Nos 25 morceaux du second semestre 2017
Rap anglophone

Nos 25 morceaux du second semestre 2017

Soundcloud rap, indépendants indéboulonnables et quelques tauliers, bienvenue dans notre sélection rap anglophone de ce second semestre 2017, de The Roots à Scarface en passant par Evidence, 6ix9ine ou D.R.A.M.

Meek Mill – « We Ball » feat. Young Thug

Dans une réalité parallèle, ce n’est pas avec Future que Young Thug aurait dû sortir un album cette année, mais avec Meek Mill, tant chacune de leurs collaborations depuis deux ans est redoutable. Paradoxalement, c’est sur un morceau traitant du deuil que leur alchimie fait des merveilles. Accompagné du piano peiné de Wheezy sur « We Ball », tiré de son album Wins & Losses, Meek Mill se met au diapason de son invité, chantonnant avec mélancolie la perte de plusieurs de ses potes. Milly et Thugga décrivent la consommation de stupéfiants pour compenser la douleur, et la méfiance accrue que ces morts brutales ont fait naitre en eux. « We ball for all the soldiers we lost », insiste Young Thug : s’ils flambent, c’est pour raviver la mémoire de ceux partis trop tôt. – Raphaël

G Eazy – « No Limit » feat. A$AP Rocky, Cardi B

Si on a parfois du mal à suivre G-Eazy le long d’un album entier, l’homme peut être capable de vraies fulgurances sur certains morceaux. « No Limit » fait partie de cette catégorie : véritable hymne strip-club de cette fin d’année, « No Limit » est avant tout le fruit d’une superbe prod’ signée Boi-1da et Allen Ritter dont les basses magiques font trembler les murs à chaque écoute. G-Eazy, quant à lui, reste dans un registre efficace accompagné d’un casting malin (A$AP Rocky pour le refrain, l’exubérance de Cardi B pour un couplet) qui rend ce morceau indispensable à nos oreilles sans vraiment raconter grand chose. La marque des grands tubes. – Brice

Evidence – « Jim Dean »

Ces derniers mois, la vie aura infligé des épreuves à Evidence. Ne cherchez pas à en savoir plus ici, Ev’ le racontera lui-même dans son album Weather or not, annonce Rhymesayers. « Jim Dean » est l’un des deux extraits de ce disque qui sortira le 26 janvier. Entre James Dean et Jim Beam, le Weatherman rend hommage à Guru, cultive son alias de Mr Slow Flow et multiplie les pas de côtés, évoquant sa philosophie de vie musicale sur un sample de voix incantatoire bouclé par Nottz et sanctionné par des scratches de l’irremplaçable DJ Babu. « Here to save the day and steal the game » avait annoncé dès sa première phrase le MC de Dilated Peoples. – zo.

The Roots – « It Ain’t Fair » feat. Bilal

The Roots est une exception. Vingt-cinq années passées dans la discipline, sans jamais se séparer. Entrevoir la création artistique sous l’aspect collégial, un catalogue “commun”, collectif avant individu, avec deux membres permanents à la formation, Questlove et Black Thought. Ces détails forgent un peu plus le statut à part entière du groupe. Un peu intello, un peu niché, un peu à part, avec une ligne directrice toujours effective, ne jamais compromettre son intégrité artistique. Pour la bande originale de Detroit, un film de Kathryn Bigelow sur les émeutes et les brutalités policières de 1967, The Roots garde le cap. Une piste longue de sept minutes. Trois fractions bien distinctes. Une partie chantée par Bilal, dans un solo évangile empreint de résignation. Une voix à l’esthétique soul, douce mais politisée, qui pioche dans une section précise du répertoire de la Motown (on pense à “Living for the City” de Stevie Wonder ou encore “Inner City Blues (Make Me Wanna Holler)” de Marvin Gaye). Et Black Thought. Une rage maîtrisée, merveilleusement articulée dans deux couplets saillants (“Justice is never color blind, never gun shy / For one crime, you may never see the sun shine”). “It Ain’t Fair” est un moment dense. Sept minutes pour voyager à travers le temps. Cent ans de musique afro-américaine en version rapide. Une énième preuve pour affirmer, une fois de plus, que The Roots, est un monument du patrimoine à conserver soigneusement. – ShawnPucc

Dave East – « Paranoia » feat. Jeezy

Quand on évoque les lieux communs dans le rap, on vous citera pêle-mêle l’argent, la rue, la drogue, les femmes. On pourrait clairement y ajouter la paranoïa qui, des Geto Boys à Jul, demeure un thème récurent. Dave East ne déroge pas à la règle et ce d’une belle manière avec ce titre extrait de son album Paranoia : A True Story sorti sur le label Mass Appeal. Sur une production menaçante et guerrière signée Nonstop Da Hitman, Dave East assume son trouble, le revendique même, au point de le porter en étendard : « Paranoia gettin’ the best of me. I don’t want nobody next to me. Don’t talk unless you got a check for me. I don’t see nobody ahead of me. Foreigns, we jump out the back of ’em. I cannot wait ’til this pack is done. Don’t care if they foreign, we crashin’ ’em. » Si vous ne vous sentez pas concerné par les troubles en question, sachez tout de même que Jeezy est invité pour le deuxième couplet, ce qui constitue une raison de poids d’écouter le morceau. – Bachir

Juicy J – « Freaky » feat. A$AP Rocky & Suicide Boys

Juicy J, qui a toujours su capter les tendances et collaborer avec les artistes prometteurs avant leur pleine éclosion, a confié aux $uicideBoy$ la production d’une bonne partie de sa dernière mixtape, Highly Intoxicated. Bercé à l’héritage de Three 6 Mafia, le duo de la Nouvelle-Orléans cultive une esthétique horrifique qui va bien sûr comme un gant à l’Uncle Juicemane, pour qui travailler avec ces rappeurs qu’il a influencés est une forme de retour aux sources. « Freaky » réunit trois générations autour d’une production plus glauque et sombre qu’un caveau pour partager des histoires de crasserie. Le vice est éternel, et « down South girls love to do them freaky thangs ». – David

Offset – « Ric Flair Drip »

Entre 1996 et 2007, le monde du rock a connu les tournées G3, réunissant chaque fois trois guitaristes virtuoses, amenant leur instrument plus loin dans le spectaculaire et la facilité. L’un d’eux, Steve Vai, dira d’ailleurs : « trouve ce à quoi tu es le meilleur, et exagère-le. » C’est l’impression qu’ont laissé Takeoff et Offset de Migos cette année avec leurs flows. L’une des meilleures démonstrations d’Offset se trouve sur son album commun avec 21 Savage. Sur « Ric Flair Drip », Offset maximise sa cadence et son débit. Après un tour de chauffe sur le premier couplet, le cousin de Quavo déroule un second seize rappelant tout à la fois le « iggedy style » de Das Efx et le « tong twisting » de Twista. « Soon as we came in the game, all these niggas they imitate it », dit-il à propos du fameux triplet flow popularisé par son groupe. Sa performance sur « Ric Flair Drip » pourrait bien créer elle aussi, espérons-le, une émulation. – Raphaël

Post Malone – « Rockstar » feat. 21 Savage

Après un premier album désastreux l’an dernier, il fallait que Post Malone prouve qu’il n’était pas qu’un effet de mode que l’on allait vite oublier. C’est chose faite avec « Rockstar », en tête des charts pendant des semaines et candidat sérieux au morceau de l’année. La collaboration improbable entre Post Malone et 21 Savage confirme qu’il n’existe pas de formule pour un titre à succès.Sur un instru éthéré, doux, presque impalpable (composé par Tank God au milieu d’une semaine de partiels de bio), les deux rappeurs décrivent une vie de débauche sur une mélodie addictive, répétée en boucle. Dans son registre inclassable, quelque part entre rap, folk et pop, Post Malone est dans une situation rêvée et en même temps très délicate : capable de tous les cross-overs, sa musique d’équilibriste court également le risque de virer à la bouillie. À lui de ne pas se tromper une seconde fois. – David

D.R.A.M – « Ill Nana » feat. Trippie Redd

On n’enlève pas aussi facilement un sourire du visage de D.R.A.M. Porté par un très bon premier album en 2016, l’homme le plus rieur du rap US aura passé 2017 à envoyer quelques singles (hautement recommandés) à ses fans, dont « Ill Nana » en compagnie du jeune Trippie Redd. Une collaboration un peu improbable sur le papier qui fonctionne pourtant parfaitement au casque : ode aux douceurs enivrantes des charmes féminins, « Ill Nana » fonce à mille à l’heure dans une enveloppe sonore à la fois nerveuse et onirique donnant un vrai cachet au titre, le tout renforcé d’un couplet chanté à pleins poumons par un Trippie Redd aussi séduisant que son visage peut être inquiétant. Dernier conseil : regardez le clip du morceau. Vous ne le regretterez pas.  – Brice

Myka 9 – « M0STEP1C »

Il avait déjà fait le coup il y a dix-huit mois et on s’était demandé dans quoi le « Freestyler » Fellowship avait encore été se fourrer. Mais retrouver Myka 9 sur un projet obscur n’est pas synonyme de mauvaise surprise. Au contraire. Cette fois, il se colle dans la roue d’un comics naissant, Dark Moon, entre bande-son de l’œuvre et side project. Complètement spatial et sci-fi, Michaël Troy se balade entre passages toujours aussi habilement chantonnés, spoken word et flow aussi beau qu’une nébuleuse stellaire. Pas étonnant de la part d’un artiste dont les prouesses verbales ont toujours défié la loi de Newton et qui disperse son talent comme des poussières célestes. – zo.

Vince Staples – « Big Fish Theory »

Quand vous êtes DJ, il est très fréquent que des morceaux vous évoquent des enchaînements. Certains s’avèrent même être des passerelles idéales pour passer d’un style à un autre. C’est le cas de « Big Fish » qui, avec sa production à la fois clinquante et dégoulinante, aurait une place parfaite entre un son de Baltimore et un disque de Too $hort ou de Rick Rock. À l’image de son album, Vincent Staples ouvre ici le champ de tous les possibles : richesse musicale, charisme grandissant, avec Big Fish Theory, le MC de Long Beach traverse les styles et les exercices. C’est d’ailleurs tout sauf un hasard si on retrouve l’œcuménique et intemporel Juicy J au refrain du titre éponyme. Trust your DJ ! – Bachir

Fly Anakin, Koncept Jack$on & TUAMIE – « Grandma’s Spot »

La Virginie a une position délicate. Un état du Sud, quelques fois bercé par les vents du Nord, de par sa position géographique maladroite. Un espace de transition donc, pourtant déjà doté d’un esprit très conservateur, le laboratoire favori pour observer les contradictions dans ce grand pays : les États-Unis. À Richmond, capitale de la Virginie, un collectif d’une dizaine de gamins a plutôt bien choisi son nom, la Mutant Academy. Sans trop rentrer dans les détails du collectif composé d’une myriade de producteurs et rappeurs, Fly Anakin et Koncept Jack$on, les deux MCs les plus en vue de l’équipe, ponctuent l’année 2017 avec un album commun intitulé Panama Plus. Cette nouvelle sortie est savoureuse grâce à l’intégration récente d’un producteur en passe de confirmer son statut, TUAMIE. L’association donne un titre phare, “Grandma’s Pot”, une illustration parfaite de ce que cette académie de mutants peut faire de mieux. Un son poussiéreux, sale, mais à la fois construit sur des boucles éblouissantes. Et surtout, le morceau est mis en images de la plus belle des manières par Unlucky Bastards, producteur et réalisateur de la nébuleuse. Une superposition d’images brutes, furtives, un collage fidèle à Richmond. Entre art contemporain et quartiers paupérisés. Patrimoine néoclassique et espaces désindustrialisés. Vie nocturne et sirènes de police. Et sur le toit d’un immeuble, Fly Anakin, TUAMIE, Koncept Jack$on, pour manigancer les étapes à venir. Capuches sur la tête, do-rag bien vissé, lunettes sur le nez, verre de vin blanc dans une main, liasse de billets dans l’autre, dans une partie d’échec, un clin d’oeil habile à la série The Wire. Dans tous les cas, l’équation semble à peu près complète pour faciliter l’arrivée de la Mutant Academy à un public plus large.  – ShawnPucc

Caleborate – « Caught Up »

Au sein de la Bay Area, un jeune homme s’efforce de livrer un message de douceur. Déjà plébiscité l’an dernier sur notre site pour son disque 1993, Caleborate aura encore frappé cette année avec un nouvel album, introspectif et gorgé de chaleur soul. Mélancolique et lumineuse, la musique de Caleborate transporte sur cet album, notamment via son introductif « Caught Up ». Sur quelques notes de piano et une boîte à rythme, le jeune homme raconte ses tourments, sa lutte interne pour devenir quelqu’un de bien, ses déceptions amoureuses. Un discours et une attitude de plus en plus rares dans le rap US, qui ne peuvent faire que du bien et que l’on se doit donc de saluer. Essayez, vous verrez. – Brice

RSXGLD – « True » feat. Royce Da 5’9”, JMSN & DJ Assault

Association du rappeur Ro Spit et du producteur 14KT, RSXGLD (prononcé Rosegold) est le genre de pépite brute que seul un label comme Fat Beats peut dénicher. Les deux artistes du Michigan ont sorti avec leur album éponyme un disque minutieusement produit, entre boucles soyeuses et synthés robotiques. L’un des sommets de leur collaboration est « True », conviant trois autres artistes de Detroit : Royce da 5’9″, le chanteur JMSN, et le producteur de ghettotech DJ Assault. « True » est un feu d’artifice, entre les raps combatifs de Ro et Royce, la production sautillante et changeante de 14KT, et le final en apothéose de DJ Assault. De la soul, des punchlines, de la musique électronique : c’est tout un héritage musical de « Motor City » qui est condensé dans ce morceau de bravoure. – Raphaël

CunninLynguists – « Violet (The Upper Room) »

Cela fait quinze ans que sévissent Kno, Deacon et Natti. Même si chacune de leur sortie ne réédite pas forcément le monument A Piece of Strange, le trio du Kentucky peut toujours se targuer d’une chose : une production soyeuse. De ces beats signés Kno – qui se fait de plus en plus rare au micro -, Natti et Deacon the Valley extraient des interrogations claires obscures et peignent des tentatives d’ascensions spirituelles. Un gospel expiatoire n’est jamais très loin de certaines des interprétations des deux rappeurs. La synesthésie non plus. « Violet » en est la preuve, et son usage des couleurs, que ce soit dans les textes, les interprétations, la production et même dans la tracklist de leur dernier album, n’a rien à envier aux fracas humanistes dépeints par l’écrivain James Lee Burke. – zo.

Ski Mask the Slump God – « Catch Me Outside »

Dès les premières mesures de « Catch Me Outside », on est rattrapé par un sentiment de familiarité. Comme si cette instru nous disait quelque chose et… ressemblait furieusement à du Timbaland de la belle époque. Normal, c’est la production de « She’s a Bitch » de Missy Elliott. Quand ce single est sorti, en 1999, Ski Mask avait trois ans. Ce qui n’empêche pas Timbaland d’être le producteur préféré du jeune Floridien, qui connaît ses classiques. « Catch Me Outside » combine la bouffée de nostalgie à ce que le rap offre de plus actuel et de divertissant. Ski Mask est un personnage haut en couleur et excessif, comme la plupart des artistes étiquetés (à tort ou à raison) SoundCloup rap, mais le bougre n’oublie pas de faire étalage de ses capacités techniques et offre une performance délurée qui fait honneur au beat de Timbo. Ne reste plus qu’à espérer que la mixtape que ces deux-là ont promise après le succès de ce morceau verra bien le jour. – David

Scarface – « Black Still »

Un vétéran de Houston qui reprend l’un des meilleurs titres de Public Enemy, cela peut effrayer sur le papier. Mais rassurez-vous la mayonnaise prend bien et ne fera pas uniquement plaisir aux puristes. Avec ce sample d’Isaac Hayes revisité par le vieux briscard N.O Joe, Scarface pose d’emblée ce climat cher à Public Enemy : celui de l’urgence. Et comme les vétérans de P.E, le geto boy dénonce, prévient, galvanise et s’inquiète face aux dérives racistes amérikkkaines tout en invitant son auditorat à s’instruire pour mieux appréhender les bégaiements de l’histoire. Un morceau bien évidemment entendu et approuvé par Chuck D himself, parfait prolongement de « Black Steel in the Hour of Chaos ».- Bachir

Bhad Bhabie – « I Got It »

Danielle Bregoli, alias Bhad Bhaby, aura assurément été le phénomène le plus étrange et dérangeant du rap américain cette année. Révélée lors d’une émission de télévision située entre C’est Mon Choix et Pascal Le Grand Frère, la jeune fille de quatorze ans aura en effet réussi à devenir un meme en une phrase au début d’année (« Catch Me Outside ») avant de signer un contrat chez Atlantic Records. Flairant le bon coup médiatique, la major a en effet décidé de prolonger le buzz autour de Bregoli en lui offrant une carrière de rappeuse sur plusieurs albums. Le résultat ? Des premiers titres corrects, portés par beaucoup d’attitude, qui posent question. Tout le monde peut-il faire du rap du moment qu’il est bien entouré ? Car il faut bien reconnaître une chose : Danielle Bregoli est à l’aise et plutôt efficace quand elle rappe. Il suffit d’écouter et de voir « I Got It » pour s’en convaincre. Un morceau troublant par ses qualités, qui continue donc d’entretenir le mystère autour de l’avenir dans le rap d’une gamine révélée à la télé il y a seulement quelques mois. Merci le vingt-et-unième siècle. – Brice

6ix9ine – « Gummo »

Coupe de cheveux et dentier arc-en-ciel, « 69 » tatoué plusieurs fois sur le corps, accusations d’attouchement sur mineure : 6ix9ine est un « freak », un vrai. La musique du rappeur de Bushwick, Brooklyn, est une expression directe de son personnage : criarde, nihiliste, immorale, bordélique. Sur « Gummo », Tekashi joue à fond la carte de l’antagoniste d’un mauvais manga, de son interprétation nerveuse et hurlée, à la bande son de dimension parallèle, piquée sans autorisation à Pi’erre Bourne. Pourtant, en interview, il se pose comme porte-voix des parias, des marginaux. Il y avait les « SoundCloud rappers » : 6ix9ine, d’abord absent de la plateforme d’écoute en ligne, est un « YouTube rapper », une incarnation du meilleur et du pire du rap en 2017, tout à la fois mème vivant, porteur d’une esthétique nouvelle, défiant les lois de la géographie rap et du bon goût. Ça promet pour 2018. – Raphaël

A Cat Called Fritz & Sach – « Mustafa in the Sky with Diamonds »

Avec cette apparition sur le projet Vertical Iris du beatmaker français A Cat Called Fritz, l’ancien rappeur de The Nonce confirme qu’avec lui, c’est l’art du dosage qui s’exprime, quel que soit le registre. Sach n’est jamais envahissant et toujours pertinent tant à chacune de ses apparitions, sa présence semble couler de source. A Cat Called Fritz a logiquement pensé à sa voix chaude à l’écoute de cette production sur fond de crépitement de vinyle, de piano et de sample aérien, pour ne pas dire spatial et Nouka Basetype n’est ici pas loin des grandes heures où il était accompagné d’Omid aux machines. « Mustafa in the Sky with Diamonds », ou le titre idéal pour patienter en attendant la réédition à venir The Nonce 1990 sur le label Family Groove. Car entre ses sorties solos et les rééditions inédites de The Nonce, Sach cultive ses capitaux culturels, artistiques et économiques avec élégance et brio. – Bachir

Lil B – « Bad Mf »

Peu importe les tubes au Billboard, peu importe les insolents rappeurs de Soundcloud, le nouveau rap américain n’oublie pas son prophète : en 2017 encore, Lil B aura marqué son monde avec Black Ken, album de vingt-sept titres à la pochette folle et aux couleurs musicales en hommage aux années 80-90. Entièrement produit par Lil B lui-même, Black Ken est l’oeuvre d’un artiste complet mais fantasque, capable de passer du statut de gourou spirituel à celui d’arrogant flambeur, qui aime autant le rap que celui-ci le respecte. Si beaucoup vénèrent le Lil B coach de vie, on reste bloqué sur le piano funk menaçant de « Bad Mf » et ses paroles insolentes. Un hymne West Coast et un piano saccadé que Dre et N.W.A n’auraient surement pas renié tant ils donnent envie de rouler des mécaniques. – Brice

Nipsey Hussle – « Rap Niggas »

« Je n’ai rien à voir avec vous autres les mecs du rap », répète à l’envie Nipsey Hussle sur « Rap Niggas ». Qu’est-ce qui le sépare réellement des autres rappeurs, au-delà des bolides, des liasses et des semi-automatiques ? En presque dix ans de carrière, le rappeur de Crenshaw n’a sorti aucun album officiel, mais a pourtant réussi à installer son nom dans le rap américain, à coup de promos originales et de réactualisation du gangsta rap californien. Un CV dont il se vante aussi bien dans le texte qu’en musique. « I own all the rights to all my raps, nigga », prétend-il sur l’empilement assourdissant de sirènes du collectif 1500 or Nothin’. « Rap Niggas » n’a gardé de son héritage angelino que les basses pesantes et l’ambiance urgente, posées ici sur une rythmique rouleau compresseur. Si cet extrait est un indicateur exact, Victory Lap, prévu pour le 16 février 2018, pourrait en effet être un album triomphal. – Raphaël

ROCK – « GW BaG »

On se souvient de l’hymne californien de Kendrick Lamar « Women Weed & Weather ». Avec « GW BaG », Rock en signe un peu le pendant new-yorkais. Et il est sombre évidemment, car il s’agit de l’album de l’après Sean Price, pour celui qui a été son compagnon de route au sein du groupe Heltah Skeltah. Le disque s’intitule d’ailleurs Rockness A.P, pour Rockness after Price, et la dimension ténébreuse et rauque se ressent jusque dans la voix de Rock, qui pose comme après avoir enquillé les bouteilles de whisky. Mais qu’on ne s’y trompe pas : malgré cette noirceur, Jahmal Bush est un épicurien et la perte de son partenaire semble avoir amplifié ce penchant. Ford Tuff signe quant à lui une production qui sent bon le glaçon et le cigare, et offre un écrin parfait pour ce retour plus qu’honorable. – Bachir

Rapsody – « Laila’s Wisdom »

C’est un tapis rouge qu’a déroulé Nottz pour Rapsody en ouverture de Laila’s Wisdom. En faisant sautiller les notes de piano du « Young, Gifted, and Black » d’Aretha Franklin, dont la voix résonne par instants, il offre à la rappeuse de Caroline du Nord un écrin idéal pour donner le ton à son deuxième album. Inspirée par les conseils de sa grand-mère maternelle, Rapsody sème sa pensée positive et son envie de vaincre sur les trois minutes de « Laila’s Wisdom », jusqu’à s’en croire transcendée (« God rested on the seventh day and worked on me on day ‘fore »). Rapsody ne rappe pas : elle prêche. – Raphaël

The Allergies – « Buzzsaw » feat. Andy Cooper

Il a souvent été question de fast flow ces dernières années. Applaudi par certains qui y voient un prolongement de l’espérance de vie de la notion de performance dans le rap, il est parallèlement qualifié d’esbroufe par d’autres. N’empêche, des têtes d’affiches françaises telles que Sofiane ou Davodka ont adopté depuis longtemps la rapidité, quand ils n’en font pas une de leurs marques de fabrique. Sur le sujet, de l’autre côté de l’Atlantique, Twista est le premier nom qui revient systématiquement, et d’autres tels que Tonedeff ou Tech N9ne ne sont pas en reste. Parmi eux, il y a également Andy Cooper, qui après Ugly Duckling est devenu le principal compagnon du duo anglais The Allergies. Les deux beatmakers, fascinés par la funk et revendiquant DJ Format comme influence, ont pour une fois laissé tomber les descentes de trompette pour offrir à Andy Cooper une high speed lane. « Buzzsaw » est frénétique, endiablé et débridé, autant habité par le débit de son rappeur que par un Rhodes et une basse grassement possédés. – zo.


Vous pouvez également retrouver cette sélection sous forme de playlist sur Spotify et Deezer.

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