Le troisième Run The Jewels est le plus abouti dans sa direction et le plus chaotique dans son propos. Killer Mike et El-P sonnent comme si Obélix et Astérix étaient membres de fsociety : régressifs et progressistes, abreuvés d’instrus magmatiques comme potion magique, ils veulent coller des baffes à l’ordre établi. RTJ3 n’est pas un coup du chapeau : c’est un coup de boule.

Wiley n’est pas que le Parrain du grime : c’est son Revenant. Reniant sa retraite annoncée il y a trois ans, le rappeur de East London a délivré un manifeste grime, brut, maîtrisé, embrassant enfin le titre d’accoucheur d’un genre qu’il a contribué à rendre si bouillonnant et influent.

Un autre versant d’Atlanta, hors du temps. Une pépite confidentielle qui mérite qu’on s’y penche.

Et si ils étaient là les vrais tubes de 2017 ? Un classique d’efficacité parti pour durer.

Un rappeur vétéran de Géorgie avec un nom chelou qui fait du boom-bap et sort un album sur le label de Sage Francis. Ça paraissait suffisamment intrigant pour qu’on y jette une oreille et on ne le regrette pas.

Los Angeles est un terrain d’enquête privilégié. Pour sa première oeuvre, Syd confirme à la fois deux choses. Un, qu’une génération dorée fleurit sous le soleil de Californie (Kendrick Lamar, Tyler, the Creator, Steve Lacy…). Et deux, que son talent est certain.

Après avoir fait des passes à tout le gratin de l’industrie, Drake, Beyoncé et Kanye West en tête, Sampha croque un peu, pousse, puis régale avec sa première galette.

Samples de soul lumineux pour itinéraires clandestins et quête personnelle. D’ores et déjà intemporel, comme la marge.

Comme chaque astre, Pluton a une face visible et une autre cachée. Il en va de même pour son plus illustre rejeton, dont l’âme semble nécrosée sur son album éponyme, et en pleine rédemption sur sa contre-partie solaire. Deux œuvres indissociables tant elles se répondent et permettent d’apprécier leurs sommets et abysses respectifs. Ceux de leur auteur, aussi.

Le premier a intitulé son album Buggzville Sessions et a une certaine fascination pour les insectes, le second se fait appeller Stinkin’ Slumrok. De leur collaboration est né Morrstinkin, un projet qu’on pourrait qualifier d’assez éloigné du répertoire de Poetic Lover.

Il a beau avoir déménagé sous le soleil de L.A., Roc Marciano est toujours le roi de New York, le genre de mac qui n’aurait pas dépareillé dans les rues crackées de la fin des années French Connection.

Tha God Fahim a peut-être fait mieux que Dreams of Medina 2 en 2017. Mais on a arrêté de le suivre en mai, après son vingtième projet de l’année.

Comme chaque astre, Pluton a une face visible et une autre cachée. Il en va de même pour son plus illustre rejeton, dont l’âme semble nécrosée sur son album éponyme, et en pleine rédemption sur sa contre-partie solaire. Deux œuvres indissociables tant elles se répondent et permettent d’apprécier leurs sommets et abysses respectifs. Ceux de leur auteur, aussi.

Médine sculpté par la trap et surtout, le temps.

Thundercat est un virtuose. Une magie déposée entre dix doigts, des accords complexes, avant-gardistes, venus éclairer les partitions des plus grands. Cette fois-ci, avec Drunk, le magicien évite les écueils trop élitistes et couche la plus belle page de sa jeune discographie. La maturité artistique.

Devant une feuille blanche, Sameer Ahmad invente deux avatars et trempe sa plume dans l’encre de jouvence, pour un voyage en skate et sans passeport aux quatre coins du globe. Plus qu’un disque, un chakra.

À New York les choses ne sont plus comme avant. La « Grosse Pomme » ne fait plus rêver, mais quelques-uns de ses ressortissants s’obstinent à lui donner de l’amour par mille. Packs est une lettre d’amour, un défibrillateur. Your Old Droog relance le pouls pour écrire son histoire sans nostalgie.

En apparence, J.I.D. a une voix d’enfant. Plus encore, on pourrait croire à un gamin timide à la première écoute. Mais dès la deuxième piste enclenchée, de sa voix, des structures rythmiques vicieuses, agiles, complexes se succèdent. De quoi faire réfléchir.

Smino pousse le gospel rap de Chicago vers de nouveaux horizons par vague de petits échantillons orchestrés par un grand Monte Booker, minimal et organique.

L’album de la rédemption après quelques projets sans saveur. Sons opulents et hymnes trap bourrins, la recette est maîtrisée sur le bout des doigts et le bawse prend encore de la hauteur. Rap game Yann Arthus-Bertrand.

Sanguee et Momo Spazz continuent de suivre doucement le cours du fleuve qu’ils descendent depuis quelques années, écrivant une musique imprégnée d’air pollué, d’eau pure et de pensées troubles.

Régi par un classicisme à toute épreuve, l’album du Genzu Clan est un OG en Timberland et en 501 qui s’incruste en 2017 dans un défilé de Zanotti et de jeans slim.

Un jour, il faudra essayer de comprendre ce qui peut nourrir le rap de la région rouennaise. Le fatalisme tête haute de Jean-Baptiste (anciennement UnSaleNoir), moins incisif que celui d’un Vîrus, mais plus instinctif, n’a en tout cas pas d’équivalent au-delà de la Normandie.

Sur son premier album, GoldLink propose une musique foisonnante, dansante et méticuleusement pensée, véritable célébration de son héritage musicale washingtonien. Qui a parlé de post-régionalisme dans le rap ?

Un retour triomphal ? Non. Un retour raté ? Encore moins. Un retour à l’audace aussi frustrante qu’admirable.

Il est le patron du rap US, et aime le faire savoir : Mike Will Made It réunit tout le rap américain sur un disque bourré de claques qui rendent les joues bien rouges.

Vîrus x Jean Rictus, le feat de l’année. Ou la preuve que le rap du dix-neuvième siècle est plus que jamais d’actualité en 2017.

On aurait pu choisir le 3. On a choisi le 2 toutes options. Mais mixer le meilleur du 2 et du 3 reste la meilleure option pour avoir le meilleur Kekra.

Avec ses litanies nasillardes et sa littérature de la limite, Kodak a complètement habité l’année de chansons fortes et de ritournelles imparables. Il suffit d’en choisir une.

Si L.O.A.S se livre dans ce qu’il a de plus intime au long du disque, Tout me fait rire n’a rien d’intimiste : s’y écrit une poésie violente, brutale et souvent douloureuse.

Adulescent qui se contente de plaisirs simples, Isha a des airs de Baloo en Avirex vintage sur LVA Vol. 1. Entre nostalgie de l’enfance et réflexe d’ancien zonard fan de rap new-yorkais, le rappeur bruxellois livre une musique aigre-douce, aussi mélancolique qu’enjouée. Pour Isha, la fête n’est pas finie : elle ne fait que commencer.

De passage en 2017 avec un court EP produit par Ikaz Boi, Veerus a parfaitement trouvé sa voie dans le rap français : détachée et brumeuse. Vite, la suite.

Damso fait toujours du rap sans préservatif et narre sans fard les errances de son âme et de ses amours. Si Ipséité, ses troubles et sa conclusion salement œdipienne étaient sortis il y a une centaine d’années, nul doute que Jung et Freud s’en seraient donnés à cœur joie.

Un retour réussi pour la vieille gloire sudiste, avec un côté gratuit, « pour l’amour de l’art », saupoudré des ingrédients de Vapeurs Toxiques – drôle, critique, déglingué, humain. Un peu d’anarchie dans l’empire du rap français.

Le petit nerveux aux airs méchants revient, toujours entre hommage au son californien des années 90 et modernité. Et cette fois, il a même des bigoudis dans les cheveux.

Parce qu’on ne les oublie pas les copains, surtout quand ils sont en prison.

Avec l’aplomb de Goku et la technique de Zizou, avec aussi une oreille certaine pour sortir des tubes (« Mon p’tit loup », « Tout le monde s’en fout »), Fianso vient remettre la rue, celle des yeux durs, des bagarres et des larcins au centre du rap français.

Savoureux par sa légèreté, sa malice et les fulgurances techniques de JJ & Caba’, ce deuxième volume de Double Hélice ne perd rien de son goût au fil des écoutes.

Une direction artistique claire, un rappeur efficace mais qui n’en fait pas des tonnes, des productions homogènes sans non plus être interchangeables. Parfois, il faut juste un peu de bon sens pour faire un bon album.

Aucune déviation du missile solaire après son escale au Chiapas, au contraire : Keny Arkana rappe toujours le coeur (zapatiste) à la place des cordes vocales, en paix avec le rap d’aujourd’hui et celui d’hier.

Une année comme les autres pour Lee Scott, à sortir des projets aux titres improbables sous des alias sans queue ni tête. A moins que ce ne soit l’inverse.

Il est toujours sain de mépriser tout ce qui vient d’Amiens ou du 9-1, surtout en 2017. Disiz la Peste doit faire exception, car de ceux à qui on a confié le succès au carrefour des siècles, c’est bien lui qui vieillit le mieux et ment le moins.

Petite frappe et grand rêveur, Infinit’ déambule sur son EP comme s’il était debout, le majeur levé, dans un cab’ zigzaguant sur la Promenade des Anglais : rempli d’arrogance et d’aisance.

Une ode à l’amour, à sa complexité, ses tromperies, dans un univers parasité par nos écrans. Toutes les difficultés d’entretenir une relation saine, dans une ère de « capture d’écran », brillamment synthétisées par la demoiselle SZA en un peu moins d’une heure.

Il y a dans cette mixtape à boire et à manger : des perles de douceur comme « Fée » coexistent avec des morceaux énergiques mais sans grand intérêt (« Brique Squad »). Mais tout porte la touche singulière du plus charismatique membre de feu la MZ, et cela suffit à marquer le rap français de 2017.

Cette année, 2Chainz a officiellement passé la quarantaine. Pas de crise à l’horizon, mais un des ouvrages trap les plus aboutis de 2017.

Avec la même technique irréprochable, avec le même cachet brut et industriel que sur Summertime ‘06, Vince Staples marie la musique de la rue avec celle des clubs. Le résultat tabasse sévère comme une rixe à la sortie de boîte.

Outsider de 2017, Lomepal a su toucher par sa sensibilité et ses prises de risques musicaux ou visuels sur Flip. L’homme des contre-pieds.

Selon les détails auxquels chacun prête attention, on peut dire de Spécial que c’est un album drôle ou tout son contraire. Peut-être est-ce en cela qu’il porte bien son nom.

L’OG de South Central réalise un véritable tour de force en utilisant les vieilles recettes d’album en major pour en tirer un projet plus personnel et intemporel.

S’il ne doit rester qu’un projet de la scène de Detroit en 2017, Legend est Duncan McLeod. Héritier magnifique de The Jacka et Max B, Babyface Ray mélange les mélodies aériennes Mob de la Bay et les réminiscences synthétiques des grandes années No Limit / Cash Money dans un tourbillon pixelisé.

Crée en sept jours en duo avec Therapy, Niro prouve avec OX7 que les figures imposées peuvent être de véritables sources d’inspiration et donner naissance à des albums de qualité.

$ha Hef invente le disque contraceptif. Vous n’aurez certainement pas envie de balancer un môme dans un monde où des cerveaux malades peuvent imaginer des albums aussi sombres.

Sur Wins & Losses, Meek Mill soupèse ses réussites et ses échecs, les sommes de son compte courant et les morts brutales de ses proches. Il ne chasse plus ses rêves, ni ne repousse ses cauchemars : il les vit, quitte à devoir en subir les revers. Wins & Losses est son meilleur album, car le plus juste et le plus poignant.

Doux, ésotérique et mélodique, Myka 9 est un concentré de talent qu’il disperse comme de la poussière céleste depuis bientôt trente ans.

Nouvelle égérie de Bâton Rouge, Youngboy a franchi un cap avec des morceaux définitifs (« No Smoke ») et des collaborations efficaces (Plies, OMB Peezy…). En mixant les mélodies de Kevin Gates et la verve de Kodak Black, Youngboy garde le meilleur de cette école du Sud, prêt à rafler la couronne.

Parmi toute la vague de jeunes têtes brûlées qui ont secoué 2017, Kodak Black est sans doute celui qui sort le plus du lot. L’enfant terrible de Floride est encore loin d’en avoir fini avec ses démons.

En mélangeant l’esprit brut du rap new-yorkais avec les incursions vers le Footwork et la musique électronique anglaise, Wiki reprend le flambeau de ses aînés de Fondle’Em ou Definitive Jux avec un album dense, technique et complet.

Le collectif hors norme mené par Kevin Abstract a fait une percée fracassante cette année avec les trois volets de Saturation. De la musique qui regorge de talent brut, d’idées et d’énergie.

Une pièce aboutie. Chaque détail compte. Transitions, prises de voix, invités, harmonies. L’impression de poser l’oreille sur un nuage. Une image sublimée par la mystique de Daniel Caesar.

Avec « XO Tour Lif3 », le jeune Uzi a prouvé qu’il savait écrire des chansons globales en réduisant son propos au strict minimum. Luv is Rage 2 continue sur cette lancée avec une créativité sans bornes et une architecture alambiquée du spleen actuel. Le son d’une époque.

Des 24 Saisons grisâtres en 2006 au Panorama bleu en 2017, LOSO aka M24 a exploré tous les horizons. Et il est plutôt bon photographe.

Freeze Corleone donne rendez-vous à son auditoire à chaque onze septembre, et cette année c’est accompagné d’un duo de producteurs franco-allemand qu’il s’est ramené, pour livrer un cocktail fait de bruits métalliques et de textes crus, dont émane toujours un certain mysticisme.

Drame du monde moderne et mue d’un homme pressé trempés d’abord dans la trap, ensuite dans le cloud, mais toujours dépeints façon Le Caravage.

Cousin de 21 Savage, Young Nudy cultive la même passion pour le lugubre et le minimal. Mais sur Nudy Land, Pi’erre Bourne l’aide à entrer dans un niveau inédit comme Mario quand il doit attraper toute les pièces en un temps record.

Huit pistes, autant de certificats d’ITT distribués par L’Affreux Jojo, entre textes authentiques et productions suintant le gouffre.

Parfois, la vérité se crie. Népal, lui, la chuchote à la faveur des nuits sur des beats qu’il retourne comme des jeux de plateforme.

Production soulful, couplet, refrain, couplet, refrain, scratches. On ne s’emmerde pas trop niveau structuration des morceaux chez Lucha Lonely, on se contente de laisser la magie gitano-mexicano-canadienne opérer et ça marche.

Soixante-cinq ans après Tintin, les Belges ont donc à nouveau marché sur la lune.

Un grand DJ en plus d’être un redoutable beatmaker, un rappeur qui ne déçoit jamais, un groupe qui réactualise sa musique en permanence : oubliez le signal de votre GPS, suivez simplement les Chill Bump.

La production la plus soyeuse des États-Unis vient encore du Kentucky.

Encore trop méconnu hors de la Bay Area, Caleborate signe avec Real Person un disque chaud et apaisé en guise de remède à la grise mine.

Quel que soit le style de musique que Kalash choisit de faire sien, Mwaka Moon est beau du début à la fin. Beau comme une main ferme dans un gant de velours.

Minutieusement produit et mixé, La Fête est finie laisse entendre la voix faiblarde d’un artiste plus fragile que jamais derrière la machine de guerre qu’est devenu son nom de scène.

Vagabond bionique à la voix unique, 03 Greedo synthétise toute sa science du chant grégorien du ghetto, sublimée par ses propres productions aux basses mutantes.

Encore plus sur Beach House 3 que sur Free TC, Ty Dolla $ign parvient de sa voix sableuse à faire une synthèse entre rap et r’n’b, ambiances fin de vingtième siècle et cadences contemporaines, guitare sèche épurée et nappes synthétiques vertigineuses.

Les mecs sortent l’album avec des années de retard. Ils le savent. Mais 2008 est à la hauteur et Kent est toujours le mec le plus cool de L.A.

Ce qui aurait pu n’être qu’une sympathique friandise d’Halloween par trois mecs un peu dérangés de la citrouille devient le meilleur album collaboratif entendu de longue date. Trick or trick ?

Tribunal populaire, plaidoirie de la rue et réquisitoire contre le monde en fast flow.

Vue l’énergie déployée par Fly Anakin à chacun de ses couplets, on se dit que ça doit sacrément sentir le fauve après ses passages dans ce qui sert de cabine d’enregistrement. Et du coup on plaint Koncept Jack$on, pris de plus dans une lutte de tous les instants pour éviter le rôle du faire-valoir.

Frère d’armes de Drakeo The Ruler et Lil Pump, Desto Dubb fait toute la synthèse de la scène actuelle de Los Angeles avec un cocktail de morceaux codéinés au bagout imparable. Un second couteau de luxe.

Album plein d’une tristesse majestueuse, mais conçu par un homme qui préfère se pendre que se plaindre, et donc n’ennuie jamais.

Des trois projets sortis par l’ovni marseillais en 2017, le dernier est le plus beau et abouti : des productions maison marquées par la prédominance du « son de la gratte » et quelques-unes sans beat, écrin idéal à la mélancolie pleine d’amour du rappeur.

L’homogénéité des précédents albums de Butter Bullets ne s’est pas perdue dans ce troisième opus, où le duo développe un son froid, inorganique et pourtant expressif. Comme des morts qui sourient la nuit.

Les amours platoniques d’une Main Gauche. Un EP sur l’amour vain, bien plus fin que ce jeu de mots vilain.