Seth Gueko
Patate de forain
« 2005, t’as gravé mon street-cd
2007, tu vas renifler mon slip, pédé »
Eté 2007. Neochrome lâche un autre glaire dans les bacs rapologiques français. Les projets du label dirigé par Yonea se sont multipliés depuis la fin des années 90 . Seth Gueko, le public rap connaissait vaguement le bonhomme. « Tête de roumain, zgueg de poulain », un MC technique, brut et plutôt prometteur.
Et le street-cd est arrivé pour confirmer ce premier sentiment. Gheko était définitivement de ces rappers gonflés de testostérone qui alignent les rimes sans qu’elles forment obligatoirement un ensemble cohérent mais dans le seul but de casser la gueule de l’auditeur. Un viking du rap qui préférait définitivement le rouge au bleu. L’identité est connue de tous, l’album peut débarquer.
« J’aurais dû appeler mon album Neochrome 4 »
On ne compte plus les rappers qui, jouissant d’un buzz considérable après la sortie d’un premier street-cd réussi, se sont grillés par la suite en enchaînant les apparitions inutiles ou en cherchant vainement à surprendre l’auditeur. Si Seth Gueko a enchaîné les apparitions, il n’essaye pas de surprendre l’auditeur. Surtout pas. Son ambition n’est pas de faire de son disque un classique ou de conquérir un public plus large que le public rap traditionnel. Pas de fioritures, juste une cascade de mots. Le disque aurait dû s’appeler « Patates de forain ». Démonstration.
« Aux yeux de ma mère, je mène une vie d’ange, à tes yeux je te fais l’amour, à mes yeux je fais ma vidange »
« Intérieur cuir Emile Louis Vuitton »
» Me faire tatouer mort aux flics à l’encre de chine me hante l’esprit comme un vieux sample de film »
« Je suis rentré dans le pe-ra comme dans une chambre de fille, pour tout baiser »
» Mieux vaut un mort sur les bras qu’un travelot sous ses draps »
» Laisse pas Emile Louis sur l’île de la tentation »
» Je te mets la puce à l’oreille, la bite à la bouche »
« Je paye tout en liquides, j’ai des parts à la banque du sperme »
On pourrait continuer encore un moment comme ça. Moins brouillon qu’il n’y paraît, « Patate de forain » a une véritable ligne directrice. Beaucoup de disques, d’artistes se révèlent contradictoires, oscillent entre textes violents et hymne fédérateurs. Ici, la haine anti-flics est assumée de bout en bout au travers de bons mots tous plus violents les uns que les autres, les allusions à Guy Georges et Emile Louis jalonnent le disque et le rap américain en prend pour son grade (« Nique les states, le rap crèche à St Ouen l’Aumône »).
Il ne serait pas utile de parler longtemps des productions tant le MC semble dévorer toute la surface sonore possible. D’ailleurs, il n’y aurait pas grand chose à en dire. Hormis une prod d’Animalsons qui semble avoir été faîte il y a 6 ans et la confirmation du talent du jeune Kevin Ramos, peu de choses retiendront l’attention de l’auditeur. Ca n’est pas grave. Seth Gueko ne s’est pas fait connaître pour son goût des belles mélodies et, comme ça a été dit plus haut, il n’était pas question de surprendre.
« Patate de forain » est un énième disque « de rue », « hardcore » ou « underground ». Il n’apporte rien de neuf. Hormis un sens de la formule totalement inédit. « 1 pour la plume » comme dirait Flynt même s’il ne s’agit pas vraiment de la même. Ce qu’il y a de fascinant c’est la facilité avec laquelle Gueko semble aligner les punchlines, les assonnances et autres rimes multi-syllabiques sans jamais perdre de vue son objectif : déverser sa haine, peu importe qui elle vise. 18 titres et aucun déchet. 18 titres et aucun sommet non plus. Si les morceaux ne suivent pas obligatoirement de thème, l’ensemble est parfaitement cohérent. Qu’il rappe en manouche (‘Hein mon Zincou’), avec l’énervé Escobar Macson ou qu’il reprenne un classique de Rohff (‘Chiale pas’), Gueko mène le tout de main de maître non sans un certain charisme.
Adressé à un public averti, on aura toutefois du mal à écouter le disque d’une traite. Suivre le rappeur dans ses péripéties peut s’avérer éprouvant. Seth Gueko frappe sans répit, peu importe que l’adversaire soit déjà à terre. Pas de pause ou d’interlude. Ca rappe à 200 à l’heure et tant pis pour ceux qui ont lâché prise en cours de route.
Depuis 2007, il s’en est passé des choses pour Seth Gueko. Entre temps, le rappeur a eu le temps d’asseoir son style et de bâtir son propre univers. Du statut de MC prometteur, « Al Poolvordino » est passé à celui de valeur sûre du rap hexagonal, de ceux dont chaque apparition est guettée et mille fois commentée. Nouveau statut qui ne semble pas affecter le moins du monde le principal protagoniste dont le prochain projet devrait, enfin, être son premier album. Le buzz n’a jamais été aussi important.
« Je suis sorti d’une chatte, je peux bien rentrer dans le top album »
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