À l’écoute vol. 1
C’est une première mondiale, du jamais vu. L’idée, brillante, est née après des heures de brainstorming, de soirées à manger des sandwiches à l’omelette dans notre salle de rédaction, le front en sueur, les yeux hagards, les méninges tournant à plein régime. Nous avons souffert pour parvenir à ce nouveau projet audacieux, mais nous y sommes parvenus : une nouvelle rubrique naît. Toute la presse nous l’enviera – tant pis pour eux, ils n’avaient qu’à y songer avant. L’Abcdr est fier de vous présenter son nouveau concept 100% inédit : chaque mercredi (normalement), les membres de la rédaction présenteront chacun un morceau qu’ils écoutent en ce moment, qu’il s’agisse de rap ou d’autre chose. Fou, non ?
Cormega – « The Saga (remix) »
‘The Saga’ est un peu le ‘Demain c’est loin’ de Cormega. Sauf qu’au lieu de regarder le paysage par la vitre arrière de la voiture, ‘Mega est au milieu du bourbier, les pieds dans la merde. Sans doute son plus beau texte et l’un des meilleurs morceaux de rap US, ‘The Saga (remix)’ fait dans le minimalisme : une petite poignée de notes de piano, rejointes par un beat et une ligne de basse à partir du second couplet. La voix plaintive et pleine d’émotion comme à l’accoutumée, le rappeur de QueensBridge trouve là l’écrin parfait pour livrer ses flashes tristes. — Julien
Jean Ferrat – « Je ne chante pas pour passer le temps »
‘Je ne chante pas pour passer le temps’ : hypothétique épitaphe caduc, déjà. Credo toutefois de celui qui restera l’Unique. Fugitif de la première note jusqu’au dernier souffle des médias et récupérateurs en tous genres. Ferrat, l’aimé qui apaisait la mauvaise conscience de son auditoire. Racismes, dogmes, politiques, injustices, sexisme, classe ouvrière laborieuse, Révoltes et révoltés. Mais aussi mère Nature, mère Poésie et mère Amour. Cette Vie sans apparat, il l’aura chantée toute entière. Celle d’un XXè siècle empli d’espoirs et de misères. Qu’on ne s’y trompe pas, le bitume avec une plume : c’est lui. — Shadok
Sade – « The Moon and the Sky » (Soldier of Love, 2010)
Ça arrive rarement : ces chansons qui, dès leurs premières notes, vous assurent que vous allez entendre exactement ce dont vous rêviez. C’est ce qui se passe au moment où commence ‘The moon and the sky’, titre 1 du nouvel album de Sade, revenue indemne d’une décennie d’absence. L’industrie du disque peut s’écrouler, les genres se fondre les uns dans les autres, l’impériale vocaliste, elle, chante toujours sa soul triste et langoureuse, recluse dans un idéal romantique qui n’appartient qu’à elle. Grâce à ‘The moon and the sky’, le temps s’arrête pendant 4 minutes et 27 secondes. C’est toujours ça de gagné. — JB
Mobb Deep – « The Learning (Burn) » (Infamy, 2001)
Si vous ne le saviez pas Havoc et Big Noyd étaient à La Bellevilloise dimanche soir. A la base un concert était programmé. Ce fut finalement un raz-de-marée, tendance émeute urbaine deux micros-deux platines. Deux artificiers au centre, cinquante degrés dans la fosse et quelques – gentilles – tentatives d’envahissements de scènes pleines d’enthousiasmes. Le traumatisme s’annonce profond, l’addiction réelle. Les « Free P » résonnent encore dans mon crâne, comme l’enchainement des coups de semonces. En attendant la chirurgie ressortons ‘The Learning (Burn)’, un gros banger qui arrache bien les chicots sur disque. Mais encore plus sur scène. Havoc à la prod’ et le trio Prodigy-Big Noyd-Havoc au micro: une leçon de simplicité et d’efficacité. — Nicobbl
Drapht ft. Porsah Laine – « Lose control » (Brothers Grimm, 2008)
Il y a les morceaux larmoyants, dont le rap se fait parfois une spécialité bien trop dégoulinante pour qu’ils aient une quelconque saveur. Et puis il y a les morceaux prenants, intenses, qui retournent les tripes au lieu d’arracher une larme. Vous pouvez ranger ‘Lose control’ dans la seconde catégorie. Nouvelle figure de proue d’Obese Records (le label ayant lancé les Hilltop Hoods) ce qui revient à dire du rap australien tout court, Drapht se fait son ‘Lose yourself’ à lui. Au premier abord, l’analogie est évidente, puis plus les écoutes passent, plus elle s’efface, tant le rappeur de Perth propulse sa performance au rang de chant tragique et expiatoire. Au point d’en faire trop ? Possible. En tout cas sûrement assez pour tracer la limite entre le génie d’un Slim Shady et un bon titre de rap australien. — zo.
Andre Nickatina ft. Husalah & The Jacka – « Zestways (Coke Remix) » (Booty Star: Glock Tawk, 2007)
Personne ne parle de cocaïne comme Andre Nickatina. Il est un des seuls à vraiment en faire l’apologie et décrire l’impact de cette drogue sur son style de vie et sa musique. Tiré de son dernier album, ‘Zestways’ est un condensé d’énergie pure, coupée à 90%, un véritable ‘Coke Remix’. Un rythme saccadé explosif, une basse à te soulever le torse, une vague minimaliste lo-fi et surtout ce refrain d’Husalah, entrainant et entêtant. Une entrée parfaite qui pousse à appuyer sur la touche repeat rapidement. Mais c’est sans compter sur la très bonne prestation de Nickatina, percutant comme à son habitude et le flow lancinant de Jacka pour terminer la marche. Un All Star de toute beauté pour un banger peu connu. Un vrai anthem de la Bay. — Lecaptainnemo
Brotha Lynch Hung ft. MC Eiht – « Sticky Sheets » (The New Season, 2006)
Malgré l’arrivée prochaine du mois d’avril, il faudrait être débile pour se découvrir d’un fil. Histoire d’échapper un instant aux températures polaires, rien de mieux que de s’injecter un peu de l’état du soleil dans les conduits auditifs. Alors certes, Brotha Lynch Hung et MC Eiht, ce n’est pas le versant le plus ensoleillé du rap californien. Mais pour ‘Sticky Sheets’, les deux vétérans laissent de côté leur nonchalance habituelle pour un gros banger qui tâche et fait vraiment mal aux cervicales. — Kiko
Cormega…“100 000 disques vendues et
je serais un putain de millionaire !” Ahhh rap jeu
Au fait, pour les fans, le vynile est en commande : http://www.amazon.fr/Soldier-Love-Sade/dp/B00319DX6U/ref=sr_1_3?ie=UTF8&s=music&qid=1269262326&sr=8-3
Merci JB ! Moi ça le fait aussi avec Long Hard Road, magnifique !
Je viens d’écouter la version LP. On retrouve pas du tout la même mélancolie que dans le remix. Je sais pas si c’est le fait d’avoir beaucoup écouté le remix, mais j’ai l’impression que sa voix et son flow ne se prêtent pas bien à l’instru d’origine. Excellent remix putain !
@Sanji : Je l’ai découvert sur « Special Edition » aussi. Je sais pas si c’est sorti ailleurs.
@Béquilleur : J’ai pas le CD sous les yeux, là. D’après Discogs c’est Bob Perry et Stanley Oh. Inconnus au bataillon.
Quel putain de morceau ‘The saga remix’, merci pour la découverte Julien. Qui c’est qui l’a produit ?
Est-ce que quelqu’un sait si « The Saga Remix » est sorti officiellement ailleurs que dans le « Special Edition » de Mega ?
Très sympa ce concept, à propos de Sade je pense exactement comme toi JB…
Sinon j’avoue avoir aussi un faible pour ‘beamer benz or bentley’ et qu’est-ce qu’il démonte le Juelz dessus !
beamer benz or bentley
le morceau du moment !
Pitchfork va sûrement reprendre l’idée d’ici quelques jours…
Et sinon, en rap français, il y a des trucs biens à écouter ?
Un peu cheap ce remix de Cormega quand meme non ? O_o
Sinon en voyant le titre de Sade je m’attendais a entendre une autre chanson et en fait je confondais avec : http://www.youtube.com/watch?v=UuhDDx49TTw (Tasmin Archer / Sleeping Satellite)… ça a sans doute rien a voir mais elle dit « moon & sky » au debut^^
Très bonne initiative messieurs!
Vite, à l’INPI!
(Ca me fait rêver tout à coup ce concert de Mobb Deep sans Prodigy).