Les Eurockéennes 2008
C’était notre Ben-Hur. 75 concerts, trois jours intenses de festival et le plus gros casting jamais réuni dans un article de l’Abcdr : Oxmo Puccino, The Cool Kids, Cali, Pharrell Williams, Sly the Mic Buddah, Pete Doherty, Keny Arkana, Khujo Goodie, Sinik, Sébastien Tellier, Camille, Boots Riley et bien d’autres… Voici, rien que pour vous, les Eurockéennes 2008 vues de l’intérieur.
Vendredi 4 juillet Jour 1
15h30 – Montbéliard, rue des Febvres
Parmi les badauds qui se promènent en ville en cette journée ensoleillée, une coupe de cheveux se distingue : c’est l’afro de Boots Riley, moitié du duo californien The Coup, qui fait du shopping avec sa compagne. Au cœur de la ville du FC Sochaux, l’image est un peu surréaliste. Dans quelques heures, le MC sera sur scène au côté de Lyrics Born : les deux artistes accompagnent le groupe de funk-rock Galactic pendant leur tournée.
16h20 – Centre Ville de Belfort
Le faubourg des Ancêtres est embouteillé, mais il vaut mieux passer par le Centre Ville que suivre le faux-raccourci de la sortie 14 sur l’autoroute pour arriver à temps sur le site des Eurocks. Playlist du moment dans la voiture : « Underground Kingz » de UGK. Et un constat aussi implacable que la chaleur en cet après-midi : cet album est sacrément bien foutu.
17h35 – Site du Malsaucy
La foule se masse dans les navettes qui relient l’immense parking à l’entrée du site. A l’intérieur des bus, ça sent le shit et le coup de soleil sur peau teutonne. Au fur et à mesure que l’on approche de l’entrée, un bruit sourd gagne en intensité, puis des bribes de mots nous parviennent : « Babylone, babylone »… « Jeunesse du tiers-monde, nous partageons ta douleur »… « J’veux voir tout le monde le poing en l’air »… Pas de doute : le concert de Keny Arkana a bien commencé.
17h45 – Grande scène
1 mètre 65 à tout casser. Un t-shirt noir frappé du slogan « Rap Chiens de Guerre ». Un autre t-shirt en guise de bandana, avec la mention « Rabia del Pueblo » (La rage du peuple). Un keffieh attaché au poignet et le continent africain en pendentif : Keny Arkana refait le monde sur la grande scène des Eurockéennes. C’est elle qui ouvre le festival, accompagné d’un DJ, un backeur et un guitariste. La petite marseillaise parle révolution, système et liberté. Le cynisme ambiant voudrait qu’on sourie poliment à son idéalisme nerveux, mais quand Keny se lance à bras le corps dans ‘La rage’, il y a dans ses yeux une détermination et une force qui restent imprimées dans les deux écrans géants qui entourent la scène. Le public du festival, toujours friand des coups de gueule politiques, n’en demandait pas tant et ovationne la rappeuse. Un seul regret : Keny ne donnera pas d’interview. Dommage.
18h – Village Pro
Devinette : comment reconnaître un artiste dans le village Pro des Eurocks ? Facile : il s’y ballade tout sourire, avec un sac Puma à l’intérieur duquel on a glissé une paire de baskets en édition limitée spéciale Eurocks, la « 917 My Eurocks by Puma ». Pas de chance : les journalistes n’y ont pas droit, même s’ils font dans leur article un honteux placement de produit comme celui que vous venez de lire.
18h02 – Conférence de presse : Camille
En voyant Camille participer à cet exercice rituel sur canapé en compagnie d’un journaliste affable, un souvenir revient en tête : un an plus tôt, au même endroit, le journaliste mandaté pour animer la conférence du Wu-Tang Clan avait cité le titre « Shame on a nigger » en regardant RZA droit dans les yeux tout en appuyant lourdement sur le dernier mot. Sur le coup, le journaliste (blanc, évidemment) n’avait pas eu conscience de sa bévue, mais RZA avait jeté un regard stupéfait à Raekwon… avant de reprendre courtoisement l’interview.
Cette fois-ci, un autre journaliste affable interroge Camille sur la musique hip-hop, le rap et le hip-hop (au choix). Réponse de la chanteuse : « J’aime le dépouillement du rap. On doit comprendre les paroles, qui portent souvent un discours politique. Et puis il faut quelque chose de lourd derrière, un beat et une basse. » Le journaliste a visiblement envie de lui faire dire du mal du rap en français, et évoque la grandeur de Public Enemy, mais Camille s’accroche : » Dans le rap, on s’émancipe de la mélodie. Une langue appelle des mélodies : chanter des mots français sur une mélodie soul, c’est une violence faite à la soul. Mais dans le rap, il n’y a pas cette mélodie donc ça n’est pas un problème. Et puis le rap, c’est viscéral, c’est un cri. En France il est ancré dans une réalité, il est moins plaqué, moins copié sur le rap américain. » A l’image des chansons de l’artiste, l’interview prend alors un tour surréaliste : « Aux Etats-Unis, par exemple, les gens portent des capuches car les rues sont à angle droit, alors il faut une capuche pour se protéger du vent. C’est pour ça que les rappeurs portent des capuches. On dit aussi que les rappeurs mettent des baggys pour avoir le pantalon déjà baissé pendant les contrôles de police, du coup leurs baggys leur coupent la circulation des couilles. Non c’est vrai, je vous le dis : à cause des baggys les couilles ne sont plus irriguées, il y a un risque de stérilité. »
18h56 – Grande scène – Issue de secours n°13
Stupeur : la jolie métisse bénévole au sourire ravageur qui avait marquée l’édition 2007 est fidèle à son poste ! Elle s’est juste déplacée de quelques mètres à droite de la passerelle qui mène au village Pro. Le temps s’arrête sur le Malsaucy et Anthokadi, chroniqueur des Eurocks l’année dernière, a droit à un texto pour apprendre l’heureuse nouvelle.
19h25 – Grande scène
Stupeur (bis) : Olivia Ruiz porte à quelques centimètres près la même mini-jupe prometteuse que l’année dernière ! Anthokadi apprécierait. Elle est accompagnée de Camille et Oxmo Puccino. Avec Arno, Amadou & Mariam, An Pierle, Didier Wampas, Daniel Darc et Nosfell, ils forment La Bande Originale, une création spéciale à l’occasion des vingt ans du Festival. Réunis une semaine plus tôt, les artistes ont préparé une série de reprises et de collaborations inédites. Sur scène, Daniel Darc a l’air raide défoncé. La conférence de presse confirmera qu’il l’est vraiment.
19h30 – Village Pro
Au bord du lac du Malsaucy, Arnaud et Lloyd de Radio Chrétienne Francophone (dont l’antenne bisontine a eu l’idée de génie de lancer l’opération hyper-médiatisée « Prêtres Academy ») interviewent à l’arrache Boots Riley et les musiciens de Galactic. Le temps d’apprendre qu’Ice Cube est logiquement l’influence numéro un du MC que Lloyd lui lance « Tu sais que tu ressembles à Shaggy ? ». Réplique immédiate de Riley : « Toi aussi tu ressembles à Shaggy, mais celui de Scoobi-Doo ». Boum.
20h02 – Grande scène
Oxmo interprète ‘Nirvana’, extrait de l’album « Lipopette Bar », puis les autres musiciens le rejoignent pour un final sur l’air de ‘Higher’, de Sly & the Family Stone.
22h27 – Club Deville
Hipster Alert ! La scène est bourrée de jeunes gens porteurs de keffieh (rien à voir avec Keny Arkana) qui remuent frénétiquement sur le set de Girl Talk, DJ de Pittsburgh qui s’est fait une spécialité dans le télescopage instinctifs des genres, des époques et des tubes. En l’espace de trois minutes, passent ainsi à la moulinette ‘Hypnotize’ de Notorious B.I.G., ‘My neck, my back’ de Khia, ‘What happened to that boy’ de Birdman et ‘Lip gloss’ de Lil’ Mama.
22h45 – Plage
Boots Riley et Lyrics Born rappent les yeux dans les yeux. Derrière eux, le groupe Galactic finit son set dans le bruit et la fureur. Sympa, le guitariste du groupe fait en sorte que je puisse accéder à l’arrière de la scène pour interviewer Lyrics Born, dont l’album « Everywhere at once » a des airs d’énorme fête sous le soleil de la baie de San Francisco. Le MC italo-japonais s’est mis en tête d’aller dégoter une paire de Puma à l’autre bout du site. Nous partons ensemble, dictaphone allumé. L’interview-promenade est interrompue à chaque fois que l’on se trompe de chemin (environ cinq ou six fois au final). Pas de chance : le stand Puma est fermé au moment où l’on arrive sur place. Philosophe, Lyrics Born hausse les épaules et l’interview se poursuit sur le chemin du retour.
0h00 – Grande Scène
Ben Harper et son groupe, les Innocent Criminals, débutent leur concert. La foule est compacte. Une bande de jeunes se fraie un chemin en beuglant le « Po-lo-po-po-po-poooo » du ‘Seven Nation Army’ des White Stripes, transformé en hymne beauf par Tomer G. Il est temps de partir.
Samedi 5 juillet Jour 2
17h30 – Revue de presse
Nouvelle règle : interdire aux journalistes de la presse quotidienne régionale d’employer le mot « Bling-bling ». L’ex-néologisme des Cash Money Millionaires est présent à toutes les sauces dans un article de L’Est Républicain où, assez judicieusement, Sébastien Tellier est opposé à Pharrell Williams. A 0h40, le premier occupera le Chapiteau, tandis qu’au même moment le second investira la grande scène avec l’entité N*E*R*D. Entre le « bobo bling-bling » et « l’emblème d’un rap fashion un peu bling-bling », il faudra faire un choix.
17h35 – Point presse
Coup de fil rapide à David, en charge des artistes qui passent sur la grande scène. Le but : obtenir une interview de Pharrell, Chad Hugo et Shay. Autrement dit : mission impossible. Le groupe a annulé sa conférence de presse, et d’après David, Pharrell n’a pas envie de parler aux journalistes. L’interview-producteur de cinq pages attendra. On m’annonce que les Cool Kids arrivent sur le site à 19h. Je griffonne quelques questions sur un bout de cahier.
18h28 – Grande scène
Des onomatopées et de la soul un peu foutraque, c’est la recette de Camille, qui prend un plaisir fou à faire répéter des intonations débiles à la foule. Sur scène, elle est notamment accompagnée par deux visages familiers du beat-boxing hexagonal : l’ex-Saïan Sly the Mic Buddah et le très doué Ezra. De temps à autre s’élève de la foule un ballon Bob L’Eponge, « libéré » sous les adieux du public. C’est l’attraction du week-end.
19h10 – Chapiteau
« When I put that dress on, it makes me feel like Tina Turner ! » : accompagnée par son groupe les Dap Kings, la diva soul Sharon Jones se met le public dans la poche, et fait craquer un grand dadais qui ose monter sur scène pour danser avec elle. Il s’en sort plutôt bien et quitte la scène sous les applaudissements après une bise avec la pimpante vocaliste.
20h40 – Grande scène
Les Eurocks ne seraient pas les Eurocks sans un bon groupe de métal bien violent. Dans ce registre, le quatuor de Cavalera Conspiracy – formé par des ex-membres de Sepultura et Gojira – remplit le cahier des charges à la perfection. En voyant le chaos généralisé et le nuage de poussière qui s’élèvent de la fosse, on se sent un peu comme ce personnage au début du film « Phénomènes » qui, en assistant aux premiers suicides collectifs dans Central Park, a cette réplique : « C’est étrange, là-bas il y a des gens qui se blessent volontairement ».
21h49 – Club DeVille
« Tick tick clap tick ti-ti-tick clap »… Les Cool Kids entrent en scène avec ‘What up man’, le premier titre de leur « Bake Sale EP », tout juste sorti dans les bacs après avoir exister sur le net pendant des mois. Quelques minutes plus tôt, en coulisses, Mikey Rocks et Chuck Inglish sont apparus épuisés et las. Il faut dire que, depuis plusieurs mois, le duo enchaîne les dates de concert. En février, ils étaient passés à Dijon lors du festival Génériq. Le concert de ce soir est mieux maîtrisé, les MC’s s’accordant désormais plus de surprises, comme quand Mikey rappe le deuxième couplet de ‘I rock’ sur l’instrumental de ‘Hip-Hop’ par Dead Prez. Fidèle à la réputation flashy du groupe, Chuck porte des lunettes fumées un T-shirt floqué du slogan « JUST DID IT ». Hipster Alert ! Dans la foule, on peut croiser un un couple de fans qui portent le même T-Shirt N*E*R*D et la casquette jaune que Pharrell a arrêté de porter en 2002. Ils sont mignons.
22h10 – Conférence de presse : Sébastien Tellier
Question du journaliste sur les dérives sexuelles des jeunes :
Au bout de 25 minutes d’interview drôle et passionnante, un bellâtre quadragénaire vient chercher l’auteur de « Sexuality » – c’est son tour-manager. Sébastien Tellier laisse sa bouteille de vin blanc sur place, signe quelques autographes en empoche haut la main le trophée du « Meilleur Bon Client en Interview » de ces Eurocks 2008.
23h40 – Club DeVille
Le meilleur moment des Eurocks 2008 est le plus inattendu. Sur scène : Shape of Broad Minds. Un MC, un DJ, et un guitariste. Du rap bon esprit classique, sagement inspiré par la Native Tongue ? Presque, mais un détail attire l’attention : il y a dans les accords du guitariste quelque chose qui rappelle les productions Organized Noise de la grande époque Dungeon Family. Un peu fainéant, je m’éloigne, mais le MC Jneiro Jarel me retient en demandant au public (qui ne comprend rien) : « Is there ATLiens in France ? ». Et là, c’est le choc : il fait venir sur scène Khujo, ex-membre de Goodie Mob. Massif, le rappeur porte une casquette Atlanta criblée de facettes multicolores et arbore un T-shirt Goodie Mob qu’il jettera dans la foule après un medley de titres de « Soul Food », « Still Standing » (‘They don’t dance no more’) et son couplet dans ‘Gasoline Dreams’. Incroyable. Des types improbables montent sur la scène, l’un porte le hoodie « Skeletor » de LRG (avec la capuche qui masque le visage), l’autre est un noir avec un béret rasta orné de fausses dreadlocks. Khujo montre ses biceps à la foule et fait miner d’inhaler des bouffées de weed. Spontané, énergique et chaleureux : un petit miracle aux Eurocks.
0h20 – Club DeVille (Backstage)
Le Club Deville est le seul lieu du festival non protégé par un vigile, l’occasion est trop belle : je me faufile en coulisses et suis les deux rappeurs, qui se congratulent en retournant vers leur loge. Je me présente et les félicite, les deux artistes me saluent chaleureusement et nous partons dans une discussion de vingt minutes autour du rap sudiste et la Dungeon Family. Le bonheur. La suite ? Prochainement en ligne sur l’Abcdr…
0h45 – Grande scène
Le refrain semi-crunk de ‘Anti-matters’ ouvre le concert très attendu de N*E*R*D. Il y a six ans, pour la sortie de « In Search Of… », le groupe avait joué sur la Plage, Chad Hugo était absent et c’est le groupe Spymob qui les accompagnait. Aujourd’hui la configuration a changé : Pharrell, Chad et le transparent Shay (oui, il rappe !) investissent la grande scène avec un effectif musclé, dont deux batteurs montés sur ressort. La bonne nouvelle, c’est que les morceaux de leur dernier album « Seeing sounds » fonctionnent à plein régime sur l’espace massif de la grande scène. La mauvaise, c’est que Pharrell a beau hurlé « You can’t be me, I’m a rockstar ! », il peine à faire exister sa voix de fausset par-delà les guitares électriques et les énormes batteries. Vu de loin, il ressemble à une petite sauterelle capricieuse qui gigoterait près d’une ampoule brûlante. Le public paraît un peu décontenancé, et réagit timidement à la pyrotechnie du groupe, vraiment puissante pendant ‘Everybody nose’ et ‘Spaz’. Malgré tout le décorum de rock n’roll sauvage qui a fait la marque N*E*R*D, on a toujours l’impression que le producteur-mannequin-rappeur-icône n’a pas vraiment envie de se salir : les fans invités à monter sur scène pour danser sur les derniers titres viennent d’ailleurs directement des coulisses. Et puis ce mystère : pourquoi Pharrell a toujours ce regard vitreux et sans âme quand il monte sur scène ? Anybody nose ?
Dimanche 6 juillet Jour 3
11h30 – Montbéliard
Il pleut. En observant le ciel gris qui domine l’aire urbaine en ce dimanche matin blême, on a l’impression que les nuages dessinent la mention « Eurocks : le jour de trop » au dessus des toits.
15h14 – Grande scène
« Les temps changent, les p’tites font les putes, c’est atroce / La vie d’ma reum’, si elle te manque de respect crosse-là »… Pas de doute : la balance de Sinik a bien commencé – enfin, parlons plutôt de soundcheck. C’est son protégé Cyfack qui se charge de tester le micro, en répétant plusieurs fois le couplet de ‘A la dure’, dont est extraite la rime ci-dessus, qui ne fait même pas broncher les quelques midinettes venus s’égosiller pour leur rappeur. Il pleut toujours. Les deux DJ’s du MC font les balances (pardon, le soundcheck) et lancent les instrumentaux de ‘Dans mon club’, extrait de l’album « Le toit du monde ». Il fait décidément un temps de chien. Cyfack refait son couplet pour la quatrième fois. Pendant ce temps, comme dirait Sinik, « il pleut car je pleure des flaques de larmes. »
15h59 – Point presse
Hervé, l’un des responsables communication des Eurocks, annonce que Danger Mouse et Cee-Lo ont fait annuler toutes leurs interviews. Un créneau avait été fixé pour me permettre de rencontrer Cee-Lo pendant 25 minutes. Damnation ! Les nuages n’avaient pas menti : aujourd’hui est peut-être bien le jour de trop.
16h51 – Point presse
Des hôtesses préparent coupes de champagne, plateaux de fromages et charcuterie locale – la fameuse saucisse de Morteau tant appréciée par Nicobbl et Anthokadi en 2007. Les responsables des Eurocks sont tous là, ils répondront dans quelques minutes aux questions des journalistes à propos des 20 ans du festival. Deux photographes discutaillent : « Tu vas voir Sinik ? » demande le premier, « C’est la première fois que je préfère voir une conférence de presse plutôt qu’un concert » ironise le second. Quelques mois plus tôt, la presse locale avait elle aussi rit sous cape à l’annonce de la venue du rappeur des Ulis. De ce côté-là des Eurocks, il n’est pas vraiment en terrain conquis.
17h00 – Grande scène
Simplicité quand tu nous tiens : Sinik entame son concert sur l’air de ‘Carmina Burana’. Les écrans géants diffusent le clip de ‘De tout-là haut’, qui conte la mort de Thomas Idir alias S.I.N.I.K. Dans la fosse, des fans récitent mot pour mot les couplets du morceau pendant qu’apparaît à l’image Diam’s dans le rôle de la veuve éplorée. Le rappeur est seul avec ses deux DJ’s. Droit dans son Levis, il effectue un set solide, direct et sans fioriture. Il rappelle qu’il s’agit bien d’un concert de rap en accueillant le public d’un « Est-ce que vous allez bien la famille ?! » et raconte son « immense plaisir et honneur » d’être invité aux Eurockéennes. Quelques routines marrantes sont prévues pendant le show : par exemple, quand Sinik lance « T’as voulu clashé S.I.N.I.K ? », le public doit répondre en choeur « T’es dans la merde ! ». Au bout de quelques minutes, surprise ! Soprano apparaît en différé sur l’écran géant et fait mine d’appeler Sinik avec son portable. Instant suspendu : Soprano se met alors à chanter acapella le couplet de ‘Halla Halla’ pour que le public l’accompagne. La surprise met mal à l’aise à peu près toutes les personnes situées au-delà du bord de scène.
17h26 – Club DeVille
La rappeuse ivoirienne Nash termine son set. Du rap et de la danse : c’est l’ambiance zouglou, le mouvement musical qui règne à Abdijan. Elle est accompagnée d’un backeur-danseur, d’un DJ et d’un joueur de djembe. L’ambiance est festive, Nash profite des dernières minutes du show pour inviter des personnes du public à venir danser sur scène avec elle.
17h32 – Interview-Express avec… Nash
18h20 – Point presse
Sac de nœuds : les attachés de presse de Warner m’assure que l’interview avec Cee-Lo et maintenue, mais l’organisation des Eurocks indique qu’en réalité, Danger Mouse et lui sont retournés à leur hôtel et ne reviendront sur le site qu’à 20h. A 18h58, un dernier texto de Warner sonne le glas de mes espoirs : « Effectivement c annulé, je suis mille fois désolé ». Dans la boue des Eurocks, même les ballons Bob L’Eponge font la gueule.
19h00 – Grande scène
Il court d’un bout à l’autre de la scène, lance des « A poil ! » à la moindre occasion, se jette au sol et transpire comme un bœuf : Cali est un peu l’anti-Pharrell et apporte une bonne dose de pep’s à cette journée maussade. Son dernier album « L’Espoir » est très marqué par son engagement socialiste pendant les élections présidentielles, pas étonnant donc que le chanteur de Perpignan lance un appel à Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux pour empêcher les expulsions des sans-papiers : « La jeunesse de France ne vous laissera pas faire ! » tonne-t-il. On aimerait le croire.
20h20 – Chapiteau (backstage)
C’est le set des Babyshambles, le groupe du sulfureux Pete Doherty. En coulisses, on se plaît à imaginer les monticules de seringues et une piste de slalom géant au milieu de la poudreuse. Derrière la scène se faufile une silhouette ronde habillée d’un survêtement Adidas rouge brillant. C’est Cee-Lo, tout juste revenu de son hôtel. Deux badauds l’interpellent : « Hé, Gnarls Barkley ! ». Pas rancunier, le MC-crooner leur adresse un signe amical avant de s’engouffrer dans son tour-bus.
21h28 – Grande scène
Un beau crépuscule surplombe le concert d’Offspring. Pensée rap du moment : le batteur du groupe ressemble étrangement à Seth Gueko. Ou pas.
22h40 – Conférence de presse : Cali
Extrait : « Un jour, je suis sorti d’un tribunal glauque de Perpignan, et je me suis retrouvé face à une femme que j’ai aimé. Elle était avec son avocat, j’étais avec le mien, et on suivait un troupeau de couples qui avaient vécu la même histoire. En quelques minutes, un juge a décidé que je ne verrais mon fils qu’une poignée de jours par mois. Alors je me suis retrouvé dans la rue, et je voulais soit tuer quelqu’un, soit partir très loin. C’était très violent comme réaction. Je dédie la chanson ‘Le droit des pères’ à des parents qui vivent ce chagrin tous les jours car je sais leur chagrin. »
23h – Chapiteau
L’image est curieuse : 24 heures plus tôt, Khujo ressuscitait le son Dungeon Family dans le Club DeVille. Ici, Cee-Lo est en tenue de gala et s’époumone sur les titres de « St. Elsewhere » et « The odd couple », les deux albums du duo Gnarls Barkley qu’il forme avec le producteur Danger Mouse. Voir l’ex-leader de Goodie Mob (avec Big Gipp, T-Mo et Khujo) dans le rôle de vocaliste en chef de l’entité Gnarls Barkley est une vision étrange, comme si le méga-tube ‘Crazy’ avait bousculé la trajectoire d’un artiste qui, à quelques hasards près, aurait bien pu se trouver la veille au côté de son ex-compère sur la scène du Club Deville. Succès planétaire immensément mérité : la voix Cee-Lo porte à bout de bras l’univers rétro de Gnarls Barkley. A sa droite, ce grand échalas de Danger Mouse est vouté sur son piano électrique. En observant ses doigts jouer timidement, on pense à cette interview qu’il a accordé récemment au magazine Volume : « Ce n’est pas parce qu’on ne sait jouer d’aucun instrument qu’on ne peut pas produire une œuvre en deux semaines ». Question : si Danger Mouse disparaissait de la scène, entendrait-on vraiment la différence dans la musique ? Sarcasmes mis à part, le public est conquis, et à 23 heures, Cee-Lo finit par donner à la foule ce qu’elle était venue entendre :
Le concert se termine à 23h30. Moby va commencer son set sur la grande scène, c’est lui qui a la tâche de clôturer ces trois jours de festival, couronnées par une affluence sans précédents : sold-out le vendredi, sold-out le samedi, et sold-out le dimanche – qui, finalement, n’était pas si mal pour un jour de trop. A 23h45, les plus fatigués quittent le site et s’affalent dans les navettes. Un dernier coup d’oeil sur les projecteurs-lasers braqués sur le ciel avant de partir du parking : Dieu que trois jours peuvent passer vite. Rendez-vous en 2009.
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