No Limit Records vu par Snoop
Voici donc la deuxième compile co-signée Snoop pour les 25 ans de Priority, accompagnant une série de rééditions de grosses références du label. Patrie du Gangsta Rap depuis ses fondations, Priority a trouvé en la personne de Snoop Dogg un directeur artistique depuis la sortie de son dixième album, Malice in Wonderland. Priority capitalise à mort sur l’image de l’artiste, après avoir réalisé une première salve de rééditions ainsi qu’une première compilation très logique, The West Coast Blueprint, remplie de classiques californiens indétrônables, de King Tee à Ant Banks en passant NWA, The D.O.C et Luniz. Un choix tout à fait à propos pour cette icône du rap de l’Ouest qu’est Snoop Doggy Dogg.
Mais ce mois-ci sort une compilation a priori plus personnelle, My #1 Priority qui laisse supposer que Snoop n’a pas choisi des morceaux emblématiques mais plutôt ses morceaux préférés du catalogue Priority. Et là, c’est plutôt une surprise de retrouver l’équipe No Limit sur la moitié du tracklist. Bien sûr, il s’agit de placer le catalogue de Master P, super large et maintenant plutôt désuet mais il n’est pas anodin que Snoop choisisse autant de tracks de son ex-écurie et qu’il mette en avant les rééditions de C-Murder « Trapped in Crime », Master P « Ghetto D » et Tru « Da Crime Family ». En effet, lorsque Snoop rejoint le label du Tank en or, le Gangsta Rap californien est à l’agonie. 2Pac est mort, Death Row explose, Dre est déjà parti, « Doggfather » n’est pas le succès escompté et le G-Funk vit ses dernières heures de gloire. Le mouvement d’une tête d’affiche comme Snoop vers l’explosion sudiste n’était pas chose aisée même si Master P résida longtemps en Californie et a monté les premiers succès de No Limit là bas avec son groupe TRU, E-A-Ski, Lil C et surtout les compilations « West Coast Bad Boyz 1 & 2 ». Il est finalement le premier, dans un geste assez novateur, à faire la liaison entre l’Ouest et le Sud. Il quitte définitivement Richmond en 1996, emportant avec lui le succès de TRU et signant des poignées entières d’artistes sur place. Le gangsta rap se déplace, le sud commence à en devenir une place forte, déjà démocratisée par Rap-A-Lot, mais cette fois-ci revient réellement sous les projecteurs avec une nouvelle scène, celle de la Nouvelle Orléans. Il était donc plutôt logique pour Snoop de se tourner vers l’équipe Gangsta la plus en place à ce moment là, qui doit beaucoup au modèle Ruthless et Death Row.
Arrivé en 1998, il réalisera trois albums étranges entre west coast et bounce, toujours gangsta. No Limit reste donc un bon souvenir pour le grand chien, Master P l’a accueilli grandement et il reste le seul artiste « étranger », le seul à n’être ni de la famille de Master P, ni originaire de la Nouvelle Orléans. Les choix de Snoop ne sont donc pas si surprenants, peut être plus pour un public européen qui n’a pas forcément compris l’époque No Limit (j’en faisais partie en 1998, bien sûr). Snoop nous permet donc avec les 25 ans de Priority de réhabiliter ces artistes plutôt détestés en leur temps, surtout sous l’influence du plus gros hater du monde, New York. Replongeons nous donc dans cette fastueuse génération qui conquit tous les titres et les charts de 1996 à 2000. Focus Uunnnnnghh !
TRU There Dey Go (Tru 2 da Game – 1997)
Il est déjà intéressant de noter que tous les tracks choisis par Snoop se placent dans la période 1997-1998. Pas étonnant, c’est l’âge d’or de No Limit et l’époque à laquelle est arrivé le grand chien fou. Et le succès a débuté avec le groupe de Master P, TRU. Un groupe familial puisqu’il est composé au départ de Master P et Silkk Tha Shocker son frère. Rapidement, C-Murder, leur autre frère, les rejoint pour devenir une véritable force de frappe. Leur premier succès notoire sera ‘I’m bout it, bout it’, slogan phare de P pendant des années et marque indémodable de son empire. Le son de TRU est plutôt Gangsta Rap Californien jusqu’en 1996, année du retour de Master P en Louisiane et de la création du style No Limit. Le track choisi est extrait de leur double album « Tru 2 Da Game », qui est deux fois disque de platine en 1997, leur plus gros succès. Snoop n’a pas choisi la facilité avec ce « Ther Dey Go », sombre mais sautillant, clairement pas un single mais un bon track qui représente bien l’esprit de No Limit au moment de son ascension au sommet.
C-Murder ft. UGK & Master P Akickdoe! (Life or Death – 1998)
C-Murder a toujours été la caution hyper gangster de No Limit qui palliait facilement les critiques sur la légèreté des textes de Master P et Silkk . Ses histoires scabreuses, profondes et radicales présentent un gangsta rap sudiste plus ancré qu’il n’y parait. Son premier album, « Life or Death » est carrément un brûlot violent qui met la Nouvelle Orléans sur la carte avec une imagerie carrément proche des films d’horreur. Sorti en 1998, il sera platine comme la plupart des sorties No Limit de l’époque. Le Bounce envahit les US, l’ascension est irrésistible. L’extrait choisi par Snoop, tiré de cet album, est une collaboration avec un autre grand groupe du Sud à l’époque, UGK. On se retrouve forcément avec un titre classique lorsque Pimp C débarque avec son flow nonchalant et que Bun B décoche des phases techniques en avance sur son temps. Les Underground Kingz ont souvent fait équipe avec No Limit, en featurings sur différents albums ou compilations. Ce titre est parmi les plus réussis, clairement un des meilleurs de l’âge d’or de No Limit. Rappelons que C-Murder purge actuellement une peine de prison à vie pour une sombre histoire de meurtre. Il n’a donc pas usurper sa réputation…
Silkk Tha Shocker ft. Mystikal Ain’t my fault (Charge It to the Game – 1998)
Silkk est peut être l’élément le plus faible de No Limit. Bras droit de Master P, il apparait sur tous les projets mais n’est jamais vraiment marquant à l’inverse de son frère C-Murder, toujours plutôt lugubre. Mais la paire avec Master P fonctionne bien et ses albums sont bien produits, toujours renforcés par les rangs fournis du label. D’ailleurs, le son No Limit a aussi marqué son temps grâce à son équipe de producteurs, Beats by the Pound. Composée de KLC, Mo B. Dick (je sais…), Craig B et O’Dell, ce pool est pour beaucoup dans la réussite surproductive de No Limit, aux influences militaires, saccadées et fulgurantes.
Mais l’élément intéressant de ce choix, gros tube à sa sortie, c’est Mystikal, un des gros morceaux de l’équipe de Master P. A l’heure où les gueulards sont à la mode, entre DMX et Ja Rule, Mystikal présente un style extrême, complètement épileptique qui lui vaudra une carrière survoltée et quelques singles indémodables, notamment avec les Neptunes. No Limit lui a servi de très bon tremplin, avec deux albums qui lui ont permis de gueuler sur la terre entière. Malheureusement ses titres explicitement violents et sexuels ont du lui monter un peu à la tête vu qu’il sera jugé et incarcéré pour viol en 2003. Il est sorti en janvier dernier et a déjà montrer sa fougue sur le dernier single de Lloyd ‘Set me free’. On n’en attendait pas moins.
Mia X ft. Master P & C-Murder Don’t Start Shit (Mama Drama – 1998)
C’est toujours étrange de ne jamais voir Mia X citée parmi les MCs féminines d’envergure. Elle a pourtant plusieurs albums dont un disque d’or et a fait partie des pionnières du rap dans le Sud. Rapidement signée par Master P alors qu’il était encore en Californie, elle fait partie du premier cercle de No Limit entre 1995 et 2000. Quasiment seule femme du label, elle assume sa place et apporte une touche différente, toujours hardcore, dans un monde carrément machiste. Le titre sélectionné par Snoop est tiré de son dernier album chez No Limit, « Mama Drama » et comme quasiment tous les titres de l’époque, c’est une collaboration avec Master P et C-Murder. C’est une grande caractéristique de No Limit. En plus de leur productivité extrême, les doubles albums à la pelle, la clé de leur réussite tient dans ses collaborations intempestives qui créaient dont un univers général plutôt que des individualités. Mia X a tenté un retour il y a peu avec une vidéo et devrait sortir une mixtape aux références old school en 2010. Let’s see.
Fiend ft. Soulja Slim Walk Like A « G » (There’s One in Every Family – 1998)
Là on touche les seconds couteaux de l’équipe, moins sous les projecteurs mais clairement pas moins talentueux, voir même le contraire. Fiend et Soulja Slim ont une grosse côte de popularité locale. « There’s One in Every Family » fait parti des succès de 1998, disque d’or quasiment dès sa sortie. ‘Walk Like a G’ n’est pas un single mais caractérise bien lui aussi l’ambiance Nouvelle Orléans du label à l’époque, très Gangsta/Bounce. Cet album de Fiend est parmi ceux que je préfère de la clique No Limit, clairement un petit bijou moins tapageur que le reste de l’équipe. Depuis, Fiend a monté son label indépendant, est passé par l’équipe Ruff Ryders, a produit pour Jadakiss et est même pressenti sur Roc Nation. De son côté, Soulja Slim n’arrivera jamais à atteindre ce niveau et restera peu connu en dehors de la Lousiane ou alors au sein des pénitenciers et de la justice. Et pour en apprendre plus sur lui, vous pouvez lire « Triksta » de Nik Cohn qui suit justement le rappeur quelques mois avant sa mort mais aussi de la scène de Nouvelle Orléans dans son ensemble au début des années 2000. Soulja Slim en mort en gangster, shooté par des mecs en voiture devant chez lui. Des jaloux ? Une vengeance ? Peut être… Originaire de Magnolia Projects, véritable bastion du gangstérisme, il était impliqué dans six affaires de meurtre à sa mort. No Limit était vraiment un label de Gangsta Rap.
Young Bleed ft. Master P & C-Loc How Ya Do Dat (I’m Bout It OST – 1997)
Young Bleed est aussi à part dans l’équipe No Limit. Originaire de Bâton Rouge, il n’a réalisé qu’un album chez Master P, « My Balls & My Word », lors de la fameuse année 1998. Très bien réalisé avec un univers plutôt propre à lui, ce qui n’était pas la norme No Limit, il atteindra le disque d’or sans problème. Ce single, « How Ya Do Dat », aux influences plutôt californiennes, est tout d’abord présenté sur la BO du film « I’m bout it » de Master P, plus ou moins autobiographique. En effet, Master P réalisera et produira sept films, souvent des navets, mais qui agrandissent encore son empire. Le clip est symptomatique de ces années : un bateau, une armée de filles en bikini, des bouteilles champs. Pop ! Encore une bonne sélection de Snoop.
Au début des années 2000, No Limit perd son souffle. Les albums se ressemblent de plus en plus, la productivité titanesque n’a plus aucune originalité et la concurrence fait rage, Cash Money prend la part du lion avec ses Hot Boyz. Master P essayera de contrecarrer avec son fils, Lil Romeo, surfant sur la vague des Lil Bow Wow et autres Kriss Kross 2000 mais l’état de grâce a disparu. Snoop réalisera son troisième et dernier album avec le Don P en 2000, « The Last Meal », sa plus grosse réussite depuis « Doggystyle » avec un retour aux sources californiennes. Quelques mois plus tard, il sera très présent sur un des plus gros succès de tous les temps, qui influencera énormément les années 2000 : « 2001 » de Dr Dre. L’épopée No Limit se termine pour Snoop comme pour le marché USA, victime de son industrialisation massive et ses artistes quasiment interchangeables. Reste une hégémonie extraordinaire, un business man visionnaire, un son caractéristique, quelques artistes très talentueux, la démesure totale et un univers complet que vous pouvez retrouver maintenant parmi les rééditions de Priority et cette compilation co-signée Snoop, plus de dix ans après. Make em say Uunnnnngh !
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Très bon ce focus sur un label qui a marqué le rap.
Bah ouais, bizarrement Snoop n’a choisi aucun titre de MAC qui est parmi les meilleurs de No Limit. C’est comme ‘les 100 classiques’, y’a toujours des oubliés. Surtout quand ils sont en prison depuis 10 ans…
Perso j’aurais surement mis le track avec Mystikal « Murda Murda Kill Kill ». Pas très original comme choix mais l’ambiance défonce et ça rappe sec http://www.youtube.com/watch?v=ZOzgdsvDuPA&feature=related
J’aime bien les albums de Mr Serv-On aussi. Mais bon, c’était pas une compile No Limit hein, Snoop a choisi ses classiques donc les seconds couteaux de l’écurie, même s’ils étaient très bons, sont un peu passé à la trappe.
Je suis outré, il n’y a pas un seul morceau de MAC.
Mind.
Pas mal de bons morceaux de Snoop à cette époque
en tt cas, No Limit reste l’un des plus gros label
Master Percy Miller le plus grand hustler du rap game
@Fizzle Oui oui y’avait aussi Mercedes ( qui en avait sous le capot) mais en fait, j’ai commenté uniquement les titres que Snoop a choisi dans sa compile.
Ah ouais, j’ai mis « seule femme du label » ! je change, merci.
Mia X est quand même d’un autre acabit, elle rappe bien.
Moi ce que je trouve bizarre, c’est que Snoop n’ait pas du tout pioché dans « Ghetto D » qui est quand même LE gros classique de Master P, un vrai bon album. Et il manque ‘Bout it’ quand même, pour la classe.
@TK il faut que tu lises l’interview du mec de Pen & Pixel, il explique justement toute cette époque des pochettes anthologiques eheh
http://bit.ly/aInlm7
moi ce que j’retiens de no limit c’est surtout leur mauvais goût ultra kitsch sur les pochettes. elles sont presque toutes collector
Super focus, mais y a eu d’autres meufs chez NL, comme Sonya C, la pute de P.
Bah non, y’a des bêtes de titres sur « Top Dogg », c’est loin d’être son meilleur mais c’est encore plus loin d’être son pire.
Super focus, surtout que je connais pas très bien la production du label. Sinon, je crois que NO LIMIT TOP DOGG est mon album préféré de Snoop. Sacrilège ?