Chronique

Octobre Rouge
Votez pour nous

Colekt’Or - 2007

Octobre Rouge plante son drapeau un peu plus loin. Avec ce troisième album, le quatuor parisien fraye de nouvelles voies, tout en faisant preuve de ses qualités habituelles.

Le pari était d’élargir sans altérer, de s’ouvrir sans se trahir. Il est tenu, avec de l’originalité, de la diversité et de la technique. La construction suit un fil rouge paradoxal : la discontinuité. Chaque morceau marque un contraste, plus ou moins net, avec son prédécesseur. La cohabitation de plusieurs producteurs y contribue, sans être la seule explication. Les sons concoctés par Voodoo déploient en effet une grande variété, dévoilant au fur et à mesure des subtilités cachées. La variation est particulièrement flagrante dans le succession finale entre le mélancolique ‘Une vie 2 rêve’, construit autour d’un sample de Beethoven, et la lenteur grinçante (et un peu difficile d’accès) de ‘Que tout ça change !!!’. Deux morceaux qui eux-mêmes ont peu à voir avec les relents blaxploitation des samples de ‘Sale karma’ ou avec ‘Hydro’, qui annonçait le retour du groupe.La largeur de l’éventail est accentuée par plusieurs collaborations extérieures, dans un style sonore plus synthétique. Mentions spéciales à ‘75000’ et ‘Colekt’Or’ qui font tous deux mouche dans un registre tendu, très bien exploité par L.o.g.a.n et Grain De Caf.

Sur une carte des Etats-Unis, O.R. pose donc des pions à l’est comme à l’ouest ou au sud, s’essayant à différents exercices de style. Plusieurs refrains d’abord un peu envahissants se moulent ensuite bien dans l’oreille. Quelques scratchs bien placés, parfois trop discrets (comme sur le morceau-titre, qui s’achève trop vite) viennent parfaire le tout.La diversité se retrouve dans les thèmes traités et la façon, souvent décalée, de les aborder. Tout sauf monolithique, Votez pour nous alterne le léger et le grave, le rentre-dedans et la prise de recul, la parole individualiste et le discours collectif, la satisfaction de voir tomber la thune et la dénonciation des inégalités. Les thèmes de prédilection du groupe sont bien présents : le business en boutures, Paname, les rapports avec la police et la justice… S’y s’ajoutent la fibre politique du groupe (développée dans ‘Uniformatage’ et ‘Diagnostic’ sur l’album précédent, Là où ça fait mal) et des thèmes traditionnels (l’authenticité sur ‘V.R.A.I.S.’). Et puis aussi des sujets plus nouveaux : la sape sur un ‘Accordés’ promis à la célébrité, qui détourne au passage un scratch emprunté à Gangstarr, ou une ode à la Rolls pompidolienne avec ‘DS’, dont les suspensions mettent les flows à l’épreuve. Car si l’hétérogénéité pouvait fragiliser sa cohérence et rendre l’album inégal, l’aisance technique des rappeurs cimente l’ensemble.

On préfèrera sans doute spontanément tel ou tel style. Mais Votez pour nous est bien rappé de bout en bout, que le beat exige de la vélocité (‘Fréquence interdite’, parfaite entrée en matière) ou de l’agilité tranquille. Aux côtés d’un Grain de Caf toujours raccord aux beats qui l’entourent, en dépit d’un morceau solo anecdotique, L.o.g.a.n. se révèle inspiré tout au long de l’album, plaçant notamment quelques excellentes accélérations. La voix grave de Voodoo, présent au micro sur deux tiers des morceaux, apporte un bon contrepoint au binôme. Au final, comme les albums précédents, Votez pour nous se bonifie au fil des écoutes. Octobre Rouge, groupe complet.

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