03 Greedo & Kenny Beats
Netflix and Deal
Quelque part, dans une trap house de la côte ouest, des planches masquent l’entrée d’une caverne. À l’intérieur, une salle au trésor dont les murs en métal renvoient l’écho d’une voix nasillarde. Au centre, un coffre orné de grappes de raisins cache un coquillage. D’après la légende, quiconque le place contre son oreille entend résonner les trois mille sons enregistrés par 03 Greedo avant son incarcération. Partout où il a pu, il a exercé son talent : éponger les peines de sa communauté, puis presser son corps gonflé pour déverser des litres de « nervous music » baveuse, de mélancolie froide, de prods chiptunesques qui résonnent jusqu’à la saturation. À l’instar d’un Young Thug ou d’un Chief Keef, sa musique est fluviale, comme un long cri modulé par ses émotions qui n’est pas fait pour être découpé en pistes séparées. De ce point de vue, Netflix & Deal, en collaboration avec le producteur Kenny Beats (déjà présent sur l’excellent God Level), se démarque. L’ensemble est pensé comme un tout organisé et suit un fil directeur : le cinéma, prétexte pour illustrer sa vie de dealer. Des références plutôt convenues et pas vraiment cinéphiles (Blow, Paid in full, Traffic…), mais qui lui permettent d’étaler sa créativité burlesque. Ainsi, lorsqu’il évoque Avatar, c’est pour décrire un monde rempli d’hommes bleus (comme ses camarades Crips) et des poches pleines de « Lilo & Stitch » (pour figurer les pilules). Parmi les invités (dont Vince Staples et le toujours bienvenu Ohgeesy), mention spéciale à Freddie Gibbs et son couplet autotuné qu’on pourrait croire sorti du gosier de son hôte. Si le côté policé du projet empêche d’atteindre les moments de grâce de God Level, le charisme de Greedo et la réalisation calibrée de Kenny Beats suffisent à fournir un album virtuose, au cœur vibrant.
Léon