJ aux manettes qui effectuerait pass-pass et scratchs furieux en jouant avec les rythmiques. Une explosion ou quelques coups de feu suffisent la plupart du temps à séparer et à enchaîner les titres, « hosted » par deux de ces rappeurs new-yorkais, Maino et Tru Life, signé depuis peu chez Roc-A-Fella. Ces bruitages et interventions des « ambianceurs » savent se faire discrets et n’empiettent pas sur les morceaux. A l’instar des tapes d’un Whoo Kid ou d’un Kay Slay, l’intérêt de ce projet réside dans ses « exclusive », « unreleased » et « new tracks ». Vous l’aurez compris, tout repose donc sur le tracklisting.
Celui-ci relève du quasi sans-faute. Sur le papier, les rappeurs, groupes et producteurs ne vous diront sûrement rien. Seuls quelques noms attireront l’œil : Mobb Deep sur deux morceaux dont un en compagnie de Rah Digga ; AZ avec Raekwon et Ghostface pour le bon ‘New York’ ayant bien tourné en 2005 ; DJ Premier qui signe la prod de l’excellent ‘I’ma kill this nigga’ de Rosco P. On est également contents de retrouver Nas sur un beat d’Alchemist (‘My Will’) ou encore Kool G Rap se lançant dans un exercice de style avec Saïgon sur ‘Letter P’ produit par Just Blaze.
Le reste, à part quelques noms croisés au gré des tapes de J.R. Ewing et Armeni Blanco (Son Of a Gun) et des projets de Get Large, est relativement inconnu. Et pourtant… En dehors du déjà réputé Black Rob qui livre l’excellent ‘B.L.A.C.K’, sommet de rap nonchalant, les « rookies » présents sur cette tape sont ceux qui impressionnent le plus. Tout d’abord, les deux « ambianceurs » de « The Drama Setter » prennent chacun le temps de gifler l’auditeur. Maino se montre impérial sur la prod cuivrée géniale de Nottz (‘Make it hot’). Tru Life, lui, rend hommage au rap new-yorkais sur la prod du ‘Song Cry’ de Jay-Z, en profitant pour lancer un clin d’œil sympathique au classique ’22’s twos’ de ce même Shawn Carter. En fin de compte, tous les morceaux du disque vont du bon à l’excellent, à l’exception du morceau de celui de D.O.E., difficilement écoutable en entier, sur une mauvaise prod de Timbaland. Mais cette mauvaise surprise est l’unique accroc de ce très bon projet.
L’autre but avoué de The Drama Setter est de mettre en lumière le travail de producteur de CHI, au travers de collaborations avec des rappeurs américains. C’est chose faite. Il est l’auteur de cinq instrus de qualité n’ayant rien à envier à ceux de ses homologues d’outre-Atlantique. Jeux sur les rythmiques (‘We here’ avec sa grosse caisse en rafales sur le refrain, ou encore l’alliance toujours efficace kick/cymbales sur plusieurs morceaux), samples entêtants (le sample vocal de ‘Getaway’ notamment) : du plus simple (le magnifique ‘Die Young’ de Coalition, l’un des meilleurs morceaux du disque) au plus chargé, l’efficacité est toujours au rendez-vous.
The Drama Setter a donc tout pour plaire. On y découvre une scène new-yorkaise de qualité, même si certains emcees pourront paraître fades, et des producteurs excellents, qu’ils soient confirmés ou non. Certains morceaux tourneront inévitablement en boucle, squattant walkmen et chaînes Hi-Fi pendant des semaines : le ‘Make it hot’ de Maino, ‘Die Young’ de The Coalition, ‘New York’ de Milano, ‘B.L.A.C.K.’ de Black Rob et ’22’s twos’ de Tru Life. Le rap new-yorkais est loin d’être mort, The Drama Setter le démontre avec brio.
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