Chronique

Kid Cudi
Man on the Moon : The end of Day

G.O.O.D. Music - 2009

« I’ve got some issues that nobody can see / And all of these emotions are pouring out of me / I bring ’em to the light for you / It’s only right, this is the soundtrack to my life. »

Man on the Moon est une histoire de nuits. Des nuits tristes, passées dans une chambre d’adolescent à Cleveland (Ohio) à regarder par la fenêtre en ressassant des idées sombres et rêvant d’ailleurs. Des nuits bruyantes, enjouées et folles dans les boîtes branchées de Brooklyn, à essayer de camoufler la solitude derrière les excès – de femmes, d’alcool, de drogue(s), de mots, d’attitudes. Des nuits effrayantes, des nuits planantes, des nuits étouffantes, des nuits fausses et clichées, souvent, exagérées et sur-jouées par souci de leur donner de l’importance.

Découpé en cinq actes à la manière d’une tragédie classique, le premier album de Kid CuDi est excessivement théâtral. Common, nageant dans des habits de narrateur/coryphée un peu grands pour lui, en fait trop, s’empêtre dans un lyrisme qui manque de subtilité. Les beats, malgré la diversité des producteurs, jouent souvent sur une corde cinématographique émotionnelle trop voyante, envahissante, maladroite dans sa richesse (Emile, notamment). Le personnage de Kid CuDi, lui, transpire la filiation avec son parrain Kanye West à des kilomètres, de sa verve introspective jusqu’à sa formule d’un rap électronique et aérien lorgnant franchement vers la pop (Empire of the Sun…).

Pourtant, malgré ses défauts qui semblent tout d’abord rédhibitoires, Man on the Moon possède une force d’attraction incroyable, comme ces films de science-fiction des années 80 et 90 qu’on ne peut s’empêcher d’aimer alors qu’ils sont cousus de fils blancs. Petit à petit, les premières impressions négatives se diluent, jusqu’à n’être plus qu’un vague souvenir. Emportées et recouvertes par l’ambiance onirique de l’album, les lacunes de Kid CuDi derrière un micro ne sautent plus aux oreilles. Résumé de l’existence d’un môme orphelin de père à onze ans, giflé par la vie trop tôt, ce premier album bipolaire baigne entre deux eaux, entre rêve et cauchemar, déprime et sur-excitation.

Flottant, poignant et excessif, Man on the Moon est un étrange voyage de l’autre côté de la lune en compagnie d’un ex-gosse de 25 ans, passé de sa bulle cérébrale et imaginaire au tourbillon de Brooklyn-la-hype après un déménagement qu’on imagine salutaire. Marqué par ce caractère individuel et personnel fort (‘Soundtrack 2 my life’, ‘In my dreams’, ‘My world’, ‘CuDi Zone’), « Man on the Moon » – par ses thèmes et son travail sur les atmosphères – a pourtant une portée universelle. En une quinzaine de titres, son auteur parvient à passer du statut de phénomène de mode agaçant à celui d’artiste capable de développer son propre univers tout en s’inscrivant dans les carcans et les tendances de l’époque. Plein de tics, Man on the Moon : The end of Day n’en est pas moins remarquable.

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