La science-fiction, le malin détour du rap conscient ?
« Cet album c’est un peu une longue investigation dans le monde urbain, moderne, technologique, et le constat que j’en tire est effectivement assez sinistre. » Cette phrase de Zippo à nos confrères de Grozeille pourrait résumer un nombre incroyable de disques français sortis ces 25 dernières années, aussi bien ceux d’Assassin que ceux de Damso. Mais elle est à lire à l’aune de plusieurs prismes. Évidemment, la façon dont le monde a changé : l’urbanisation est de plus en plus forte et les moyens de communication ont eux connu un vrai bond. Mais ce bout d’interview de l’auteur de Zippo contre les robots est peut-être également à calquer sur le rap, plus particulièrement celui longtemps caractérisé de conscient, pour ne pas dire d’engagé. La frontière entre description et dénonciation a toujours été mince chez les rappeurs. Certains la franchissent avec subtilité. Ils sont rares. D’autres la piétinent avec de gros sabots et ils sont nombreux, à tel point que le public, un peu blasé et demandeur de plus de rêve, s’en est progressivement lassé. C’était sans compter sur la mutation du rap lui-même : textures synthétiques, apparition de l’autotune, bref, une bascule musicale vers quelque chose de plus digital, donc de potentiellement propice à l’imaginaire futuriste. Certains rappeurs l’ont bien saisi : voilà désormais un son qui permet de mettre le futur en musique, et cela de façon jusqu’au-boutiste. Et c’est bien connu, rien de tel que de décrire l’avenir pour mieux parler du présent. Ainsi, sur des disques comme le frontal et scénarisé Zippo contre les robots ou l’elliptique Nulle part où le silence d’Hatrize, les aberrations du monde d’aujourd’hui sont projetées dans des temps ultérieurs, bien aidées par une production qui prend des allures de bande son et de scénario de films de science-fiction. Et si finalement, pour qu’un rappeur fasse des sons politiques, le mieux était de faire comme le cinéma : faire rêver. Mais cette fois du pire ? – zo.