Chronique

WC
Guilty by Affiliation

Lench Mob Records - 2007

WC (prononcez Dub-C pour ne pas paraître ridicule) a traversé un bon nombre de courants, de styles et de modes en tous genres. En vingt années de carrière au sein de formations diverses, il a couvert une grande partie de la musique rap de la côte ouest des Etats Unis, une véritable légende pas toujours reconnue en tant que telle. Ses premiers faits d’armes sont à noter aux côtés d’un des parrains du DJing moderne, le talentueux DJ Aladdin. Nous sommes en 1987. Le Hip-Hop est alors sous le joug des Run DMC, Boogie Down Posse et autres Public Enemy. Les Niggaz with Attitude sont en route pour la guerre. Dub-C est de cette génération de pionniers à ranger aux côtés des King Tee, Too $hort ou Ice Cube, des précurseurs. Proches de Ice T, WC & Dj Aladdin sortent tous deux sous le nom de Low Profile un très bon album, « We’re in this together », chez Priority en 1989. Les cuts d’Aladdin sont révolutionnaires et WC attaque le mic avec une aisance et une technique impressionantes. Mais Low Profile est un ‘one hit’ groupe qui se sépare après le succès d’estime de ce premier album. Aladdin rejoint le Rhyme Syndicate de Ice-T et WC monte son propre groupe, WC & Da Maad Circle, avec son hypeman Coolio (oui oui le même), Dj Crazy Toones, son frère et Big Gee. « Ain’t a damn thang changed » sort en 1991 avec un discours social plus dur, au même moment que « Death Certificate » de Ice Cube, à l’aube des émeutes « Rodney King ». La violence des gangs est alors à son paroxysme, les rues de LA sont impitoyables. Et WC continue sa route. En 1995, Coolio est parti vers ses horizons pop avec Michel Pfeiffer, le Hip Hop se démocratise, son discours est moins virulent et côte ouest rime avec énormes fêtes, liquides fermentés, tabac arômatisé et femmes de peu de moralité. « Curb Servin » est plus enjoué, plus festif sur un son très G-Funk qui assure plusieurs singles à succès dont un qui présage une suite logique : ‘West Up !’ avec Ice Cube et Mack 10. Da Maad Circle est mort, vive la Westside Connection.

« Westside, the city where we ride
The city where that niggy put that green up in the sky
Off that Al Green, sippin’ a O.E.
Who that G from the L to the E to the N-C-H, M-O to the B? »

En 1996, Ice Cube, Mack 10 et WC montent Westside Connection, le groupe le plus influent du gangsta rap de l’Ouest depuis N.W.A. Avec ‘Bow Down’, ils remettent la West Coast au centre du débat alors que le Hip Hop était largement dominé par le Wu-Tang Clan et les autres têtes d’affiches de l’Est. Les beefs se multiplient avec Cypress Hill, Common, Kam, Q-Tip entre les meurtres de 2Pac et Biggie dans l’ère funeste de cette guerre fraticide entre les deux côtes. Ce passage marque réellement le lien entre Cube et Dub-C, amis depuis de longues années. Les deux vétérans se considèrent maintenant comme membres de la même famille. WC sort son premier album solo en 1998, fort du succès de « Bow Down », disque de platine. « The Shadiest One » est plutot réussi, s’ouvrant vers un public plus large. Ensuite vient, dans cette dynamique et avec l’appui de Cube, la signature chez Def Jam. Mais malgré un casting impressionnant, « Ghetto Heisman » ne remplit pas les espoirs escomptés. L’histoire s’achève ici. Dub-C a traversé toutes ces époques, tous ces courants, ces tensions et il est toujours là, solide. 2007 sonne le retour à l’indépendance avec la nouvelle mouture du label d’Ice Cube, Lench Mob Records, fort de son premier succès « Laugh Now Cry Later » qui a dépassé le disque d’or. Inspiré par cette réussite, Cube produit le nouvel album de WC « Guilty by Affiliation » avec l’envie de faire fonctionner la même recette.

« I’m lookin’ at my TV
The commercials keep tellin’ me, nigga ‘Be All You Can Be’
But if ain’t BET or in the backseat of the LAPD I’d barely see me »

WC a beau courir à travers le temps, on ne lui rend pas justice. Ses biographies dépassent rarement la dizaine de lignes, son implication est souvent résumée à ‘membre de la Westside Connection’, ses albums sont peu connus ou reconnus. De retour dans l’indépendance la plus sauvage, Dub-C peut se permettre de faire exactement ce qui pourrait renverser la balance. Un album pur et dur, juste de bons beats, de bonnes rimes et une bonne direction. Pas de concepts compliqués ou de concessions pour vendre des singles. Juste ce qu’il sait faire de mieux, du bon Gangsta Rap. Et on peut dire que sur « Guilty by Affiliation », on est bien servi. La liste des invités est réduite au strict essentiel. The Game, Snoop Dogg et Butch Cassidy. Les meilleurs pour Dub-C. Mais la marque la plus présente est bien celle de Ice Cube qui apparait tout au long de l’album, jusque sur la pochette. Il réalise plusieurs refrains, appuie Dub-C sur ses couplets et assure une prestation exemplaire sur le déjà classique ’80’s Babies’. Ce track représente d’ailleurs assez bien l’ambiance de l’album. Une production allant droit au but avec une caisse claire perforante, un discours de vétéran assumé avec des métaphores osées et pertinentes à l’intention de leurs jeunes concurrents manquant de respect. Les deux anciens prouvent qu’ils ont encore beaucoup de choses à dire et d’énergie à revendre.

« If you was born in the ’80s then I’m probably your papa
Cause 9 times out of 10 I fucked your mama
9 times out of 10 she gave me drama
But, fuck that shit, I’m all about the dollar »

Car s’il y a bien une chose à retenir de ce « Guilty by Affiliation », c’est la qualité de l’ensemble. Tous les beats ont été choisis avec soin, l’équipe Teak The Beatsmith & Dee Underdue réalisant la plus grosse partie entre un ‘West Coast Voodoo’ hypnotisant et un ‘Guilty by Affiliation’ entraînant. Les autres beatmakers choisis apportent les productions adéquates, Jerry Roll ouvrant la marque pour un ‘This is Los Angeles’ criant de vérité. On s’y croirait. Nottz, Mr Porter et Emile sortent eux aussi des hits en puissance entre influences Dre post-2001 et coups d’éclats. On passe d’un track à l’autre avec plaisir, hochant de la tête comme un petit chien en plastique sur une plage arrière de R5. Et la voix puissante de WC fait le reste, nous embarquant dans des schémas compliqués ou limpides avec comme meilleur exemple ‘Jack & the Bean Stalk’ sur un grosse production de Nottz. Comme Cube ou The Game, WC adopte un style hybride, n’appartenant à aucune case, une énergie dévastatrice avec une technique imparable.

« You know it’s hard out here on a G
All these gang injuctions and the penitentiary
Gotta watch these snitches and witnesses
cause Arnold Swastika, I mean Schwarzenegger
got us facin’ life sentences »

La toile de fond est centrée sur Los Angeles : South Central, les tensions, le communautarisme, les gangs-les Crips, pour être plus précis, sur lesquels s’attarde WC dans le track ‘Gang  injunctions’, narrant son respect pour le chef Tookie Williams, executé en décembre 2005. L’univers entier du Gangsta Rap californien est contenu dans cet album et Dub-C, qui a popularisé le C-Walk et toute l’imagerie des Crips, en développe ici son côté le plus rugueux. Mais une fois dépassée cette facette, quelques morceaux plus légers gâchent un peu la deuxième partie de l’album. Le trop vide ‘If You See a Bad Bitch’ ou le dispensable ‘Side Dick’ n’apportent pas grand chose et alourdissent plutôt l’ensemble. On passe. Et on se réconcilie avec le laid back ‘Dodgeball’ qui rappelle tout ce qu’il y a de plus réussi dans le rap de la côte ouest. Snoop est très bon comme de coutume mais ne fait pas d’ombre à WC, laissant place à une combinaison vraiment intéressante, avec un refrain Nate Doggien de Butch Cassidy. En ajoutant à ça un énième tube de Rick Rock et un clin d’oeil old school avec ‘Crazy Toones for president’ (qui peut se permettre une interlude DJ en 2007?), on a avec « Guilty for Affiliation » le meilleur exemple d’un album de vétéran réussi. Loin d’être dépassé, avec un discours clair et assumé, aucunement passéiste ni putassier, accompagné de beats violents sans fioriture, WC devrait marquer les esprits et assurer un avenir intéressant au label de Ice Cube avec la sortie annoncée d’un nouvel album de Westside Connection.

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