Chronique

Big Sean
Hall of Fame

G.O.O.D. Music - 2013

La série des prometteuses mixtapes Finally Famous qui lui avaient permis de fidéliser un solide cercle d’internautes. Un premier album qui s’en était tiré avec la mention « Bien mais peut mieux faire ». Une des rimes les plus embarrassantes de ces dernières années en ouverture du tube de l’été 2012. Une dernière mixtape sortie l’année dernière et intitulée Detroit qui avait réconcilié Big Sean avec quelques-uns de ses détracteurs les plus acharnés. Voilà, à peu de choses près, le contexte dans lequel sort Hall of Fame, le deuxième album solo de Big Sean. Album auréolé, en plus, d’un buzz inattendu suite à la mise en ligne de « Control », morceau non retenu sur le disque dans lequel Kendrick Lamar lui vole la vedette le temps d’un couplet qui a agité le petit monde du rap des jours durant.

Une fois arrivé au bout de l’écoute de Hall of fame, un premier constat s’impose. Une heure de Big Sean, c’est long. A la manière des blockbusters présomptueux qui investissent les salles obscures et éprouvent un mal fou à passer sous la barre des deux heures, Big Sean aurait gagné à aérer un album qui frise parfois le remplissage. Un morceau comme « World Ablaze » constitue l’exemple typique de ces morceaux que Big Sean est capable d’écrire les yeux fermés mais qui surchargent inutilement l’album. On se surprend même à imaginer le rappeur de G.O.O.D Music enchaîner l’enregistrement de ses morceaux en studio avant de leur donner un titre hasardeux (« Toyota Music ») une fois ceux-ci terminés.

Placé sous le thème de la réussite, Hall of fame multiplie les roulements de mécaniques avec un sens de la théâtralité certain. Imagerie clinquante et phrasé princier, le disque est une plongée classique dans la vie d’un nouveau riche. Seulement, Big Sean déroule le fil de sa vie sans qu’une once d’émotion ne vienne pimenter l’ensemble. Big Sean est riche, Big Sean couche avec énormément de filles, Big Sean fait la fête et Big Sean est largement satisfait de cette vie. On pourrait s’en contenter si le manque d’originalité du récit était compensé par quelques prouesses derrière le micro. Seulement, entre les rimes maladroites (« I’m rocking chains everyday, so you know I slave« ) et la monotonie du débit, l’auditeur peine à être conquis. Si bien que plus on avance dans l’album et plus on en vient à se convaincre que Big Sean est un rappeur à gimmicks (les refrains de « MILF », « 10 2 10 » ou « Mona Lisa »), incapable de se mettre au niveau de son entourage.

Autre rappeur lambda à l’entourage essentiel, The Game avait malgré tout réussi à se rendre captivant en devenant une sorte de bête de foire atypique, citant plus de dix noms par morceaux tout en phagocytant le style de ses invités avec un mimétisme troublant. Et par un tour de magie encore inexpliqué, il parvenait à tenir la dragée haute à des confrères pourtant intrinsèquement plus doués que lui. Ici, hormis Lil’ Wayne qui livre le service minimum, les invités, qu’il s’agisse de Nas, Nicki Minaj, Jeezy ou Kid Cudi, volent quasi systématiquement la vedette à un rappeur qui ne parvient pas à imprégner son disque d’une véritable identité.

Si Hall of fame demeure malgré tout un disque qui se laisse écouter, c’est principalement grâce à No I.D et Key Wane, respectivement présents sur cinq et quatre pistes. En pleine forme, le vétéran de Chicago sort du lot avec le dyptique « First Chain »/ »Sierra Leone » quand Key Wane, entre la prod vaporeuse de « Nothing is stopping you » et le souffle épique qu’il insuffle sur « It’s time » marque encore des points. Pas en reste, le duo de Da Internz, déjà derrière le tube « Dance (A$$) » sur le premier album, concoctent l’ultra-efficace « Mona Lisa » et l’entêtant « MILF » (qui contient également un couplet hallucinant de Nicki Minaj qui s’imagine en mère de famille complètement irresponsable). Impossible de ne pas mentionner « 10 2 10 » qui a d’ailleurs nourri des rumeurs de co-production de Young Chop tant l’instrumental paraît sortir du Finally Rich de Chief Keef.

En dépit de toutes les ambitions affichées par Big Sean, Hall of Fame pose davantage de questions sur son avenir qu’il n’apporte de confirmations. Avec une formule aussi émoussée, on se demande en effet si le rappeur parviendra à se réinventer, un peu à la manière d’un Mac Miller qui a envoyé valser l’image qui lui collait à la peau à l’occasion d’un Watching movies with the sound off surprenant. Hall of Fame est un de ces albums à gros budget, bien construits mais dont la tête d’affiche est parfaitement interchangeable. La preuve : on aurait souhaité à plus d’une reprise que certaines productions atterrissent dans les mains d’un autre MC. Cela dit, le disque réussit au moins le pari du divertissement et représente même l’archétype de ce à quoi ressemble un disque mainstream en 2013.

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