
Diem Delam
Ni d’ici ni d’ailleurs
Ni d’ici ni d’ailleurs est un album sorti en avril 2008 dans la plus grande confidentialité. Pour cause, Diem Delam fait partie de ces activistes discrets du Hip-Hop. Sorte de croisement entre Flynt et Dernier Pro, le rappeur du 91 a écumé les scènes et les compilations locales depuis une dizaine d’années. Se revendiquant d’entités comme les Soulquarians ou The Roots, il propose des textes dits « conscients » sur des instrumentaux fortement empreints de soul et de jazz. Son systématique recours aux musiciens lui a d’ailleurs permis de croiser la route d’Hocus Pocus dont il a déjà assuré la première partie.
Ok. En gros il s’inscrit dans le mouvement rap français jazzy qui passe la plupart de son temps à tenter de trouver la définition du vrai hip-hop et à traquer les wacks Mc’s ?
Pas exactement, non. Vrai que le fil rouge de cet album est une longue déclaration d’amour au Hip-Hop, pleine de sincérité à défaut de faire toujours preuve d’originalité. Si nostalgie il y a ( « Des « s’il vous plaît madame » aux « va te faire foutre connasse », des « pourquoi j’ai pas ça ? » aux « donne moi tout ce que t’as ! »« ), elle n’est pas uniquement utilisée pour déplorer l’état actuel du rap mais s’inscrit plutôt dans le propos du MC. La phrase « Fini de grandir, maintenant je vieillis », résume presque à elle seule le disque : entre souvenirs d’un gamin qui a découvert le rap le siècle dernier et projets d’un homme qui sort des albums en 2008, Ni d’ici ni d’ailleurs est forcément empreint d’une certaine désillusion. Sans pour autant sombrer dans l’amertume. Sûrement car durant ces 68 minutes de rap, Diem Delam n’hésite pas à se livrer à l’auditeur (« A mon contact, les boussoles perdent le nord, les étiquettes se décollent, la seule chose qui en ressort c’est que je me cherche encore ») jouant à 100 % la carte de l’authenticité sans pour autant prétendre détenir la formule magique. Et lorsqu’il se permet quelques moments d’egotrip, c’est pour mieux retrouver le commun des mortels la minute suivante (« Rien de pire que la surconfiance, genre grosse tête frère en toutes circonstances »).
Sincérité d’accord… Mais n’y aurait-il pas un peu de naïveté dans tout ça ?
Un album qui s’ouvre avec un rire de bambin suivi d’un scratch a obligatoirement quelque chose de naïf. Rocé voulait faire sortir le rap de l’adolescence, Diem Delam le ramène à son enfance.’Génération cobaye’, qui fustige les dérives de la société actuelle et le comportement irresponsable de ses concitoyens, a également un côté enfantin et moralisateur susceptible de déranger. Mais, après tout, ce qui ressemble à de bons sentiments doit-il toujours être pris comme de la naïveté ? En ces temps de Zemmourisation de la société où l’on crie à la démagogie dès qu’un type se demande comment améliorer le quotidien, un tel discours n’est pas forcément dénué de sens.
D’accord mais, finalement, rien de bien original là-dedans…
Tout de même, scratcher une phase de 50 cent pour appuyer son propos lors d’un titre qui fustige la violence de ce monde (‘Malaise dans l’air’) n’est pas commun. Ceci dit, certains thèmes sont, il est vrai, un petit peu éculés. La critique de Sarkocity par exemple qui est un dénominateur commun à 90 % des albums de rap français d’aujourd’hui. Mais aussi ‘Fat mama’, qui encourage la gente féminine à assumer ses rondeurs, rappelle forcément ‘Les hommes préfèrent les grosses’ de Dany Dan et ‘Feceps’ du Saian Supa Crew ou ‘Hip Hop’ et son clip qui fait penser au fameux morceau d’Hocus Pocus. Si la formule est connue en effet, ça ne la rend pas inefficace pour autant. Avec Whyshithy comme producteur quasi-exclusif de l’album, l’ensemble a le mérite d’être cohérent avec des beats soulful mais discrets qui offrent un boulevard aux lyrics de Diem Delam. Sur ce point, le titre phare de l’album, ‘Ni d’ici ni d’ailleurs’, et son lot de jolies phrases, est sans doute la plus belle réussite du disque :
« La France, tu l’aimes ou tu pars mais on fait quoi quand on l’aime pas et qu’on est toubab ? »
« J’ai plein d’amour dans les veines, plein d’histoires dans la tête, d’Aznavour à Matoub Lounes, de l’orchestre de Barbès jusqu’à Tribe Called quest »
« Ni d’ici ni d’ailleurs, fils de l’homme migrateur »
A la sortie de L’amour est mort, Oxmo avait eu le bon mot suivant : »J’ai mis 24 ans pour réaliser mon premier album, 3 ans pour le deuxième« . En ouvrant le disque avec un rire de bambin et en le clôturant avec le funeste ‘Je partirai’, Diem Delam donne encore davantage le sentiment d’avoir mis toute sa vie dans ce premier opus. Et s’il n’est pas parfait, disons simplement que, parfois, « la générosité masque nos imperfections ».
Pas de commentaire