Nos 100 morceaux de 2012 (1/4)
Nous voici déjà au mois de juin, l’heure d’un bilan de mi-saison pour l’année rap en cours. Qu’ont écouté en boucle les membres de notre rédaction jusqu’à présent ? Voici la réponse en 50 morceaux. Attention : le mode shuffle est fermement enclenché.
Jay Rock - « Checkmate »
Aux échecs, lorsqu’un pion atteint la dernière ligne adverse, il est « promu » : au choix du joueur, il peut devenir une autre pièce, généralement une reine. Passé de la rue aux longues tournées avec Tech N9ne et à la hype avec ses potes du Black Hippy, Jay Rock a plutôt des airs de tour ( « rook » , en anglais), solide sur ses appuis, pouvant dérouler sur plusieurs cases, mais jouant la prudence, un mouvement à la fois. Sagesse de rue et échec : sur ce beat synthétisant le meilleur du rap de crapule des deux côtes, Jay a presque des airs de GZA. Black Hippy, héritiers du Wu-Tang ? Possible. — Raphaël
Kyo Itachi & Ruste Juxx ft. F.T. - « Termin 8 »
La collaboration entre Kyo Itachi et Ruste Juxx a donné exactement le résultat attendu : un album brutal de la première à la dernière seconde, tant au niveau des prods qu’à celui des lyrics. Rien de très original, mais les nostalgiques des grands moments de M.O.P., Screwball ou Onyx ne pourront qu’apprécier. « Termin 8 » est symptomatique de cette violence débordante, avec ses violons guerriers et son breakbeat surpuissant. Le duo franco-américain y invite un autre grand énervé, F.T., avant de conclure la tuerie par une série de scratches bien sentis. — Kiko
Zoxea & Busta Flex - C’est nous les reustas
Ça devait être le plus gros pétard mouillé de l’année. Le miroir qui les renvoie à leur trentaine bien entamée. La bande son de la déliquescence. Ne nie pas, je sais que tu l’as pensé aussi. Une bonne gifle de daron et nous revoilà dans le droit chemin. 2012, un. 1995, zéro. — Diamantaire
Swizz Beatz & A$AP Rocky - « Street Knock »
Il y a d’abord ces petits violons staccato puis ce retour de gimmicks irrésistibles du maître en la matière. Le décor est posé sans problème pour la première grosse collaboration de A$AP Rocky avec un homologue racé de Harlem, Swizz Beatz. Les moteurs vombrissent, les petits silences sont pleins de grandes dimensions, ça fonctionne sans forcer et on se dit que Rocky est finalement à la hauteur de l’engouement qu’on lui porte, qu’il est capable d’accomplir beaucoup en peu de temps. La suite n’en sera que plus délectable. — Lecaptainnemo
Nicki Minaj - « Come on a Cone »
Entre deux singles inoffensifs, Nicki Minaj retrouve son instinct de tueuse. Sur l’instrumental électrifié de « Come on a cone », deuxième morceau de l’inégal Pink Friday… Roman Reloaded, elle distribue les tartes (et les sorbets) avec ce grain de folie furieuse hyper-maîtrisé qui fait d’elle une interprète hors-pair. Rendez-vous à 2’01 pour l’instant « Dick in your face« , alias l’intermède le plus surréaliste de 2012. — JB
Anton Serra ft. Dico - « Cheptel »
Réincarnés dans l’album Sales Gones, Quick et Flupke ont déménagé à Lyon, sont vaccinés contre les quenelles et écrivent avec un fatcap sur la glissière de sécurité de la bande d’arrêt d’urgence de la vie active. Le troupeau est bien (re)gardé. — zo.
Yelawolf ft. Rittz, Big H.U.D, Struggle - « Far From a Bitch »
L’album Radioactive a fait l’unanimité contre lui, c’est vrai, mais Yela n’en reste pas moins l’un des garçons les plus prometteurs de sa génération. Quand il revient à son « vrai son » avec ses potes de Slumerican, c’est la claque assurée. Sur une production faussement reposante (piquée ici), le loup jaune de l’Alabama et ses compères nous servent des placements virevoltants et quelques phases bien senties qui s’incrustent dans les crânes. Si l’on connaissait déjà Rittz, c’est en revanche une belle occasion de découvrir Struggle et Big H.U.D, ce dernier bénissant le morceau d’un refrain ravageur. À l’avenir, c’est dans ces ambiances de cambrousse glauque qu’on espère retrouver Yelawolf. — David
The Mekanix ft. Yukmouth, Laroo, J.Stalin - « Chop Shop »
Vous vous souvenez à quel point le « Seven Minutes of Funk » de Tyrone Thomas rendait « Ain’t No Nigga » de Jay-Z et « It’s My Thing » d’EPMD si cools, si funkys ? Passée dans les systèmes hydrauliques de The Mekanix, la ligne de basse devient rugissante comme un moteur V6 et poisseuse comme une tâche d’huile sur le sol d’un garage d’Oakland. Couplée aux styles fulminants de Yukmouth, Laroo et J.Stalin, la mélodie gagne en cylindrée en gardant son entrain d’origine. Belle customisation. — Raphaël
Grim Moses - « Snub Nose & Snuff Films »
La mue définitive de The Society of Invisibles en armée mexicaine (sans mauvais jeu de mots) a au moins eu pour avantage de mettre en avant de nouvelles têtes, moins bordéliques et plus productives que leurs aînés. Grim Moses et The Premonist sont les parfaits symboles de cette nouvelle génération TSOI. Le premier est au micro sur « Snub Nose & Snuff Films », le second à la prod. L’ambiance est glauque et minimaliste à souhait, entre pianos inquiétants, hurlements de femmes et dialogues de films de série B. Un parfait aperçu de l’EP de Grim Moses, Enpsychlowpedia Satanika, projet à la qualité inversement proportionnelle à celle de son titre. — Kiko
Hype, Khalif Da Menace & AM - « If I Die Tonight »
Quelque part entre le grand banditisme parisien et la Corsican Connection… Une histoire de lézards, qui mêlerait un certain Roro à des bandits de Bondy et Atlanta armés de fusils à pompe. On n’a pas trop bien compris de quoi il s’agissait mais, à ce qui se dit, Charles Pasqua serait aussi dans le coup. Comme d’hab’. Bref, range donc tes collab’ de vieilles gloires défraîchies au placard. Une balle perdue en saison de chasse, c’est si vite arrivé. — Diamantaire
Nacho Picasso - « Staring at the Sun »
Avec son univers psychédélique prenant, Nacho Picasso n’en finit plus d’envahir nos espaces internets. Déjà deux albums avec Blue Sky Black Death, parfaite symbiose musicale. “Staring at the Sun“, extrait de Lord of the Fly, synthéthise cette aisance enveloppante. Le rappeur de Seattle a trouvé sa voix et continue d’impressionner par sa constance avec encore un nouveau projet pour l’été. Une galaxie de rap à découvrir, plongez-vous dedans ! — Lecaptainnemo
Lil B - « February’s Confession »
Il y a plusieurs Lil B : le dévoreur de rap, l’entertainer spirituel, l’égocentrique facétieux… Ces facettes se croisent en permanence au fil d’un répertoire nébuleux qu’il alimente jusqu’à l’indigestion. « February’s confession » représente son versant le plus épuré, et aussi le plus touchant. Le contraste entre la fierté de Lil B et la tristesse du sample génère un supplément d’âme digne des meilleures introspections (on pense d’ailleurs au mythique « Genesis » de Prodigy, c’est dire). Évidemment signée Lil B, l’accroche du morceau sur YouTube résume tout : « ONE OF THE BEST SONGS 2012 AND REALIST« . — JB
La Rumeur - « La périphérie au centre »
Il faut le vivre. Trainer ses guêtres dans le 18ème arrondissement parisien après le passage du dernier métro. Sentir les gouttes de pluie perler sur le sol et ses baskets. Et écouter ces lourds synthés bien oppressants à même de retranscrire le stress d’une ville magnifique mais étouffante de stress. On imagine encore mieux Ekoué au loin, sortir son staff en pleine nuit, encapuchonné dans une atmosphère de fin de siècle. Et maugréer ses éternels crachats d’insomniaque. — Nicobbl
Kendrick Lamar ft. Dr. Dre - « The Recipe »
Au moment où Kendrick a signé chez Aftermath, les réactions sceptiques ont été nombreuses. Pourquoi donc aller s’enfermer dans ce mouroir à jeunes artistes qu’est devenu le label du docteur ? Comme pour dissiper les soupçons, « The Recipe » est sorti. Pour montrer qu’il s’impliquait réellement, Dre est venu apporter sa contribution à ce premier morceau estival, en rappant les couplets que Kendrick lui a écrits. En bons représentants de L.A., les deux rappeurs célèbrent sur une production peaufinée par Scoop Deville les arguments de poids de la capitale de l’Ouest : women, weed and weather. Tout est là pour un décollage réussi : sample envoûtant, atmosphère détendue, et le style si reconnaissable de Kendrick : virtuose, varié, intelligent, Uh ! — David
Hugo - « Piège à Loup »
Sorti fin 2011, le « Piège à Loup » d’Hugo se referme en 2012 sur celui qui foulera les mauvaises dalles du 18ème arrondissement. En trois minutes trente, H.B moleste l’auditeur et Al Tarba donne le vertige à Paris Nord. De Clignancourt à Marx Dormoy, bienvenue dans les rues de Paris qui sont à elles-seules une péninsule de la capitale. Celles où il n’y a pas besoin de dessin pour savoir pourquoi certains boitent quand d’autres traînent la patte. — zo.
Neako - « 1 333 777 2323 »
Dès l’intro, qui s’étire avec bonheur sur une longue minute, on est élevé à l’état d’apesanteur, on flotte, aussi calme et coupé du monde qu’un astronaute. Puis le morceau proprement dit débute. Neako a déjà fait de bonnes choses dans sa courte carrière, mais rien de comparable à ce « 1 333 777 2323 », qui sera désormais son titre de référence. Le rappeur a clairement une carte à jouer dans ce registre atmosphérique, à la musique et au flow ralentis à l’extrême. Un son composé de matière stellaire, à écouter la nuit, en survolant sa ville. — David
Kaaris - « Bon qu’à ça »
« Je n’ai pas peur, les autres rappeurs font du sous-Booba« , balance Youssoupha sur « J’ai Changé ». Difficile de le contredire : depuis que Kop est seul au sommet du réseau trophique du rap – lui dirait simplement qu’il « a niqué des mères » –, il a enfanté nombre de rejetons. Rien d’anormal ou de scandaleux à ça, il faut juste séparer le bon grain de l’ivraie. Kaaris n’attendra pas qu’on le confonde avec de la mauvaise herbe : il suffit d’écouter sa performance sur « Bon qu’à ça ». Si le rappeur de Sevran a bien un petit quelque chose de B2O, sa férocité (« Juste le son de ma voix peut faire brûler tes lipides« ) et sa lucidité (« J’suis bon qu’à ça, faire cuire les cailloux d’cke-cra comme des spaghettis, rêvant des diamants de Bokassa et de 612 Scaglietti« ) montre plus de crocs et de mordant que les derniers morceaux du pa-za-tron-zon. — Raphaël
Killer Mike ft. Bun B, T.I. and Trouble - « Big Beast »
Il y a dix ans, le New Yorkais El-P poussait son son à la suffocation sur l’album Fantastic Damage. Killer Mike, lui, préparait à Atlanta un album censé l’installer dans la roue d’OutKast. Sans véritable connexion logique, les deux ont fini par se trouver, et leur association se révèle aussi inattendue que puissante : la hargne de Killer Mike trouve dans le son urgentiste d’El-P, producteur intégral de l’album R.A.P. Music, un contrepoint parfait. En reliant Atlanta à New York, « Big Beast » rappelle la collaboration trans-continentale du Bomb Squad avec Ice Cube, ou la friction brutale de deux plaques tectoniques finalement pas si éloignées l’une de l’autre. — JB
Rott Doggz - « Drownin »
L’an dernier, Sleep Sinatra et Slurch Y.U.N.G. nous avaient séduits avec leurs projets solos respectifs. En 2012, les résidents de Lincoln, Nebraska, semblent se concentrer sur le duo qu’ils forment, et annoncent la sortie de leur album Darkr Daze pour bientôt. Le très bon « Drownin » provoque une certaine attente quant à ce premier opus. Loin d’être des foudres de guerre au micro, les deux garçons ont un univers qui leur est propre, et sont redoutables dans le choix des prods. En témoigne ce magnifique beat plein de mélancolie d’un certain Observant. — Kiko
Scarz - Néant
On pourra dire ce que l’on veut de la richesse des rimes de ce morceau, de ses appuis ultra renforcés. On pourra dire ce que l’on veut de Scarz, encenser ou déplorer sa simplicité à dire les choses, son côté brut de décoffrage, l’uppercut direct de la plupart de ses morceaux. On pourra compiler toutes ces remarques récoltées au pied des bulletins de notes de son cursus colère démarré en 2005 maintenant. Mais ce que l’on ne pourra jamais contester, c’est qu’en deux morceaux finissant son dernier album, Le Rapologist a fait ce qu’aucun rappeur n’a jamais su faire : asséner pourquoi un jour, le rap et ses rimes amènent à tourner la page. Épitaphe, bilan et exil, « Néant » , du trois en un pour une soif d’ailleurs aux allures de révérence. — zo.
E-40 ft. YG, Iamsu, Problem - « Function »
La dernière trilogie d’E-40 compte un bon lot de bangers, évidemment. Celui-ci, choisi pour single, ne m’avait pas vraiment tapé dans l’œil au début, mais je me suis surpris à y revenir de plus en plus souvent et à chantonner le refrain à n’importe quelle heure de la journée. J’ai dû me rendre à l’évidence : « Function » est un tube en puissance. Le beat est aussi simple et addictif que le terme « bitch » est scandaleusement fréquent. Et on en redemande. — David
Mystikal feat. Birdman & Lil Wayne - Original
« I’m a political refugee, that’s how the fuck I’ve felt« . Il y a du vrai dans cette petite phrase entamant « Original » : la présence sur Cash Money de Mystikal, ancien soldat de No Limit, a un goût d’exil de guerre. Là, on repense au bounce, aux T-shirts quadruple XL, aux baggies camouflage. Et puis démarre le morceau, et les souvenirs du style néo-orléanais de la fin du millénaire disparaissent : on est en plein dans le son YMCMB 2012, avec une ambiance opulente et aérienne, sur lequel le style indémodable et épileptique de Mystikal fonctionne pourtant bien. Choc chronologique. Dans un phénomène parallèle chez Cash Money, il y a Busta Rhymes sur un beat qui aurait pu faire partie du premier tiers de Roman Reloaded. — Raphaël
Sept - « Edito »
Quelques jours avant les élections , un édito s’affiche en une du site de LZO et de Tonton Steph. Il est consacré autant à ceux qui tirent les ficelles qu’à ceux qui sont au bout. En 2012, les pantins ont rendez-vous avec les urnes et beaucoup de secrets sont ceux de Polichinelle. Guignol est mort, et au pied de son cadavre, un instru habité par un soleil lascif et Sept, Grand Méchant Loup sur le retour dont chacune des phases a le souffle du dragon. Pour les marionnettistes, à force de tirer sur la corde, ça va finir par sentir le souffre. — zo.
Copywrite ft. Tage Future - « Love »
Une fois de plus, Copywrite nous a déçus cette année, avec un album qu’on pourrait qualifier d’en « demi-teinte », pour faire dans l’euphémisme. Pourtant, les premiers extraits laissaient vraiment présager du meilleur. « Love » était le plus marquant de ces morceaux annonciateurs de la sortie à venir. Une grosse ligne de basse, des cuivres puissants, des scratches et le trop rare Tage en invité : en même temps avec une telle recette, il était difficile de se planter. — Kiko
Future ft. Juicy J - « I’m trippin »
Pluto est devenu mon album de chevet. Future est une nouvelle façon de voir la musique rap en 2012. Et “I’m Trippin” comportent tous les ingrédients de cette esthétique si particulière, cette retenue technique qui se lâche sur de brefs moments d’extase, cette simplicité si difficile à atteindre qui parait ici innée. Comme une impression de s’élever, de sortir de son corps. Avec le petit couplet de Juicy J parfaitement ajusté. En boucle. — Lecaptainnemo
https://www.youtube.com/watch?v=91Jn8avADGk
[…] Première partie | Deuxième partie […]
Faites péter les playlists Spotify & Deezer : )
Nacho picasso, LORD OF THE FLY à écouter d’urgence! prochain rookie. Jattends la suite.
J’espère que vous mettrez Joey Badass qui n’a que 17 piges et qui a fait ça :
http://www.youtube.com/watch?v=V4xYGFc9Yw4
Y a t-il une bonne âme qui a fait un lien pour qu’on puisse kiffer tout ça?
Comme pour les 100 morceaux rap français
Nakk ft Dany Dan & Nubi « Zaggin »
Taipan « Les Gamins font des gamins »
Dinos Punchlinovitch « PleinePlume » #DARKSUN
je rajouterais !
Rappel : ce n’est que la première partie !
Rick Ross a simplement dominé tout le début 2012 grâce à « Rich Forever ». C’est limite du négationnisme de ne pas le mentionner au moins trois fois par liste, ahah.
ANTO !
Belle selection
Content de voir des artistes un peu meconnu
merci pour la decouverte de scarz que je connaissais pas
Pour moi manque un petit « Un Point c’est tout » de Morad, ainsi que le « Nouvel Automne » de Vicelow.
gspr voir rockie fresh
C’est pas le morceau de La Rumeur que j’aurai choisi (même si en effet il démonte) et j’aurai bien vu ‘Mastermindzz’ dans le lot. Mais ça reste une belle sélection !
Pour l’instant, j’adhère 😉
Hâte de voir/lire la suite…
Sélection super séduisante. Je dois confesser que C’EST NOUS LES REUSTAS m’ennuie. Je préfère largement le morceau qu’ils ont fait pour le projet de Busta. Mais cool de les revoir ensemble en tout cas. Sinon faudrait que je découvre Kaaris un jour.
frais tout ça !!! le hip-hop en bonne forme, c’est sur !!!