Les 25 meilleures productions de Lil Jon
Il y a dix ans, avec la sortie de Crunk Juice, Lil Jon parachevait une année durant laquelle il est passée de curiosité sudiste à nouvel abonné au club des superproducteurs. Vous en doutez ? On a même réussi à lister ses vingt-cinq meilleures réalisations.
En 2014, Lil Jon se résumerait presque à deux phrases hurlées sur le bruyant « Turn Down For What » du français DJ Snake. Mais il y a dix ans, Jonathan Smith était bien plus que ça. Un producteur qui avait trouvé un son, une marque de fabrique simple et redoutable. Et un artiste symbolisant Atlanta comme nouveau cœur créatif du rap outre-Atlantique. Une créativité résumée en un mot – et ce n’est ni « yeah ! », ni « what ? », ni « owkay ! » – mais « crunk », un genre à l’énergie redoutable, venu secouer la première moitié de cette décennie 2000.
Jonathan Smith a débuté dans les clubs d’A-Town comme DJ, puis directeur artistique sur le label So So Def, en s’occupant notamment du groupe Xscape et des compilations So So Def Bass All-Stars. En parallèle, il crée son groupe Lil Jon & The East Side Boyz avec Big Sam et Lil’Bo. Sur leurs premiers albums, Get Crunk, Who U Wit et We Still Crunk!, on y trouve des influences sudistes éparses : la bass music d’Atlanta, le bounce de la Nouvelle Orléans, le son militaire de No Limit, le crunk sombre de Memphis, et même quelques incursions du son de la Dungeon Family et du G-funk californien. Il a fallu attendre le bien nommé Kings of Crunk, en 2003, pour voir Lil Jon faire la synthèse de tous ces styles, et trouver sa propre couleur. Une teinte brillante, bruyante, au gimmick accrocheur, et souvent travaillée avec d’autres musiciens : le guitariste Craig Love, le bassiste LaMarquis Jefferson, le claviériste L-Roc.
Un single pour une star du r’n’b – « Yeah! » de Usher – et une multiplication de placements avec les gros noms de l’époque auront suffi à le faire passer dans le cercle des super-producteurs. Crunk Juice, sorti le 16 novembre 2004, a été un apogée pour Jon, ses East Side Boyz, et toute la clique de rappeurs dans leur sillon – les Ying Yang Twins, Pitbull, Lil Scrappy. Si tout n’est pas parfait sur cet album ambitieux et gourmand, c’est sans doute le long format sur lequel il a osé le plus d’expériences.
Avec son rap fêtard et criard, Lil Jon est devenu l’un des symboles du rap caricaturé comme « bling-bling » (oui, c’était les années 2000). Mais il a su montrer autant de facettes que les zircons de ses dentiers. Jon a aussi permis au hyphy de trouver un écho plus large grâce à son travail sur My Ghetto Report Card d’E-40. À la snap music d’avoir un de ses plus cartons avec « Snap Yo Fingers ». Il a semé les graines de la plante carnivore trap music sur le premier album de Lil Scrappy et Trillville. Et il n’est pas totalement étranger à la formule qui fait aujourd’hui le succès de DJ Mustard. Derrière ses lunettes profilées, ses grillz clinquants et son style exubérant, Lil Jon s’est affirmé en quelques années comme un véritable producteur influent et caméléon.
Merci à Jee Van Cleef pour son aide dans la création de cet article.
25. Pitbull ft. Lil Jon « Toma »
Avant d’ouvrir la coupe du monde avec un look de campeur en Vendée, et même avant d’être l’ambassadeur d’une musique de club entre l’électro, la pop et le rap, Pitbull était la branche armée floridienne du mouvement mené par Lil Jon. Épaulé par le libidineux Luke Campbell de 2Live Crew et par Lil Jon, Pitbull avait même une sacrée équipe derrière lui sur ses premiers albums. Avec un titre comme « Toma », Jon avait déjà pu définir une identité un poil plus démarquée dans le son sudiste pour Mr. 305 : des sons de percussions caribéennes, un air plus guilleret que les standards de Jon. Si les deux ont répété la formule sur d’autres morceaux comme « Voodoo », « The Anthem » ou « Krazy », c’est sur « Toma » qu’elle trouve son expression la plus spontanée – et peut-être la plus essentielle.
24. Rich Boy ft. Lil Jon, Andre 3000, Jim Jones, Murphy Lee, Nelly, Game « Throw Some D’s (Remix) »
Si Petit Jean a débuté sa carrière avec de nombreux remixs de chansons de r’n’b, ses restaurations de titres de rap sont plus rares. Ils sont pourtant tous remarquables : son contre-pied pour le « New Work Out Plan » de Kanye West, sa mélodie revisitée du « Lean Back » de Fat Joe, son regain de nervosité pour le « 40 Oz » de D12 montrent une belle science de l’exercice trop rare du remix. Mais s’il y en a un qui ressort dans l’artillerie de Lil Jon, c’est celui de « Throw Some D’s » de Rich Boy. Alors que l’originale de Polow Da Don surjoue la nonchalance avec le romantisme du sample de Switch, Lil Jon profite de la malléabilité de l’échantillon pour rendre la copie plus nerveuse, avec quelques synthés perçants et une rythmique plus marquée. Quand l’originale ressemble à une Cadillac zigzagant dans une rue de Mobile, le remix de Lil Jon sonne comme une Lexus en pleine bourre sur la I-65.
23. 8Ball & MJG ft. T.I., Twista « Look At the Grill »
La plupart des instrumentaux de Lil Jon repose sur un groove basique, mais assez fluide. Sur « Look At the Grill », le jeu d’opposition des deux caisses claires favorites de Lil Jon crée au contraire une syncope qui rompt le mouvement binaire confortable pour une sorte de déséquilibre rythmique bien maitrisé. Lil Jon en joue pour superposer ses instruments fétiches (cordes, synthés haut-voltage, guitare électrique), mais en plus agités qu’habituellement. L’instrumental donne l’impression d’être un coup de jus sonore à chaque caisse claire, comme si le pare-choc chromé de la Cadillac avait servi de paratonnerre.
22. Rhymefest ft. Lil Jon « Angry Black Man on an Elevator »
Rhymefest a pris soin mieux que n’importe qui de raconter sa collaboration avec Lil Jon pour « Angry Black Man on an Elevator ». Un clin d’oeil à la fois malin et bourré aux stéroïdes du son du Bomb Squad de Public Enemy – et bien plus réussi que l’affreuse reprise crunk/rock de « Fight The Power » pour la b.o. de XXX. La rencontre entre le rappeur cérébral et prolétaire de Chicago et le roi du crunk était si surprenante qu’elle a été finalement retirée de la version finale d’El Che, deuxième album de ‘Fest. Pas sûr que ça aurait sauvé l’album commercialement. Mais il en reste un morceau atypique dans la discographie de Jonathan Smith, et une preuve de ses talents de producteur polyvalent.
21. Lil Jon & The East Side Boyz ft. Jadakiss, Styles P. « Knockin’ Heads Off »
Quand Nas et Mobb Deep ont collaboré en 2004 avec Lil Jon, les cœurs des amateurs butés de rap new-yorkais ont failli s’arrêter. Pourtant, ce n’était pas la première rencontre entre Lil Jon et des rappeurs de la grosse pomme. Déjà sur Put Yo Hood Up en 2002, Smith avait été cherché M.O.P. pour le puissant « Heads Off My Nigga ». C’est sur Kings of Crunk l’année suivante avec Jadakiss et Styles P. que Jon a sorti un instru à la fois plus fin et plus seyant au style de New York. « Knocking Heads Off » (oui, ça parle encore de décapitation) offre une composition plus épurée, moins nerveuse que ses sorties crunk pur jus, et s’impose avec cette boucle simple de cordes pizzicato et de cloches funèbres.
20. Lil Jon & The East Side Boyz ft. Big Kap, Ludacris, Chyna Whyte, Too $hort « Bia Bia »
Les paléontologues du rap sudiste sont formels : le crunk vient de Memphis, pas d’Atlanta. Le crunk, c’est ces beats lents, sombres, lo-fi de Three Six Mafia. Lil Jon le DJ avait rapidement saisi la force de ce style. Avant que lui et d’autres malins en face une version géorgienne plus criarde (on pense, au hasard, à Bone Crusher), il a fallu s’approprier ce crunk venu du Tennessee. « Bia Bia » en est le meilleur exemple : notes de piano « carpenteresques », basse lugubre, hi-hats qui donnent le rythme à un beat massif. Le son est déjà un poil plus brillant que celui produit par DJ Paul et Juicy J, mais leur recette est bien reprise par ce diable de Lil Jon.
19. Lil Jon ft. E-40, Sean Paul (YoungBloodz) « Snap Yo Fingerz »
À peine deux ans après le sommet de la vague crunk, un autre genre atlante a remué les clubs et les codes du rap. Beats squelettiques appuyés par des claquements de doigt, mélodies sommaires : la snap music (et son parent feutré, l’intimate club music, tout un programme) était un contre-pied total au son maximal et bruyant du crunk. Pourtant, Lil Jon a réussi au même moment à mêler l’énergie de son crunk à ce minimalisme de la snap. Le résultat, « Snap Yo Fingers », est à la fois un titre opportuniste, futé et épileptique, preuve de la formule redoutable qu’avait trouvée Jonathan Smith.
« En 2004, ses détracteurs voyaient en Lil Jon un fossoyeur cupide. Quatre ans plus tard, « Earl » prouvait que Jon pouvait être un archéologue astucieux. »
18. E-40 ft. Ice-T « Earl »
Ça commence par une mélodie lugubre au piano. Pas de sons triturés et électroniques, non : ça ressemble à un vrai piano. Il y a bien cette sirène à moitié éméchée et ces sons stridents au refrain, mais cette boucle froide donne toute sa saveur à l’instrumental de « Earl ». En 2008, Lil Jon dépoussière des influences quasi préhistoriques – les balbutiements du gangsta rap – avec une rythmique plus ample. « Earl » est un titre qui relie les quasi vingt ans de carrière d’Earl Stevens en invoquant l’âme des premiers titres d’artistes californiens comme Ice-T, présent en clôture du morceau. En 2004, ses détracteurs voyaient en Lil Jon un fossoyeur cupide. Quatre ans plus tard, « Earl » prouvait que Jon pouvait être un archéologue astucieux.
17. Lil Jon & The East Side Boyz ft. Oobie « One Night Stand »
Un peu de douceur dans ce classement très viril. Lil Jon a beau avoir aidé Ciara à devenir l’une des divas actuelles du r’n’b, il avait dans sa BME Click une chanteuse à la voix aussi sensuelle et envoutante : Oobie. Dire qu’elle était la protégée du producteur n’est pas un vain mot : elle a droit à des titres sur les deux albums majeurs de Lil Jon & The East Side Boyz. Des balades parlant explicitement de sexe, mais avec une douceur musicale hypnotisante, et un son plus chaud (écoutez cet orgue sur « Ooh Na Na Naa Naa »). Point culminant de cette collaboration : « One Night Stand » sur Crunk Juice. Il y a là les mêmes éléments que sur les titres précédents d’Oobie et Jon (guitare amoureuse, synthés douillets), avec juste une pincée de sonorités presque aquatiques. Dommage que le capitaine Smith ait laissé la sirène Oobie sur les plages du crunk.
16. Lil Jon & The East Side Boyz ft. Bun B, MJG « Diamonds »
Si n’importe lequel des amateurs de rap sudiste chaud, moite et pétri de la culture blues dénigre Lil Jon, faites-lui réécouter « Diamonds » : guitare plaintive et musclée, orgue, refrain sous codéine, rythmique à la sauce texane. Si bien que l’instrumental rappellerait presque plus le rap de Houston que celui d’Atlanta. Mais le grain de la batterie et l’orchestration rappelle indéniablement le style Lil Jon. Si le producteur a régulièrement su tirer parti des talents de guitariste de Craig Love, c’est sur ce morceau qu’il lui a laissé sa meilleure place.
15. Lil Jon & The East Side Boyz « Put Yo Hood Up »
« Put Yo Hood Up » est un de ces quelques autres morceaux qui soulignent l’ADN musicale de Lil Jon. Cette fois, c’est plutôt le chromosome militaire du style No Limit, avec ces cuivres démoniaques. À vrai dire, sur ce morceau émeutier tiré de l’album du même nom, même le beat semble terriblement timide face à ces trois notes martiales. Pourtant, il y a déjà ces petits détails dont Lil Jon s’est fait la spécialité : les percussions indéfinissables toutes les deux mesures, la combinaison d’espèces de carillons pour les aiguës et d’une basse boueuse pour les graves, et cette sirène extra-terrestre au refrain. Des éléments complètement disparates sur le papier, mais qui sonnent parfaitement bien dans ce morceau typique d’appel-réponse sudiste. Pour les moins sensibles au genre, le remix avec Jadakiss, Petey Pablo et Chyna Whyte est un bon palliatif.
14. Ying Yang Twins « Salt Shaker »
Hormis le succès d’un titre comme « I Like Dem Girlz » en 2000, étrangement, presque rien ne relie vraiment les débuts de Lil Jon dans la bass music d’Atlanta au style qui a fait son succès il y a dix ans. La cadence épileptique de la bass est même antithétique (à quelques exceptions) des rythmiques plus lentes et sèches de Jon. Mais l’ancien DJ a du se rappeler l’impact de ce style de musique sur les strip clubs du Sud. Pour « Salt Shaker » des Ying Yang Twins, Lil Jon a repris ces basses rebondies et gluantes de la bass music, pour un hymne imparable aux danseuses du boule. Détail amusant : au milieu des sonorités quasi-subaquatiques disséminées entre les vagues de basses, il y a ce petit effet sonore qu’on retrouvera plus tard dans « Tell Me When To Go ».
13. Trick Daddy « Play No Games »
Quand le 14 octobre dernier, DJ Mustard a reçu quatre prix aux BET Hip-Hop Awards, dont celui du meilleur producteur de l’année, on se demande s’il a eu une pensée pour Jonathan Smith. Parce que s’il y a un musicien à qui le californien doit la formule de son succès, c’est bien Lil Jon. Même sens du gimmick entêtant et des 808s qui bastonnent, que Mustard a mêlé à son héritage west coast et certains canons mélodiques de la trap. S’il y a un titre qui pourrait montrer de manière évidente cette filiation, c’est « Play No Games ». Pour le coup plutôt inspiré par une variation funky et détendue du rap de Los Angeles, « Play No Games » puise ses racines dans le funk des années 80, avec ses sonorités typiques de Roland TR-808, son groove clinquant et sa mélodie enjouée – inspirée par un titre de George Duke. À noter qu’il existe deux versions du titre : l’une en solo de Trick Daddy sur son Thug Holiday de 2002, l’autre en version collective sur le Kings of Crunk de Jon.
12. Lil Jon & The East Side Boyz ft. Bun B, Jadakis, T.I., Nas, Ice Cube « Grand Finale »
Oui, Lil Jon a un temps fait du rap une musique beaucoup plus axée pour les clubs et les systèmes audio des govas. Pourtant, derrière les lunettes fumées, il y a les yeux d’un vrai amateur de rap. Comment expliquer autrement la clôture de son album-triomphe par un 5x100m relais réunissant Bun B, Jadakiss, T.I., Nas et Ice Cube ? Et pour ces cinq grands MCs, Jonathan Smith n’a pas sorti de productions criardes ou vrombissantes. « Grand Finale » est un exemple d’instrumental idéal pour rappeurs doués : un beat simple mais entraînant, et un sample nerveux savamment appuyé par des synthés et une guitare lugubres.
11. YoungBloodz ft. Lil Jon « Damn! »
C’est peut-être le mètre-étalon dont a usé Lil Jon pour conquérir les playlists des radios à partir de 2003. « Damn! » a tous les ingrédients de l’instrumental archétype de Lil Jon : beat sec et entrainant, sifflotements, guitare wah-wah (ici, éméchée). Et surtout ces synthés lasers, qui ont pu agacer au début, mais sont vite devenus addictifs. Il y a aussi un élément important : ce changement de gamme de la mélodie toutes les quatre mesures, qui va devenir un élément essentiel dans de nombreuses compositions crunk et surtout trap à venir. Un procédé qui sonne comme une version musicale de la tradition d’appel et réponse du rap sudiste – un folklore qui disparaissait alors peu à peu dans la musique de Lil Jon.
10. P$C ft. T.I., Lil Scrappy « I’m a King »
« I’m a King » est un instrumental un peu étrange. Les premières notes des sonorités récurrentes chez Lil Jon (sifflotements et cordes pizzicato) n’apparaissent qu’en milieu de mesure et s’enchaînent en canon, avant de disparaître plus loin pour laisser place à son typique synthé fluorescent. Dans les standards du producteur d’Atlanta, cette composition est en fait totalement déstructurée, en n’empilant plus les couches d’instruments comme à son habitude, et en laissant aussi les silences s’exprimer. Elle est pourtant aussi efficace que ses tubes les plus baroques. Comme les Neptunes avant lui, Jon prouve sur « I’m a King » qu’avec les mêmes ingrédients et un peu d’épure, on peut faire tout aussi bien.
09. Young Buck « Shorty Wanna Ride »
« Shorty Wanna Ride » est l’un de ces signes montrant que Jon était devenu un véritable producteur. Sur ce titre de Young Buck, ni synthé criard, ni sifflotement cabotin. Chaque élément mélodique s’accorde parfaitement ensemble sans prédominer l’ensemble. Il y a presque quelque chose qui tient de la musique blaxploitation dans ce « Shorty Wanna Ride », entre la guitare wah-wah, les cuivres synthétiques massifs, et les charleys si rapides qu’ils rappelleraient le thème de Shaft. Une facette chef d’orchestre de Lil Jon que l’on retrouvera deux ans plus tard sur des titres du Bred 2 Die – Born 2 Live de Lil Scrappy.
« « Head Bussa » et « Neva Eva » ont posé les bases musicales de la trap music. »
08. Lil Scrappy ft. Lil Jon « Head Bussa »
Trillville ft. Lil Jon - « Neva Eva »
Le binôme « Head Bussa » et « Neva Eva » ont encore la fièvre du crunk en eux, mais ils amorcent doucement une transition. Tout se joue sur un élément particulier : ces sons de cordes pizzicato frénétiques. Si cette sonorité n’était alors pas nouvelle chez Lil Jon, cette mise en boucle hypnotique l’était beaucoup plus. Indissociables comme les deux parties de l’album commun entre Lil Scrappy et Trillville, leurs deux singles ont sans aucun doute posé les bases musicales de la trap music qui allait, dans les mains d’un producteur comme Shawty Redd par exemple, muter dans une forme plus riche en adrénaline. S’ils ont abandonné les refrains en forme de ralliement, des titres comme « Trap or Die » de Young Jeezy, « Trap Going Ham » de Pill ou « Hard In Da Paint » de Waka Flocka Flame se sont nourris de cette recherche de Lil Jon à renouveler le crunk.
07. Lil Jon & The East Side Boyz ft. 8Ball & MJG « White Meat »
Les guitares furieuses du rock apparaissent régulièrement dans la discographie de Lil Jon, notamment en ouverture de ses albums Kings of Crunk et Crunk Juice. Mais dans ces contextes, elles fonctionnent comme des mises en jambe intensives avant la fureur des titres suivants. Sur « White Meat », elles ne sonnent pas festives, mais particulièrement intimidantes. Et en jouant sur deux registres – nerveuses et perçantes, hostiles et pesantes – elles appuient bien la complémentarité du duo 8Ball & MJG, parfaitement à l’aise dans ces menaces de meurtre de sang-froid. En comparaison, la livraison de Rick Rubin pour Lil Jon, suivant ce titre sur Crunk Juice, sonnerait presque fade.
06. Bun B ft. Ludacris « Trill Recognize Trill »
Sur « Trill Recognize Trill », Lil Jon a balancé tout ce qu’il pouvait mettre de plus retentissant. Tambours et cymbales en appui des grosses caisses. Guitare électrique. Notes de synthé métalliques tout au long, et d’autres distordues au refrain. S’il avait déjà prouvé qu’il savait faire beaucoup de bruit (cf. « Put Yo Hood Up »), il l’avait toujours fait sur ses propres instrus. Là, Bun B et Ludacris ne hurlent pas, et pourtant le morceau sonne plus fort que n’importe lequel des autres de cette liste. « Money speaks for itself, so we ain’t gotta say shit », rappe Bun au refrain. Pour le coup, on serait surtout tenté d’affirmer que c’est la démonstration de Lil Jon à la production qui parle d’elle-même.
05. Petey Pablo « Freek-a-Leek »
Usher ft. Lil Jon, Ludacris - « Yeah! »
A posteriori, difficile de ne pas parler de « Yeah! » de Usher et de « Freek-a-Leek » de Petey Pablo ensemble. Et pour cause : Lil Jon raconte que le beat de « Freek-A-Leek » était à l’origine celui de « Yeah! ». Il se dit même que la première version promotionnelle du tube d’Usher, celle envoyée aux DJs, était celle posée avec le beat du titre de Petey Pablo. Leur tempo, leur rythmique, la présence de tintements frénétiques de triangle : les deux titres partagent indéniablement les mêmes fondements. C’est sur leurs éléments mélodiques qu’ils diffèrent : les synthés trancy de « Yeah! » sont extatiques, quand ceux de « Freek-A-Leek » sont plus graves et sobres. Elles collent au style de leurs interprètes : on imagine facilement Usher faire le paon sur la piste, et Petey Pablo mater les poulettes sur un fauteuil.
04. Lil Jon & The East Side Boyz ft. Ying Yang Twins « Get Low »
Réécoutez « Get Low » juste après la majorité des titres classés dans cette liste. Ses 808 sonnent moins lourds, ses éléments mélodiques sont même un peu en-dessous des voix de Jon et des Ying Yang Twins. Pourtant, c’est peut-être l’un des morceaux les plus accrocheurs de Lil Jon, avec sa mélodie en deux notes, et ses ponts qui relâchent la pression avant de renvoyer la charge (au moment des fameux « to the the window, to the wall »). Il y a peut-être aussi une autre raison qui a permis à ce titre de faire prendre au crunk un essor considérable à partir de 2003 : un soupçon d’inspiration swizz-beatzienne (les sifflets, les gros synthés menaçants). Mais comme le producteur des Ruff Ryders s’est largement inspiré du son géorgien à ses débuts, considérons ça comme un échange de bon procédé.
03. E-40 ft. Keak Da Sneak « Tell Me When to Go »
Rien dans « Tell Me When to Go » ne rappelle le style de Lil Jon. Ni synthé fluorescent, ni tempo non-chalant et sudiste. L’instrumental est pour ainsi dire squelettique : des grosses caisses rebondies et frénétiques, une caisse claire minimale, et des sons étranges. Pourtant, le résultat est plus ample que certaines de ses productions fournies. Cela tient sans doute à cette rythmique aussi hyperactive qu’un danseur de hyphy sous ecsta. Si Rick Rock a fourni la matrice du son hyphy en 2004 avec le premier album de Federation, c’est bien Petit Jean qui a livré à E-40 et Keak Da Sneak l’expression musicale la plus intuitive et efficace de ce mouvement californien. Le mieux dans tout ça, c’est que sur My Ghetto Report Card et The Ball Street Journal, Jon reproduit cette même capacité à faire du bruit avec presque rien (« Muscle Cars », « 40 Water », « White Girl ») – et ressuscite l’esprit des productions d’un autre Smith, Larry, compositeur pour les premiers titres de Run-DMC.
02. Lil Jon & The East Side Boyz ft. Mystikal, Krayzie Bone « I Don’t Give a Fuck »
« Tuuut-tutu-tu / OWKAYYY ». Ça sonne affreusement con posé comme ça. C’est pourtant le principe de « I Don’t Give a Fuck » : une mélodie enfantine à la flute, jusqu’à l’arrivée d’un ton beaucoup plus sérieux quand la basse et le beat tombent – et l’air de flute disparaît, pour ne revenir qu’au refrain. Pourtant, on a l’impression qu’il reste là, quelque part, pendant tout l’instrumental, au milieu des cordes pizzicato et autres sons non identifiés mais aussi captivants. La stupidité comme moteur – « going dumb », comme ils disent – est le leitmotiv de cet instru. Entre deux couplets agiles et hostiles de Mystikal et Krayzie Bone, Lil Jon et ses East Side Boyz hurlent qu’ils n’en ont rien à foutre. Et avec cette mélodie à la fois insouciante et malicieuse, ça colle comme du sizzurp renversé sur le sol.
01. Lil Jon & The East Side Boyz ft. Lil Scrappy « What U Gon Do »
Après les succès de « Get Low » et « Yeah! », Lil Jon s’est sans doute demandé comment faire plus de bruit en étant plus économe – faire plus avec moins. La réponse : « What U Gon Do ». Le premier single de Crunk Juice synthétise les recherches de Dr. Jon menées les années auparavant pour les condenser en 5 minutes et 20 secondes de sauvagerie sonore. Le beat y est plus répétitif qu’avant. La basse, magnétique, y est réduite à un simple renfort. Les sifflements, auparavant cabotins, y sont inquiétants. Le résultat est un instrumental brise-nuque quintessentiel du style Lil Jon. Il y a surtout cette sensation que la réduction de la rythmique à un spasme nerveux, répétitif et exacerbant la grosse caisse et la caisse claire, a laissé une trace les années suivantes dans le rap US. Difficile de ne pas penser à « A Milli » et tous ces beats ultra-hachés qu’il a engendré. « Crunk ain’t dead », portait Lil Jon autour du cou quelques années après avoir touché les sommets. Il n’avait peut-être pas tort.
Super article qui rappelle des bons souvenirs, mais votre player est totalement à la rue, obligé de consulter l’article sur internet explorer pour en profiter. Bien joué, maintenant faut que j’aille prendre trois douches, je me sens sale.
Ah ouais c’est marrant comme en vieillissant les choses vous deviennent plus respectables.
Vous chiiez bien sur Petit Jean à l’époque, vous êtes mignons.