Ill Bill & Vinnie Paz
Heavy Metal Kings
Franchement, on la sentait un peu mal cette affaire. ILL Bill et Vinnie Paz réunis pour un album commun nommé Heavy Metal Kings… Il y a dix ans, on aurait signé des deux mains, voire des pieds si nécessaire. Mais en 2011, difficile de ne pas être perplexe. Comme si flows fatigués et prods lourdingues résonnaient déjà au loin. Et pourtant…
Petit retour dans le temps, pour commencer. En 2006 sort Servants in Heaven, Kings in Hell, cinquième album de Jedi Mind Tricks. Single tiré de la galette, l’excellent « Heavy Metal Kings » voit Vinnie Paz partager le micro avec ILL Bill. Un beat furieux, des scratches du même accabit et une alchimie apparaissant « criante ». Suffisamment donc pour que, cinq ans plus tard, le choix soit fait de la transposer sur long format. Voilà pour la genèse de l’oeuvre. Du reste, on devine bien évidemment que ce side-project n’a pas vraiment vocation à fournir des hymnes à la fête pour les soirées estivales à venir. Les univers des deux protagonistes se caractérisent essentiellement par une violence et une paranoïa constantes. Et c’est sur ce large dénominateur commun que Heavy Metal Kings a été bâti.
De ce fait, l’album n’offre que peu d’instants de répit : il s’agit d’une suite de morceaux « coup-de-poing », liés entre eux par des thématiques toujours très réjouissantes (l’ésotérisme, les conspirations, les tueurs en série, les armes à feu, etc.), la rage perpétuelle des protagonistes et des instrus guerriers et explosifs. Rien de nouveau sous le soleil, qui de toute manière ne semble pas éclairer la dimension parallèle dans laquelle les deux MCs évoluent. Ce qui fait la force de Heavy Metal Kings, c’est la qualité de la production. On craignait que celle-ci manque d’envergure, comme cela avait été le cas pour The Unholy Terror d’AOTP. La liste des beatmakers pouvait en effet susciter quelques craintes : hormis DJ Muggs et dans une moindre mesure Shuko, beaucoup d’inconnus ou de méconnus. Et pourtant, l’album offre quelques pépites telles « Impaled Nazarene », « Children of God », « Devil’s Rebels » et surtout l’immense « Blood Meridian », monument de noirceur signé du protégé de DJ Premier, Gem Crates. Autre très bonne surprise, la place laissée aux scratches, assurés par les DJs Eclipse et Kwestion.
Sur ces supports de grande qualité, Vinnie Paz et ILL Bill se sont mis à niveau. Pas de flows exagérement lourds ou d’hurlements façon Trash Metal. Certes, les heures de gloire demeurent encore assez loin, mais cela fait plaisir d’entendre le duo retrouver un semblant de seconde jeunesse au détour de certains titres. Côté invités, on ne compte que des proches : Reef the Lost Cauze, Sabac Red, Crypt the Warchild, Q-Unique et Slaine viennent ainsi prêter main forte à leurs compères, en offrant des prestations très correctes et une diversité toute relative.
Bien évidemment, tout n’est pas parfait : tout d’abord, les morceaux sont pour la plupart de courte durée, ce qui est à double tranchant. Certes, la spontanéité et le dynamisme sont assurés. Mais cela révèle aussi une redondance au niveau de la structuration des titres, qui pour la plupart sont constitués de deux couplets et d’un refrain. On aurait par moment aimé que l’un des MCs pose un second seize rimes, ou pourquoi pas quelques pass-pass entre les deux rappeurs afin de rompre avec ce schéma répétitif. Autre bémol, « The Final Call », qui clôt l’opus, n’est pas vraiment au niveau de ce qui précède et peut-être perçu comme le morceau le plus faible du disque.
… Et pourtant donc, malgré ces petits défauts, Heavy Metal Kings est un très bon disque. Qui constitue, enfin, un projet de référence pour Billy Crystal, une décennie après The Future Is Now de Non Phixion. Et rappelle en même temps que Vin Laden ne meurt jamais, revenant toujours à la charge au moment où on pourrait le croire fini. Espérons que le succès sera au rendez-vous, après l’accueil plutôt mitigé des derniers projets, et que cela encouragera Bill et Vin à poursuivre dans cette voie qu’ils ont eux-mêmes en grande partie tracée…
Bonsoir
Vieux musicien amateur aux oreilles toujours avides d’explorations, l’univers du Hip-Hop ne m’est, à part quelques (très …?) vieilles références comme The Roots, Body Count, Boo-Ya-Tribe ou Arrested Developpement, pas très familier. Même si je joue régulièrement avec des rappers (j’adore l’improvisation!!), mon univers est largement pavé de cordes de guitares, de sons de piano, de saturations à lampes… Et par le hasard d’une navigation, je tombe sur la pochette (vinyl, vinyl…) de ces Heavy Metal Kings qui me renvoie immédiatement à l’univers graphique de Michel Langevin (Away), batteur et designer de Voivod, groupe de Metal dont je suis un (très…?) vieux fan. Piqué par la curiosité, j’écoute. Et j’ai le même sentiment mitigé que souvent à l’écoute de ces prods que beaucoup, dont mon fils, me partagent: la production est souvent très bonne attestant de la maîtrise des musiciens sur leur logiciels, les flows sont souvent bluffants de technicité, les références aux vieux styles sont là mais il me manque beaucoup de choses. La spontanéité des instruments même si les rockers (et autres genres apparentés) le sont de moins en moins spontanés à force de produire, la mélodie qui semble décidément être le maillon faible en Hip-Hop, la complexité harmonique. A part quelques groupes dont The Roots qui m’a pleinement satisfait en Live (des musiciens qui jouent des instruments de musique !! Cette pôvre prestation de IAM avec ses misérables sons dépourvus de la moindre dynamique, ses séquences millimétrées qui n’acceptent aucunes improvisation… J’ai bien dormi…), je ressens encore et toujours la même frustration: pourquoi un pauvre groupe de n’importe quel style jouant souvent maladroitement avec des instruments me procurent bien plus de sensations que ces machine-men maîtrisant parfaitement leurs sujets sur leurs machines ? Et je confirme cette impression quand je joue avec ces musiciens issus de cette sphère musicale : je suis, en tant que musicien libre de ma machine parce qu’elle est ouverte à l’impro, aux services de la musique élaborée par ces musiciens non-libres de leurs machines. Donc pour résumer, ce disque des Heavy Metal Kings est intéressant, je ne l’écouterai clairement pas longtemps puisque les pistes à suivre sont maigres mais ça a au moins le grand avantages de clarifier les raisons qui me feront toujours privilégier la musique qui se joue par rapport à la musique qui se produit. L’envie de la vie, de l’espace, la sensation d’enlever son masque en arrivant au grand air (spéciale dédicace aux temps actuels). Mais je ne sais toujours pas si c’est Away qui a signé l’artwork de ce CD…