Nos 25 morceaux du deuxième semestre 2021
Rap anglophone

Nos 25 morceaux du deuxième semestre 2021

Retour sur six mois de rap anglophone. La rédaction tente de les résumer en 25 titres coups de cœur, entre parti-pris et incontournables.

Photo de D Smoke par visual_thought
Photo d’Andre 3000 par Tommaso Boddi
Photo de Shygirl par Trinity Ellis


Rx Papi, Gud – « 12 Stout Street »

La gentrification de New York a-t-elle été bénéfique aux états plus reculés de la ville ? Dans cette question, ce n’est pas l’évolution du prix du mètre carré à Harlem qui nous intéresse mais plutôt la créativité débordante de ces états de l’upstate. Ces dernières années, la ville de Buffalo nous a donné le label de Griselda. Roc Marciano, lui, est allé lorgner du côté la ville de Syracuse pour enrôler son nouveau lieutenant Stove God Cook$. Et dans cette renaissance un tas de petits atomes sont venus se greffer à l’image du rappeur Eto de Rochester. Et c’est dans cette même ville qu’une nouvelle sensation est en train de prendre forme : Rx Papi. Sa musique est un mélange explosif. Elle transpire les percocets et l’extorsion de fonds. Elle est saupoudré de coke et des cambriolages. Et elle est aussi traversée de regrets, d’anxiété, de trauma. « 12 Stout Street » – titre de l’album Foreign Exchange – c’est l’adresse de son domicile familial, une maison dont il n’a pas gardé un bon souvenir (« 12 Stout Street, I hated that house »). Rx Papi n’a pas de filtre. Dans la cabine du studio, il chuchote la rue. Son phrasé est hors temps, dans les temps, insaisissable. Il donne la sensation de vertige, de folie, et rappelle que c’est dans les marges que les choses se font. Composé par le producteur suédois Gud – proche du rappeur Yung Lean -, le rappeur de Rochester écrit le manuel d’un homme qui tombe. Le manque d’amour. Le manque d’argent. Le manque de repère. Le manque de tout. Les notes sont aérées, presque en contradiction avec le discours, mais donnent un peu d’air dans un monde régi par le poids de la gravité. L’écriture n’est pas une porte vers la catharsis. Elle est lourde, claustrophobe, une impasse : pas de fin heureuse dans la cinémathèque de Rx. – ShawnPucc

Atmosphere – « Crumbs » feat. Evidence & Muja Messiah

Ici, tout est classique. Atmosphere fait du boom-bap, parle d’anxiété, et invite à la fois un complice de son label, Evidence, et une figure locale des Twin Cities, Muja Messiah. Si ça fonctionne ? Évidemment. C’est une ode à la nonchalance trempée dans la weed, le délétère racisme quotidien, et la soporifique barrière des réseaux sociaux. Ici, plusieurs lignes sont savoureuses de cynisme doux-amer sur le monde. Autant qu’elles le sont de lucidité aigre-douce sur soi-même. Et pourtant, le tableau peut sembler vu et revu chez Atmosphere. Donc lassant. C’est sans compter sur l’énième démonstration de force d’Ant, dont les qualités de producteur ne seront définitivement jamais assez célébrées. Avec un beat épuré aux basses rondelettes en guise de ponctuation, c’est une ambiance laidback qui s’instaure. Une atmosphère sucrée salée dont Rhymesayers, ses tenanciers et leurs fréquentations ont toujours eu le secret. Comme quoi, il y a les vieux pots (et les vieux potes), la meilleure confiture qui en sort, et à la fin, Atmosphere n’en gâche pas une miette. – zo.

Declaime – « Forgotten roads »

« Forgotten Roads » arrive comme un refuge. Une île dans un océan de sorties qui se ressemblent et répètent souvent les mêmes thèmes, les mêmes schémas de production. Il y a évidemment des portes de sorties et des originalités chez chacun mais avec des livraisons d’albums, EP, mixtapes tous les vendredis de chaque semaine, l’auditeur se retrouve souvent noyé par une houle trop salée. Declaime sur sa côte californienne, à Oxnard plus précisément, a toujours été un peu en dehors des tendances. Depuis la fin des années 90, il se plaît à faire inlassablement sa musique sans vraiment avoir de compte à rendre à personne. D’ailleurs « Forgotten Roads » aurait pu paraître à la fin des années 90 ou au tournant des années 2010 : le temps, et surtout les tendances, n’ont pas vraiment de prise sur la musique de Dudley Perkins. Du boom-bap californien, dans la même veine qu’un Pharcyde période Labcabincalifornia, la même musique que Declaime usine album après album. Le son est chaud, tirant sur de la soul jazzy, et quand les caisses claires arrivent, le hochement de tête est automatique. Le clip alterne plans sur Declaime dans un intérieur feutré, images d’archives en concert, de bouts de routes enneigées, de villes et de végétation californienne. Le refrain est entêtant, qui plus est la voix de Declaime possède ce timbre ensorcelant, enrobée dans un rap sans à-coup, glissant sur une fine mélodie de piano et de cuivres discrets. En somme, rien d’original à proprement parler. Cela pourrait même être lassant si l’on se bornait à voir le verre à moitié vide. Mais voilà, la magie opère et sa formule est une bulle d’air se laissant porter simplement par des textes évoquant eux aussi une errance, « a never ending journey ». Une quête mystique et spirituelle que l’on retrouve tout au long de son dernier album, The Last Stand, produit en majorité avec Georgia Ann Muldrow, son ex-épouse. – JuldelaVirgule

Drake – « 7AM On Bridle Path »

Bridle Path, c’est l’adresse du monstrueux manoir de Drake perché dans un quartier résidentiel pour millionnaires de Toronto et c’est aussi le cinquième morceau de cette série de titres qui cartographient le parcours de Drake lors de ces dix dernières années. Une heure, un lieu, une ambiance. Dans ce « 7AM On Bridle Path », de bon matin, remonté comme un coucou dans son peignoir épais, Drake règle ses comptes, principalement avec Kanye, en allusions plus ou moins subliminales. Les deux rappeurs ont depuis mis leurs différends de côté. Ce morceau n’a que quelques mois et son contexte est déjà obsolète. Mais au-delà de ce conflit plus ou moins anecdotique entre deux géants, ce qu’il faut retenir de ce titre, c’est qu’on y retrouve un Drake déterminé, appliqué, revanchard. Sans doute le plus aimable des visages de Drake depuis quelque temps. Pas de refrain, trois minutes trente de rap ininterrompu, une hargne qui fait plaisir à voir, des piques pensées et poncées avec un soin mesquin pour faire mouche. Une démonstration de savoir-faire et de confiance, et pourtant toujours ce besoin de se justifier. Drake à son meilleur. Mais le vrai coup de génie de « 7AM On Bridle Path », c’est sa production, qui mêle une ambiance éthérée aux sonorités étouffées, dans la grande tradition OVO, à un sample incroyable de cheerleaders, qui se fond contre toute attente dans l’instru et lui insuffle une énergie à la fois juvénile, militaire et presque tribale. Cardo et ses co-producteurs ont été pêché cette pépite dans une vidéo de battle de cheerleaders qui date de 2010, à Charlotte. L’art du sample ne cessera jamais de nous étonner. Cette production et cet extrait sonore condensent l’univers du Canadien en quelques secondes : le buzzer de basket, les mélancolies lycéennes d’Euphoria et les aspirations guerrières d’un garçon qui cherchera éternellement à se prouver. Tout Drake en un échantillon. – David

D Smoke – « Shame on You »

Déjà trente-six piges et plus de quinze ans de carrière, mais le succès rencontré par D Smoke n’est pas encore à la hauteur de son formidable talent. Alors, parfois, le frangin de SiR cède à la facilité et tente des trucs foireux. Ce sont ces moments d’égarement qui plombent un peu le bilan de War & Wonders, rendant l’album moins remarquable que celui qui l’a précédé l’an dernier, Black Habits. Mais sur une prod qui tabasse et avec de l’espace pour se lâcher, le Californien fait toujours la différence. En témoignent « Shame on You » et ses cuivres puissants, sur lesquels D Smoke vient jongler avec flows, distribuant les bons et les mauvais points : « Two times for niggas that ain’t gon’ lose / Three times for niggas that break wrong rules / One time for niggas that paid those dues / Listen, if you ain’t getting it, then shame on you. » Un artiste aussi doué qu’attachant, qui a peu de concurrence quand il s’agit de rapper avec le cœur et de transmettre des émotions. – Kiko

« Construit comme un discours pour la défunte mère de Kanye West, André 3000 tente de manière indirecte de parler à la sienne, elle aussi disparue. »

KAYTRANADA – « $payforhaiti » feat. Mach-Hommy

Mach-Hommy est un rappeur énigmatique, et le foulard qui dissimule son visage n’est pas le plus opaque des voiles derrière lesquels il s’abrite. Sur une production ample et contemplative de KAYTRANADA, il pose en créole puis en anglais deux couplets en forme de tunnels de rimes dont la complexité confine au mystique – à charge du profane de l’autre côté des enceintes de faire l’effort d’exégèse qui lui permettra d’en extraire des bribes de sens. Il pourra alors, en creux d’un refrain qui sonne comme une incantation, entendre les échos sanglants de l’histoire d’Haïti qui teintent cette collaboration entre deux des enfants de sa diaspora. Tout, du titre du morceau au visuel réalisé par l’artiste Dakota Gomez qui l’accompagne, en passant par les stigmates inscrits dans la grammaire même du Kreyòl ayisyen, semble pointer vers les traumas postcoloniaux et exiger réparation. Mais cette histoire et la violence sans âge qu’elle charrie avec elle ne sont données à entendre que sous le sceau du secret. Est-ce le groove hypnotique de l’instrumentale ou la tonalité fantomatique qu’y prend la voix de Mach-Hommy ? Le mystère de ce titre, qui conclut un EP du producteur montréalais intitulé Intimidated, s’épaissit à chaque écoute. Tandis que la présence qui le hante se fait chaque fois plus menaçante. – Beufa

DJ Muggs – « Father Time » feat. Ill Bill

83 secondes, c’est ce qu’il aura fallu à DJ Muggs pour instaurer l’atmosphère écrasante et malsaine dont il a le secret. 57 secondes, c’est ce qu’il aura fallu comme temps au micro à Ill Bill pour débiter des rimes faisant dégouliner cette basse saturée au potard comme du jus de cervelle s’écoulant dans un caniveau. Et enfin 180, ce sont le nombre de minutes nécessaires pour arrêter de presser hypnotiquement sur replay après les 120 secondes qu’a pris l’écriture de ce texte. – zo.

Magna Carda – « Sunday Morning » feat. IAN and Demetruest

« Sunday Morning » est le morceau qui clôt To The Good People, album du duo texan Magna Carda au sujet duquel on ne saurait être trop élogieux. Fidèle à la richesse musicale étalée par Magna Carda tout au long du disque, cet épilogue est doux et chaleureux, nourri par des cuivres somptueux et une basse vigoureuse. Megz Kelli vient nous faire profiter une dernière fois de sa voix profonde, avec un couplet puissant et un refrain où l’espoir le dispute à l’amertume ; elle laisse ensuite le soin aux invités, IAN et Demetruest, de finir le boulot. Et finalement, « Sunday Morning » ne suscite qu’un seul petit regret : qu’il ne revienne pas à Megz Kelli, dont la prestation est plus convaincante que celle des deux rappeurs conviés, d’assurer seule les trois couplets sur cette merveille de production. Mais ne perdons pas de vue l’essentiel : il s’agit là d’une magnifique conclusion à un album qui l’est tout autant. – Kiko

Maxo Kream – « CRIPSTIAN »

Sur Weight of the World, son troisième long format officiel, Maxo Kream traite régulièrement de la mort. Celle attendue anxieusement pour soi-même, celle crainte pour ses proches, celle qu’on menace de donner pour se protéger dans certains contextes, celle qui laisse un deuil qu’on porte sur soi comme une cicatrice. L’entrée en matière de l’album, « CRIPSTIAN », donne le ton direct sur une production terne et poisseuse. Des mauvaises nouvelles familiales s’y suivent comme des matriochkas : « My granny gettin’ older, she got sick and caught pneumonia, doctors said it was Corona. I hope it don’t kill her, pray one day it heal itself. She in a coma, I can’t tell her cousin André killed himself. He told me he gon’ ride, put my brother killers in the grave. » Dans ce contexte suffocant, la voix toujours tourbée et la diction claire et monocorde, Maxo confesse sa propre relation à la mort, entre hygiène de vie douteuse qui affecte sa santé et une forme de paranoia qui a hélas prouvé sa réalité ces derniers mois pour d’autres rappeurs du même calibre (« And I can’t even trust my Locs because a Crip n***a killed Nipsey »). Une fatalité qui l’empêche même de savourer sa maigre consolation de carrière d’artiste : « They say I sacrificed your life like I had joined Illuminati, they say I sold my soul to the devil for a crappy deal ». Un poids moral constant qui éclaire un peu plus le titre de cet album, le plus personnel à ce jour dans la discographie de Maxo Kream. – Raphaël

Kanye West – « Life of the Party » feat. André 3000

Ces dernières années, une constante caractérise les œuvres de Kanye West : l’incapacité de choisir. Dans Donda, dixième album de son auteur, cette sensation plane à maintes reprises. Désormais, finaliser un opus de Ye est devenu une grande messe dominicale sous la forme d’un A/B Testing. En fonction de la réception d’un titre par le public, une personne en studio ou encore de son humeur du jour, tout est amené à être chamboulé, effacé, remplacé, quitte à perdre le meilleur dans ce processus de création. « Life of the Party » est symptomatique de l’homme indécis que Kanye West se plaît à incarner. La première fois que nous avons eu la chance d’entendre ce morceau, ce n’est autre que son ancien ennemi, Drake, qui le jouait sur sa radio pour faire la promotion de son Certified Lover Boy. Dans cette idée douteuse, le plus américain des canadiens déroulait une haie d’honneur pour se faire taper dessus. En plus de révéler que Yeezy préparait secrètement un diss track, il avouait sans même le savoir qu’un seul titre pouvait faire de l’ombre à tout son album. Du coup, deux mois plus tard après la sortie de Donda, une version deluxe pointe le bout de son nez avec cette même chanson remaniée. Et dans ces six minutes et trente secondes, des instants de grâce sont révélés. Tout d’abord, il y a un couplet poignant de la moitié d’Outkast. Construit comme un discours pour la défunte mère de Kanye West, « Miss Donda », André 3000 tente de manière indirecte de parler à la sienne, elle aussi disparue. Il lui évoque ses craintes d’homme adulte toujours endeuillé et ses tendres souvenirs d’enfance. Cette manière détournée de parler à la seule personne capable d’étoffer ses doutes touche et renforce le sentiment que les mots, bien associés entre eux, peuvent dégager quelque chose proche du sacré. De son côté, Kanye West est fidèle à Kanye West, à la fois incapable de se focaliser sur le sujet, sa mère, mais touchant sur ses réflexions autour de la transmission et son désir de garder sa famille unie même si ses fondations sont en sable. « Life of the Party » est un grand moment, un moment qui aurait pu ne jamais exister. – ShawnPucc

« AK Bandamont est un raconteur de merde. Il rappe à la chaîne, passant de l’anecdote la plus triviale à la confession la plus désespérée. »

Nas – « Death Row East »

C’est un bout de l’histoire du rap que Nas aborde sur la deuxième piste de King’s Disease II, suite plus probante au volume précédent, lui aussi produit intégralement par Hit-Boy. Le golden boy du Queens est coutumier du fait, il avait déjà narré l’« U.B.R. (Unauthorized Biography of Rakim) » sur Street’s Disciple. Mais surtout, il avait déjà réglé ses comptes directement avec Jay-Z sur « Ether » et clôturé ce même beef en y ajoutant quelques détails sur les tensions new-yorkaises d’alors sur « Last Real N***a Alive ». Sur « Death Row East », Nasir Jones remet en lumière un épisode bouillant de la rivalité East Coast / West Coast prenant place entre 1995 et 1996, quelques temps avant l’assassinat de 2Pac. Une époque où le label de Suge Knight allait étendre son empire à l’Est, tee-shirts à l’appui, avec des signatures symboliques (des rumeurs annonçaient le Wu-Tang Clan, Big Daddy Kane ou Eric B) mais où la hache de guerre n’était pas encore enterrée. Sur une production s’inspirant ouvertement du style de Johnny J, Nas témoigne de son vécu dans cette ambiance électrique et revient sur un projet de réconciliation qui, sans la mort de la star californienne, aurait pu changer la face du rap. Évidemment l’Histoire en décida autrement. Le morceau de Nas demeure un témoignage précieux, et artistiquement très réussi, venant en corroborer de nombreux autres (Snoop, Jungle, Eric B entre autres). « Death Row East » démontre une fois de plus le talent de Nas à faire défiler des images devant nos yeux et ce pouvoir de nous ramener des années en arrière. Comme il dit avant d’attaquer son premier couplet : « It’s real life movies ». Et Nas, encore une fois, se transforme en réalisateur historique. – JuldelaVirgule

AK Bandamont – « Band Father 2 »

Le Michigan est le coeur battant du rap américain. Alors que le vivier aurait pu s’épuiser, étant donné la cadence essoufflante suivie par les artistes locaux depuis un bon moment, il s’est au contraire distingué par des expérimentations constantes. Aujourd’hui, la scène est éclatée en plusieurs micro-scènes. Et si certains traits caractéristiques permettent généralement de deviner assez vite l’origine géographique des morceaux, des styles autonomes apparaissent régulièrement. Il y a eu, ces dernières années, la montée en puissance de Flint et de son influence sur les rappeurs et rappeuses de Detroit. Il faut dorénavant compter avec Grand Rapids, le terreau depuis lequel AK Bandamont partage ses shoots d’adrénaline. Tout comme Rio Da Young OG, avec lequel il a collaboré, AK Bandamont est un raconteur de merde. Il rappe à la chaîne, passant de l’anecdote la plus triviale à la confession la plus désespérée, il intimide avec ses blagues, et menace avec ses aveux. Mais, contrairement à la jeune légende de Flint, AK Bandamont est furieux. Ses morceaux sont des poussées rageuses,  amplifiées par sa voix abrasive et soutenues par les percussions palpitantes d’Enrgy Beats. Une expérience parfois éprouvante, comme sur ADHD, mixtape réussie mais lessivante, dont était tiré « Band Father 1 ». Sur Soul Controller, où l’on retrouve « Band Father 2 », le dosage est particulièrement réussi. – Léon

Myka 9 – « Russian Rag »

C’est quasi systématique : chaque semestre, il est écrit dans ces colonnes à quel point Myka 9 est un rappeur céleste.  Son flow est un marmonnement cosmique, une ligne dont la mathématique ferait pâlir Albert Einstein. Quand Michael Troy ouvre la bouche, il étire autant qu’il raccourcit chaque temps, et l’univers hoquette de satiété. Alors, dans ce qui pourrait être une longue et énième déclaration d’amour à l’interstellaire rap de l’ancien de Freestyle Fellowship, il serait question de rappeler une nouvelle fois sa faculté à rapper l’indicible. À dire qu’après tout, il est le père du mumble rap, et que ses chakras – à lui – sont sur la même longueur d’ondes qu’un théorème de Planck ou qu’un téléscope Hubble. Bref, malgré ses douteux choix de producteurs ces dernières années, Myka 9 est un MCs que rien ne parasite. Enfin presque. Depuis quelques années, un affrontement oppose Talib Kweli au Project Blowed. Résumer l’histoire est aussi pénible qu’un débat entre sombres créationnistes et scientifiques éclairés à la théorie du big-bang. Alors pour résumer, disons que tout est parti d’une altercation entre Ellay Khule et le rappeur new-yorkais. Le premier venait de prendre trois balles, alors que le second habitué à faire le mariole sur les réseaux sociaux s’apprêtait à se faire bannir de Twitter. Entre temps, il a réussi à se mettre du monde de Los Angeles à dos, dont Myka 9. Le titre s’appelle « Russian Rag ». Kweli ne pleure désormais même plus sur Facebook. Il est dans le trou noir dans lequel Myka 9 l’a laissé. Est-ce que ces histoires de beef sont un peu tristes ? Oui. Alors maintenant que le boulot est fait, que la comète du Freestyle Fellowship retourne fendre l’espace dans lequel Kweli s’est laissé engloutir après son titre « Sons of Gotham ». Les nuits de Los Angeles ne sont jamais aussi belles que lorsqu’elles laissent les moralisateurs de New York derrière elles. – zo.

Ka – « I Need All That »

Dans la musique de Ka, le sens n’émerge qu’au point de collision entre les symboles et les mythes, quelque part entre le Japon médiéval, un jeu d’échec et les temps bibliques. Sur « I Need All That, » la basse est si étouffée que les quelques notes de piano qui reviennent sans cesse occupent presque tout l’espace sonore, chaque retour de la boucle plongeant l’auditeur un peu plus profond dans un état proche de la méditation ou de l’hypnose. La voix du MC semble émerger de l’interstice entre le caniveau et le noir d’encre du ciel, parole quasi-prophétique qui donne à voir les rues dont elle a émergé. Au refrain pourtant, une psalmodie sans équivoque vient contraster avec ce style labyrinthique : le propos est clair et direct, impossible d’y entendre autre chose que la proclamation d’une injustice, la dénonciation d’un vol (« I want back everything they took / My culture my music my look »). Ni les pillards ni les spoliés ne sont nommés, mais il suffit d’à peine tendre l’oreille pour entendre l’écho des fractures sociales et raciales qui traversent les rues de Brooklyn, et donc le rap qui en émerge. Comme toujours chez le fantôme encapuché qui rôde dans les nuits de Brownsville, toute une communauté se tient dans l’ombre de ce « je » qui se pose en dernier gardien d’un temple saccagé par les marchands. – Beufa

Da Flyy Hooligan & Tesla’s Ghost – « Amphibian Blood Spill »

« Amphibian Blood Spill », voilà un titre qui sent bon le rap mystico-pété des années 2000 et ses cohortes de farfelus qui feraient passer Francis Lalanne pour un gars tristement terre-à-terre. S’ils ne sont probablement pas hermétiques aux histoires d’hommes lézards et de maçons extraterrestres, Da Flyy Hooligan et Tesla’s Ghost évoluent cependant dans des registres plus convenus. Avec son grain lo-fi, son piano discret et sa voix féminine lointaine, « Amphibian Blood Spill » renoue avec les ambiances brumeuses et crépusculaires qu’affectionnait Triple Darkness, le super collectif londonien dont Tesla’s Ghost est l’un des rescapés. Le rap au kilomètre est aussi mis à l’honneur : il n’y a pas de refrain, juste des scratches sur des phrases de Biggie en début et en fin de morceau. Pour le reste, c’est la belle complémentarité entre les deux rappeurs qui fait la réussite du morceau : la voix lourde et le flow sentencieux de Tesla’s Ghost d’un côté, le phrasé plus nerveux et l’intensité de Da Flyy Hooligan de l’autre. Cette alchimie participe à faire de leur album commun, astucieusement intitulé Flyyghost, une œuvre cohérente et agréable. – Kiko

« Dans une sorte de dissection interstellaire, Sadistik évoque le peintre Hyeronimus Bosch et ses œuvres dressant un jardin d’Eden aussi fantastique que terrifiant. »

Sadistik & Kno – « Neptune Skin »

En 2015, Sadistik et Kno s’associaient pour un mini-album. Phantom Limbs était aussi délicat qu’il était cruel. Il peignait des paysages désertés, rythmait des présences évanescentes, et laissait des chœurs choir sur un tapis d’instrumentaux synthétiques. Six ans plus tard, les deux producteurs se retrouvent pour évoquer la peau de Neptune. Une chanson de 120 secondes qui contient probablement le texte le plus poétique de l’année. C’est déjà évident à l’écoute, ça l’est encore plus lorsqu’il est lu à part. Dans une sorte de dissection interstellaire, Sadistik évoque le peintre Hyeronimus Bosch et ses œuvres dressant un jardin d’Eden aussi fantastique que terrifiant. « Solar flares in peripheral look like marigolds » dit le MC de Seattle en 2021, avant « de rebondir entre les planètes qui réverbèrent des cris ». Frissons sur l’épiderme enroulé dans la soie écorchée de la production de Kno. Un BPM au ralenti qui cogne fort comme un cœur dans une poitrine, et des remontées de cordes de guitares cristallines qui tintent comme des cils. Un onirisme noir qui n’a pas d’égal dans le rap. Pretty tied up. – zo.

Styles P – « Only spenders » feat. Mrs Farma

« I think these four 5’s build a full house ». La punchline vient d’Omar Little, personnage haut en couleurs de The Wire. Quand il rentre par effraction dans une partie de cartes aux enjeux lourds, le boogieman de Baltimore n’en a pas fini avec sa réplique cinglante. Pour répondre à l’égo de Marlo, il en sort une autre toute faite avec un aplomb à faire taire toutes les bouches : « Man, money ain’t got no owners. Only spenders. » Pour « Only Spenders » donc, morceau issu  du dernier album solo de Styles P Ghosting, deux évènements importants de ce deuxième semestre 2021 se rejoignent. Premièrement, le Verzuz sans pitié que The L.O.X. a réservé au Dipset, complètement désemparé, au sein du Madison Square Garden la nuit du 3 août. Un Jadakiss en feu, un Juelz Santana au sol, et des punchlines justement dignes d’Omar Little. Deuxièmement, le décès de Michael K. Williams quelques mois après cet « Only Spenders » samplant directement la scène du braquage citée plus haut. Y-avait-il un rappeur mieux placé que Styles P pour reprendre ce passage si représentatif de la véracité et de l’authenticité du personnage culte joué par l’acteur de Brooklyn ? La réponse tient en trois couplets et en un refrain d’une ligne répétée six fois comme une punition. L’instrumental de Black Saun est sec, les drums prédominants, et il n’y a pas grand-chose d’autre que la verve du membre des L.O.X. pour donner corps au morceau. Et en vérité, il n’y a pas besoin de grand-chose d’autre. Styles enfile son costume de croque-mitaine et comme Omar Little, il a ses manières pour faire son cash. S’interrogeant en introduction sur la finalité de ses actes, paraphrasant Nipsey lors d’une énième allusion au hustle, Styles se pare définitivement des plus belles sorties de couplets. Exemple avec la fin du troisième acte : « If you see me in the trenches know I terrorize shit / Yeah terrified shit / Fuck about a movie / I’m live motherfucker you should televise this ! » Agressif, triomphal, ayant peu d’attrait pour la gloire, on pourrait presque entendre crier « Styles is comin’ yo ! » avant chacune de ses entrées en scène. Et pour en revenir à ce Verzuz légendaire ayant pris place quelques semaines après la parution de ce morceau, l’équipe de Cam’Ron aurait dû le savoir : « You came at the King(s), you best not miss. »JuldelaVirgule

Cult of the Damned – « Good News »

2022 marquera le quinzième anniversaire de Tourettes Camp, le premier album de Children of the Damned. Depuis, le nom du collectif anglais a légèrement changé mais le style est resté le même. Si ce nouveau blase (Cult of the Damned) pourrait faire penser à celui d’un groupe de Black Metal, on reste bien loin de Gorgoroth : sur le nouvel album de COTD (The Church Of) comme sur les précédents, les productions lentes et étranges s’enchaînent, supports parfaits pour accueillir des egotrips teintés d’humour grinçant, débités avec une nonchalance qui frise parfois l’apathie. « Good News » cela dit, c’est, malgré son titre, le moment où le ton monte. Plus de weed dans le sachet, plus de pilules dans la plaquette, plus d’alcool dans le frigo : la soirée entre couilles menace de partir en vrille. Du coup les mâchoires se crispent et les poings se serrent. Et dans le registre rappeur à sang chaud, le vétéran Tony Broke a quelques références. Il ouvre le morceau avec un couplet façon tacle au niveau du pif, avant de laisser la place à une autre grande figure du rap de Liverpool, le trop rare Bang On!. À leur suite, emporté par la dynamique bien véner, King Grubb, dont la tension ne semble généralement pas excéder celle d’une tortue luth en fin de vie, tape lui aussi du poing sur la table. « Good News » est ainsi un moment d’agitation au cœur d’un album qui avait tendance à ronronner. Et la preuve que le large et talentueux roster de COTD permet également au collectif de s’illustrer, à l’occasion, dans des ambiances plus remuantes. – Kiko

Earl Sweatshirt – « 2010 »

Dans la galaxie du rappeur Earl Sweatshirt, les astres semblent avoir légèrement bougé. Quelque chose est différent, discordant, métamorphosé comme si Neptune avait enfin accompli son tour autour du Soleil. Est-ce une prise de conscience ou alors simplement l’ambition d’écrire une nouvelle page ? Seul Earl a la réponse mais les premières secondes de “2010” sont éloquentes. Pour les plus accoutumés aux boucles fumeuses de Thebe Kgositsile – son vrai nom -, la sensation de surprise se dégage. Produit par Black Noi$e, membre de la garde rapprochée du rappeur de Los Angeles – producteur également du titre « The Mint » et de l’album OBLIVION sur le label indépendant de ce dernier -, les deux artistes forment un duo étonnant. D’un côté, le producteur de Détroit est à la croisée des chemins, capable d’ingurgiter les sonorités les plus enfouies pour les teinter subtilement de couleurs plus accessibles. De l’autre, Earl est en totale confiance à la fois dans son écriture mais surtout sur ses choix, capable de trancher et choisir une prod à l’opposé de son travail ces dix dernières années. Cette union accouche d’un premier single abouti en vue de son futur album Sick! prévu courant janvier 2022. Le message est aligné mais l’écrin diffère comme si l’auteur de FEET OF CLAY faisait un premier pas vers nous. Fini de ses peintures abstraites, place à une ère plus figurative. Et c’est précisément cette notion de “départ” vers un nouveau point qui rend le titre fascinant. Et si seulement les décennies étaient synonymes de révolution de la planète Earl ? – ShawnPucc

Masego – « Garden Party » feat. JID et Big Boi

C’est la combinaison qui sort de nulle part. Masego, le chanteur, rappeur et multi-instrumentiste au saxo virevoltant, invite JID, très en forme cette année, et Big Boi, la moitié d’Outkast. Rien que ça. Garden Party est un titre festif, mais une fête d’un certain standing, à la belle étoile. Dans une ambiance nocturne, bon enfant et un peu mystique, les trois compères déambulent dans le jardin, célèbrent les femmes, la musique live et divers psychotropes. JID impressionne particulièrement avec un phrasé fluide et élastique tandis que Big Boi clôt le bal en taulier. Iman Omari, connu entre autres pour son travail avec Overdoz., et Jack Dine fournissent l’écrin à ce petit bijou tout en maîtrise. C’est chaud, organique, complexe, avec une touche de fantastique. La fête autrement. – David

« Avec ce « BDE », Shygirl opère une remise au goût du jour de la tradition des slackness lyrics du dancehall jamaïcain. »

Mac J – « Ready Or Naw »

L’année 2021 à Sacramento a été marquée par un deuil, celui de Bris, très jeune rappeur assassiné alors qu’il était rapidement devenu l’une des figures tutélaires de la nouvelle génération de rappeurs  de la capitale californienne. Parmi ceux-ci, Bris était le plus percutant, le plus charismatique, le plus doué. Celui dont l’ascension promettait d’être la plus fulgurante. Il partageait toutefois l’affiche avec son cousin Mac J, avec lequel il a notamment commis un album (Big Headed, en 2019). Depuis la disparition de Bris, Mac J poursuit seul leur œuvre commune. Et il le fait bien, avec une année 2021 particulièrement remplie, notamment de belles collaborations avec les voisins EBK de Stockton. Il nous a aussi et surtout gratifié de Tricky Mode, un excellent album sur lequel il fait étalage de sa versatilité. En quelques mesures, il ponctue ses introspections par des menaces chuchotées ou des blagues cryptiques. Parfois, il ralentit la cadence, et utilise sa voix douce pour chuchoter des contes sinistres et psalmodier sa frustration pour l’exorciser. Ces moments de lucidité extrême sur ses conditions de vie et sa difficulté à s’en affranchir offrent, comme sur « Ready or Naw », les morceaux les plus poignants. – Léon

Freddie Gibbs – « Black Illuminati » feat. Jadakiss

C’est la chanson de deux rappeurs persévérants, qui ont eu des hauts, des bas, mais n’ont jamais flanché. Et ont eu une année 2021 qui a symboliquement redoré leur blason, simplement grâce à leur talent pour le rap : Freddie Gibbs a été nominé aux Grammy Awards pour Alfredo (et a commenté sa défaite avec humour) après des années à porter son gangsta rap inaltéré ; Jadakiss a fait respecter son nom le temps d’un Verzuz mémorable opposant ses Lox aux Diplomats, au point qu’il est de nouveau considéré dans les interminables débats « top 5 dead or alive ». Après une collaboration en 2012 sur sa mixtape Baby Face Killa, Freddie Gibbs invite à nouveau Jadakiss sur « Black Illuminati » et son instrumentation flottante. Les voix ont pris de l’âge (plus mâte pour Gibbs, plus éraillée pour Kiss) mais leur verve et maîtrise sont restées intactes en neuf ans. Sur cet extrait du futur album de Gibbs, Soul Sold Separately, les styles sont différents, entre les allitérations et les multisyllabiques au kilo pour Freddie Gibbs et le sens de la formule pour Jada (« Go ahead and put the kids to sleep, this the grown part. Before we knew what Billboard was, we had our own chart »). Pourtant, dans leurs couplets respectifs, il est autant question de slalomer entre les pièges de la criminalité que ceux de l’industrie du disque. Deux univers dans lesquels ils ont respectivement réussi à survivre – « They wanna take me out this game like Sha’Carri », parallèle dressé par Gibbs avec l’athlète américaine évincée des J.O. de Tokyo en 2020. « He done took some L’s, but yeah, he got wins », conclue Jada dans une phrase à la troisième personne qui le désigne autant qu’elle pourrait pointer du doigt son comparse. – Raphaël

Drapht – « Better Alone »

« It never sat well with me being told to follow a purist driven set of rules and regulations, just to meet a specific genre’s sound, that didn’t ever quite represent the way I felt. » Voilà ce que dit Drapht à l’édition locale du magazine Rolling Stone lorsqu’il est question d’évoquer sa chanson « Better Alone ». Depuis une décennie, celui qui a commencé sa carrière dans l’orthodoxe, mais virevoltant, collectif Syllabolix Crew a multiplié les mélanges. Au point que sa musique s’est mise à flirter avec un pop rock vitaminé, conforté par quelques rotations à (gros) succès sur l’antenne de la radio Triple J. De cela, Drapht s’en amuse sans passion. C’est un accident heureux qui lui a rendu service. Il faisait ce qu’il aimait faire, il continue. Le public s’en lasse, lui s’y plaît, à son rythme. En 2021 et après quasiment trois ans d’absence, son rap oscille toujours entre bangers proches du crossover, quelques démonstrations de rap bien entouré, et exercices cathartiques. Il y a d’ailleurs un trait à tirer depuis ce « Better Alone » de 2021 jusqu’au nerveux « Lose Control » paru en 2008, en passant par le nonchalant « Another Juliet » sorti en 2016. Drapht et ses instabilités émotionnelles qui dérivent les années passant vers des passages chantés, une mélancolie triste plutôt qu’une spirale d’angoisses, et ce sentiment permanent d’être « out of date, out to taste », comme il le fredonne aujourd’hui. Comme si donner son cœur, ce n’était être qu’un produit à prendre au frigo, jusqu’au jour où une date de péremption rattrape. Artistiquement autant que sentimentalement. Adossé au réfrigérateur, Drapht referme la porte. Et y laisse Drake seul à l’intérieur. – zo.

Shygirl – « BDE » feat. Slowthai

Entre les diverses restrictions sanitaires qui pèsent sur les lieux de fête et l’interdiction plus ou moins formelle des contacts physiques, la période ne se prête pas franchement aux hymnes moites comme les murs d’une cave de boîte de nuit londonienne. Shygirl n’en a cure : avec ce « BDE » – acronyme de « Big Dick Energy, » le ton est donné – elle opère une remise au goût du jour de la tradition des slackness lyrics du dancehall jamaïcain à la Lady Saw, dans la droite ligne des morceaux les plus explicites de Trina ou de Lil’ Kim. Le beat composé par Karma Kid et Sega Bodega transpire l’énergie des soirs où la nuit et les corps s’embrasent sur la piste de danse. Shygirl y déroule des lyrics crus où son appétit sexuel est manifeste – elle prend possession de l’instrumentale comme une femme qui sait ce qu’elle veut et ce qu’elle mérite, et n’a pas peur de l’exiger. Bien que l’atmosphère sonore résolument orientée vers les clubs et la teneur explicite du propos diffèrent en profondeur des ambiances dans lesquelles il a l’habitude d’évoluer, Slowthai trouve sans peine sa place sur le titre, et son couplet sonne comme un contrepoint égrillard à l’attitude de boss bitch de Shygirl. – Beufa

Isaiah Rashad – « RIP Young remix » feat. Project Pat et Juicy J

Isaiah Rashad a peut-être sorti son meilleur album avec The House Is Burning. En tout cas, il a frappé fort. Le rappeur signé chez TDE a connu un parcours personnel tortueux, avec de longs hiatus entre chaque livraison. Mais l’attente en valait la peine. Entre sobriété et addictions, mélancolie douce-amère et excès destructeurs, Isaiah exorcise et esthétise ses démons tout en rendant hommage à ses racines du Sud et aux artistes qui ont nourri sa musique, d’OutKast à Goodie Mob, en passant par Scarface et Three 6 Mafia. « RIP Young » démarre sur un sample de « Cheese and Dope », classique de 2001 de l’inénarrable Project Pat. Quoi de plus logique pour le remix que d’inviter Pat et son frère Juicy J ? Les deux piliers de Memphis sont venus avec les crocs et offrent une prestation inspirée. Patta se fend de ses prononciations bien à lui, faisant rimer dollar et collar avec swallow. « Project is innocent » glisse-t-il dans son couplet, même si personne n’est dupe. Kal Banx, le producteur en vue de TDE, délivre une instru aérienne que Rashad et les frangins Houston survolent avec aisance. Un remix à la hauteur du rendez-vous entre deux générations du Tennessee. – David


Les morceaux de cette sélection sont à retrouver sous la forme d’une playlist sur Spotify et Deezer.

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