Chronique

J-Live
Always will be

Triple threat/Fat Beats - 2003

Deux années se sont écoulées depuis la réédition officielle sur le label 7Heads de The Best Part, premier album bootleggé et injustement méconnu, et All of the above, second LP, sorti dans la foulée via la structure New-Yorkaise Coup d’état. Ces deux albums hautement recommandables récoltent un succès d’estime certain à défaut de bénéficier d’une forte exposition médiatique. Désormais plus que jamais rompu aux affres de l’industrie musicale, J-Live sort aujourd’hui deux nouveaux EP, un premier intitulé Always has been reprenant ses premiers morceaux sortis entre 1995 et 1997, et un second Always will be, un huit titres composé entièrement de morceaux inédits. Les compilations d’anciens morceaux, aussi brillants fussent-ils ayant un intérêt pour le moins limité (si ce n’est celui non-négligeable de remplir les poches de ses auteurs) nos oreilles se sont penchés uniquement sur ces huit nouveaux morceaux.

Déjà auteur d’un tiers des productions de son dernier opus, et conformément à ce qu’il avait prévu et annoncé, J-Live s’investit plus encore sur ce terrain glissant. Il est même à l’origine de l’ensemble de l’architecture sonore de cet EP, auquel participe DJ Flo Fader, rythmant ‘Add-a-cipher’ d’une série de scratches et Wordsworth qui joue le rôle du passager dans ‘Car trouble’. Malheureusement si le résident de Brooklyn est indéniablement un MC talentueux, ses talents de producteur sont loin d’être aussi évidents. Ses productions minimalistes et relativement uniformes, toujours inspirés par le Jazz et la Soul, manquent de relief et d’harmonie. La richesse et la chaleur musicale apportées par DJ Spinna, Usef Dinero et Joe Money sur All of the above font ici cruellement défaut. L’absence de ce trio émérite est donc à la fois remarquée et regrettable.

D’autant plus regrettable que cet EP comporte de très bonnes idées et une approche de l’écriture parfois surprenante. Sur l’explosif ‘Add-a-cipher’, morceau aux réminiscences old-school et véritable démonstration d’élocution, cet ancien professeur de littérature joue avec les sonorités (« There is no simile that’s similar enough to capture the imagery of my syllabic symmetry« ) et les chiffres (« …50 people in a 5 man elevator, freefalling from the fifth-thousand floor, 500 degrees Fahrenheit to a 5 minute song, feeling like you can’t go wrong… »).

Sur ‘Car trouble’ il s’imagine en chauffeur de taxi retiré de l’industrie musicale, décrivant à la fois son parcours et ses péripéties au sein d’un milieu impitoyable à un jeune rappeur sur le point de signer son premier contrat et pour le moins surpris de voir un de ses modèles au volant d’un taxi. Le dur labeur du métier de chauffeur de taxi sert de métaphore pour illustrer l’incohérence et l’âpreté du rap business. Le récit est justement illustré, bien mené et assurément réaliste. Demandez à Cappadonna.

Si le dispensable ‘Deal Widit’ s’inscrit dans une démarche de fond relativement similaire, Jean-Jacques Cadet, haïtien d’origine, révèle sur ‘9000 miles’ son état d’esprit et sa motivation (éternelle) pour le rap en dépit des contradictions et absurdités d’une musique inclassable. Il explique ainsi : “I got to confront it, I can’t watch while this music that taught me so much as a child, grows louder every day but the world grows dumb from it.” Enfin, ‘Walkman music’ s’adresse à un public qui vit les écouteurs collés aux oreilles, traversant les rues et couloirs du métro au rythme de la basse.

Moins inspiré que pour ses deux albums précédents, J-Live démontre tout de même une nouvelle fois qu’il demeure incontestablement un excellent MC, en terme de rythmique, d’écriture et de créativité. Il est d’autant plus dommageable de voir le très plat ‘Get live’ (à prendre sûrement au second degré) et le simpliste ‘Skip proof’ tirer ce huit titres vers le bas, nous laissant au final une impression pour le moins mitigée.

La faiblesse des productions de ces différents morceaux déçoit indubitablement, gâchant un EP contenant pourtant de bonnes idées, judicieusement mises en scène par un J-Live parfois brillant mais cédant aussi parfois à la facilité. Always will be nous laisse donc dans une certaine expectative quand aux prochaines sorties de ce lyriciste hors pair. Compte tenu de son talent et de ses antécédents, on espère le voir rebondir dans la bonne direction.

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