Junclassic
Blvd Backdrop
Soyons honnêtes : avant de découvrir Blvd Backdrop, le nom de Junclassic n’évoquait pas grand chose pour nous. Pourtant, il est peu de dire que le garçon a roulé sa bosse. Il s’agit ici en effet de son huitième album solo, auxquels s’ajoutent ses participations aux projets de Monsta Island Czars, collectif par lequel est passé MF Doom au début des années 2000. Pour cette énième ligne à sa discographie, le MC de South Jamaica, Queens, s’est allié au DJ/beatmaker Bazooka Joe, autre oldtimer new-yorkais de l’ombre et auteur de toutes les productions du projet.
Blvd Backdrop est sorti sur le label HiPNOTT Records, créé par le blogger Kevin Nottingham. Celui-ci décrit l’opus comme « a heavy East Coast Boom Bap Hip Hop album made for the streets, avenues and boulevards worldwide ». Des vétérans et une avalanche d’étiquettes. Voilà qui sent le rap fatigué à plein nez. Et pourtant, Blvd Backdrop est un très bon disque, dense et singulier.
Déjà il y a cette voix très particulière, caverneuse au possible, qui vient donner un côté inquiétant même à des morceaux qui n’avaient rien d’anxiogène à la base (« NY Won’t Stop », « C-Span »). Loin de se contenter de ce don de la nature (entretenu par quelques excès clairement revendiqués), Junclassic se révèle également un rappeur plutôt adroit. Et, surtout, il y a la patte de Bazooka Joe. Là où certains de ses contemporains n’utilisent plus de drums pour construire leurs instrus, lui fait plus que jamais du breakbeat le socle de ses compositions. Les productions de Blvd Backdrop brillent en effet par leur minimalisme : les scratches, les extraits de film, les boucles discrètes, tout est savamment choisi pour créer une ambiance aride et suffocante. Joe et Junclassic semblaient devoir se rencontrer tant leurs registres sont complémentaires. Cette alchimie donne naissance à quelques morceaux particulièrement plaisants, tels que « Roll » et ses rires nerveux ou « Do Extra », au refrain scratché imparable. Petit défaut de l’album, un certain passage à vide à la fin du projet, les assez anecdotiques « Lounge Low » et « C-Span » faisant un peu retomber le soufflé avant « My Style », épilogue plutôt réussi.
La côte est, le boom-bap, les rues… La description renvoyait plutôt à certains mastodontes du rap new-yorkais du milieu des années 90. Pourtant, son atmosphère sombre et oppressante rapprocherait plus Blvd Backdrop de l’œuvre de Company Flow, de Darc Mind (la voix de Junclassic n’est pas sans rappeler celle de Kev Roc) ou de Kool Keith époque Dr. Dooom ou Sex Style. L’album se révèle en tout cas être une excellente surprise. Et le nom de Junclassic, comme celui de Bazooka Joe, figureront désormais sur nos calepins, colonne « artistes à suivre ».
Écouter Blvd Backdrop ici.
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