Chronique

Del the Funky Homosapien & Parallel Thought
Attractive Sin

Parallel Thought LTD - 2012

Sous une pochette érotico-biblique qui n’est pas sans évoquer celle du A Piece of Strange des Cunninlynguists sous ecstasy – en nettement plus débridé, donc – Del prolonge une collaboration avec l’équipe de Parallel Thought entamée en 2009 en compagnie de Tame One. Elle avait alors abouti au très recommandable Parallel Uni-Verses, disque chaleureux dédié pour l’essentiel à la célébration, forcément nostalgique mais aussi enjouée, de l’arche perdue du hip-hop. Cette fois, le rappeur californien et les producteurs du New Jersey se retrouvent entre eux, autour d’une formule légèrement modifiée, même si elle ne dévie pas franchement du sillon tracé précédemment.

Les Parallel Thought piochent toujours avec gourmandise dans l’héritage jazz, soul et funk, à grand renfort de cuivres et dans une moindre mesure de claviers. Mais ici la richesse et la densité du son déjà remarquées dans leurs opus précédents prend parfois une dimension quasi-orchestrale, surtout quand le duo devenu trio cultive son sens de la modulation mélodique, jouant ici et là sur la panoramique. En témoigne « Ownership », sorte de bœuf hip-hop qui mêle sax, guitare et piano sur un beat à contretemps, avec pour effet une texture quasi-live. Cette chaleur instrumentale se retrouve plus ou moins tout au long de l’album, associée à un tempo généralement élevé qui offre un vaste champ de jeu au phrasé élastique et articulé de Del. Sur le morceau inaugural, l’imposant « On Momma’s House », avec sa batterie funk surplombée de cuivres aux saveurs disco (et, en arrière-fond, sa ligne de harpe caressante), le natif d’Oakland rappe ainsi pendant cinq minutes ininterrompues qui défilent en un claquement de doigts.

De manière générale, Del fait montre de la dextérité qu’on lui connaît, exprimée par ce timbre de voix reconnaissable entre mille. Si ses fanfaronnades semblent plus terre-à-terre et ses textes moins distanciés qu’auparavant (ses piques anti-wacks ne sont pas des plus inspirées, surtout quand elles sont parlées), son flow, qui paraît à la fois bien calé dans les temps et off-beat, est toujours aussi affûté. Et ce y compris quand la cadence se fait plus paisible, comme le prouve l’ondoyant « Get to Drillin » avec, à gauche, sa boucle de piano entrecoupée de frôlements de harpe et, à droite, sa flûte et ses roulements de cymbales. Ceci dit, perdre en route l’ex-Artifacts n’était peut-être pas une très bonne idée. Le flow (plus rugueux) autant que la voix (plus rauque) de Tame One offraient un bon complément à ceux de Del. Si ce dernier occupe sans problème l’espace tout seul, c’est au risque d’une légère monotonie, surtout sur une fin d’album moins entraînante que son début. De leur côté, les productions de Parallel Thought s’avèrent un peu plus linéaires que sur Parallel Uni-Verses, tandis qu’on regrette la rareté des scratches (« Blow your Mind » et « Front Like ya Know » faisant exception), davantage présents sur l’album de 2009. En comparaison, Attractive Sin est en ce sens un poil décevant. Ce qui n’empêche pas ce LP mélodieux d’être tout à fait digne d’attention.

Retour en arrière, remontée dans les années 1990, s’empressent de conclure certains commentateurs, pour le saluer ou le regretter. Mais non. Pourquoi faire d’Attractive Sin un disque passéiste? Il colle bien à son époque. Évidemment, il n’a pas la fraîcheur des premiers disques de Del, ni l’audace de ses meilleures expérimentations (Deltron 3030 en tête, dont une suite est annoncée depuis si longtemps que la crainte l’a emporté sur l’attente). Mais il ne les imite pas platement non plus. Et des rappeurs qui sortent des disques de cette qualité après plus de vingt ans d’une carrière qui a souvent emprunté des chemins de traverse, il n’y en a pas des centaines.

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