De Cam’Ron à R.E.M

Cam’ron & Vado – « Fuck A Freestyle » (Gunz N Butta, 2011)

Le style libre qui n’en est pas un. Du rap pour le rap, phase sur phase, punchline à chaque syllabe. La paire Cam’ron/Vado a revigoré le giron new-yorkais, ravivé la flamme de Harlem, le flamboyant Dipset renaissant doucement de ses cendres. Plusieurs mixtapes, un premier volume de leur alliance The U.N et enfin cette compilation de tracks indispensables qui forme un album direct, strict. Et au milieu, un freestyle, micro ouvert, pas de refrain, ça balance sec sur une boucle de Ted Taylor qui rappelle de beaux moments en français. Les deux lascars s’en donnent à coeur joie entre démonstration de force et egotrip subtil. Résultat en boucle, de la technique pour le style, une musique sans formatage, l’ultime formule du rap à son meilleur. — Lecaptainnemo

Talib Kweli – « Get by » (Quality, 2002)

On se pose des questions à la con à la rédaction : quel groupe mériterait une dissection détaillée de l’ensemble de sa discographie sous la forme de chroniques au scalpel ? Suggestion du jour : l’étudiant de la vérité AKA Talib Kweli. Et on commencerait par Quality, et le single « Get by » produit (déjà) par Kanye avec un énorme sample de Nina Simone. Ils méritent tous une vraie réhabilitation en règle. Alors, Kweli… ou quelqu’un d’autre ? — Nicobbl

Rival, Nach, Mariama, Frenkie, Luche, Mc Melodee – « Where I’m From » (Diversidad, The Experience, 2010)

Désunion européenne, contagion de l’endettement aigüe, indignement civilisé… Chaque jour, le rêve européen (du moins, celui économique et politique) semble s’effriter. Et chaque jour, « Where I’m From », réunissant belge, espagnol, allemande, bosniaque, italien et néerlandaise, sonne comme la bande originale de ce chaos. C’est dans ce récit ambigu d’amour et de haine envers leurs racines que les artistes du collectif Diversidad donnent peut-être la meilleure vision de l’union à l’européenne, entre chauvinisme fataliste et lucidité noire. Et la production de C.H.I., toute en violence larvée, peint une ambiance de fournaise prête à exploser. Comme l’U.E. ? — Raphaël

2 Bal 2 Neg’ – « Poètes de la mort » (3X plus efficace, 1996)

Il devait être minuit et la lune devait être pleine quand les 2 Bal 2 Neg’ ont enregistré ce titre, lugubre à souhait. On imagine sans peine une volée de chauve-souris s’enfuir aux grincements de la voix de G Kill. Entre le chant funèbre et le rite vaudou, le morceau reprend une imagerie morbide et fantastique. Dans une confusion jouissive, des bruitages sortis de Mortal Kombat viennent ponctuer la sordide boucle de piano, alourdie par une basse oppressante. Un terrain de jeu idéal pour les rappeurs du Ménage à 3. Les couplets de « Poètes de la mort » ne frappent pas tant par leurs lyrics que par leur interprétation déjantée ; le Krokmitten en particulier livre une prestation délirante. Le refrain, archi simple et d’une efficacité diabolique, a largement contribué à faire entrer dans les crânes ce morceau « plus ouf qu’un ouf ». — David

R.E.M. – « Talk About the Passion » (Murmur, 1983)

« A tous ceux qui un jour se sont sentis touchés par notre musique : merci de tout cœur pour nous avoir écoutés. »
21 septembre 2011 : la fin d’un long été de trente-deux ans pour R.E.M. Et de vingt-sept printemps depuis leur premier album, Murmur, avec ce bien nommé « Talk About The Passion ».
Sur 15 longs formats, Stipe et ses frères l’auront distillé à des millions de personnes, cette passion qui les animait. Des millions de mélancoliques-joyeux qui y trouvaient, au choix, une épaule ou des reins solides pour s’épancher ou se déhancher.
Pour le militantisme mélodieux, les coups de gueules mineurs, la simplicité en dièse, et aussi le featuring avec KRS-One : MERCI. — Shadok