Denzel Curry
ZUU
Après le conceptuel TA13OO l’an dernier, album foisonnant mais manquant d’une direction nette, Denzel Curry a compressé sa musique pour en ressortir son essence sur ZUU, un disque court (29 minutes), néanmoins dense et méticuleux. Hommage à Carol City, ville de la grande aire de Miami, Denzel Curry synthétise sur ce quatrième album certaines traditions du rap fiévreux du comté de Dade (avec des clins d’oeil à Trick Daddy, Plies et Trina sur « CAROLMART ») tout en gardant l’esthétique distordue héritée de sa formation aux côtés du Rvidxr Klvn de SpaceGhostPurpp, si influent pour le rap floridien de cette décennie. ZUU offre une progression du son saturé et minimal du Soundcloud rap sans le polir ou le dénaturer : le duo australien FnZ y enrichit ses instrus et ceux des multiples contributeurs de petits détails rythmiques et mélodiques comme des ingénieurs nucléaires injectent des isotopes supplémentaires dans du minerai d’uranium. Sur cette partition brillante et irradiante, Denzel Curry sort de ses habituelles ambiances nocturnes et ésotériques pour raconter l’environnement dans lequel il a grandi, entre conseils familiaux, juxtaposition de références geek et de violence urbaine et hommage aux cultures hédonistes du « Sunshine state ». ZUU est surtout un album dans lequel son auteur retrouve une part de lucidité après la mort de son ami xxxtentacion et sa nouvelle sobriété. « I got lil’ homie with me, city on our backs » lance Rick Ross dans son couplet sur le sauvage « BIRDZ ». Alors que le « bawse » a définitivement installé cette année son statut d’OG avec son Port of Miami II, ce passage de témoin n’a rien d’anodin. Intelligemment construit tout en étant viscéral, ZUU permet à Denzel Curry de s’affirmer comme le nouveau chef de file du 305 et l’un des rappeurs les plus décisifs du rap US.
Raphaël