La disparition des samplés coincide-t-elle avec la disparition du sample ?
Les disparitions cette année de Clyde Stubblefield et Walter « Junie » Morrison sont particulièrement symboliques pour le rap. Le premier, batteur pour James Brown, a créé avec son solo sur « Funky Drummer » le breakbeat définitif, un groove inimitable, à la fois précis et relâché, qui a traversé de façon unique les époques dans le rap. C’est un son unique qu’avait également créé Junie Morrison, chanteur et claviériste des Ohio Players. Sa mélodie stridente composée sur un synthé ARP pour « Funky Worm » a donné le « la » au gangsta rap, et est devenue une signature du rap californien, dont on entend encore des échos en 2017 chez Nipsey Hussle. Les décès de Clyde et Junie interrogent sur les évolutions du rap. Leurs éclairs de génie ont fait jaillir des étincelles qui ont propagé des incendies. Mais le rap ne semble plus aujourd’hui chercher dans la musique des années 60 et 70 des instants d’inspiration. La trap des années 2010, balisée par Lex Luger, était déjà une mutation des sursauts de Drumma Boy et Shawty Redd. La ratchet music popularisée par DJ Mustard puise ses slaps et ses basses dans le rap de la Bay area. Les récentes évolutions de Metro Boomin, plus épurées, le rapproche du son lugubre de la Three 6 Mafia des années 90. Et de Detroit à New York, la drill de Chicago a créé des portails entre les mondes comme El dans Stranger Things. Même s’il explore de nouvelles voies d’échantillonnage, entre banques de son et boucles créées sur mesure, le rap devient davantage qu’hier un genre qui se recycle. Que le funk repose enfin en paix – ou soit bientôt ressuscité avec audace. – Raphaël