Chronique

Celph Titled & Buckwild
Nineteen Ninety Now

No Sleep Recordings - 2010

Ces dernières années, beaucoup d’albums ont été ratés à cause de producteurs voulant ressusciter le boom-bap des années 90 avec un matériel moderne. Le résultat a donné dans la majeure partie des cas des instrus corrects, mais trop proprets et manquant cruellement de chaleur. Ce constat, ainsi qu’une nostalgie certaine, a donné une idée à James DL, propriétaire du label No Sleep Recordings : réunir deux de ses amis, le MC Celph Titled et le légendaire beatmaker Buckwild, pour un projet original. Celph poserait sur des instrus de Buck, faits au milieu des années 90 mais jamais utilisés. Le résultat donne Nineteen Ninety Now.

Ceux qui n’ont connu Celph qu’à travers ses aventures avec AOTP seront surpris. Avec le concours de Buckwild, le Rubix Cuban est revenu à ses premiers amours : une production à dominante jazzy et laid-back. Les beats sont gorgés de cuivres, et conservent ce côté un peu crade qui manque tellement au boom-bap d’aujourd’hui. Il est très surprenant que certaines de ces prods n’aient trouvé preneurs dans les années 90. L’un des grands mérites de Nineteen Ninety Now est justement d’avoir évité un innommable gâchis, en donnant enfin une existence à des perles telles que les instrus de « The Deal Maker », « Eraserheads », « Fuckmaster Sex » ou « Miss those Days ».

A l’écoute de Nineteen Ninety Now, on mesure le chemin parcouru par Celph depuis une décennie. Plus besoin d’en rajouter aujourd’hui, de débiter des insanités et de rapper comme un fou furieux. Sa grosse voix et sa technique irréprochable suffisent désormais pour en imposer et capter l’attention. D’autant que les joyaux déterrés par Buckwild constituent un support lui convenant à merveille, sur lequel il semble plus que jamais dans son élément. Alors, bien évidemment, on a le droit à un festival de punchlines et phases coup-de-poing (« And when we’re holdin a tech we put a hole in you neck, equipping you with a permanent T-Pain vocal effect« ), mais contrairement à ce que l’on craignait on évite l’indigestion. Car le garçon a pris le parti de se diversifier, et de s’illustrer dans des thématiques où on ne l’attendait pas forcément. « I Could Write a Rhyme » revient sur sa carrière, « Fuckmaster Sex » parle ainsi de cul comme son nom l’indique, tandis que « Miss those Days » ou « Time Travels on » offrent des instants plus posés, introspectifs et nostalgiques. Aucun de ces titres ne sonne comme un passage obligé pour varier les registres. L’écriture est simple, directe, mais toujours efficace. Même si, inévitablement, Celph paraîtra toujours sous son meilleur jour lorsqu’il s’agit d’egotrips (« Hardcore Data »), de saillie contre les hipsters (« Whack Juice »), ou de posse-cuts (« Swashbuckling », « There Will Be Blood »).

Côté invités, on retiendra tout d’abord l’apport de Mista Sinista (The X-Ecutioners), dont les scratches complètent à merveille la formule mise en place par Celph et Buckwild. Au micro, l’équilibre est respecté entre figures majeures des années 90 et collègues du Rubix Cuban. On appréciera particulièrement l’apparition assez inattendue de Treach (« Out to Lunch »), le pass-pass avec Vinnie Paz (« Eraserheads »), le couplet stratosphérique de Chino XL (« Styles ain’t Raw ») et bien évidemment le posse-cut réunissant Brand Nubian et une bonne partie du D.I.T.C. (« There Will Be Blood »). Marque ultime de classe, Celph a invité ses vieux compères de Tampa Majik Most et Dutchmassive pour clore l’album (« Time Travels on »). Autres grands moments, les imparables « The Deal Maker », « Fuckmaster Sex », et « Hardcore Data ».

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