C.L. Smooth
American Me
Difficile d’évoquer C.L. Smooth sans penser immédiatement à son compère Pete Rock. Le duo à l’origine d’une batterie de classiques avec notamment les deux albums Mecca and the Soul Brother et The Main Ingredient a indéniablement marqué de son empreinte les années 1990. Le Soul Brother Number One et le Mecca Don se sont progressivement imposés comme les symboles d’une époque en s’affirmant comme les dépositaires d’une certaine couleur musicale mêlant harmonieusement soul et jazz.
Partenaires en affaires avant de partager de vraies affinités, nos deux compères enchaînent les brouilles avant de se séparer officiellement en 1995. Pete Rock continue dès lors sa route seul pour s’imposer comme un producteur de référence ; le tout en multipliant les succès bien ficelés. Inutile de les énumérer, la liste est au moins aussi longue que celle des effets d’annonce en période électorale. De son coté, C.L. se noie dans… l’anonymat lâchant péniblement moins d’une dizaine de morceaux en dix ans. Difficile de se montrer plus discret.
Septembre 2006. Plus de dix années se sont écoulées depuis cette séparation tonitruante. Forcément, avec une carrière restée si longtemps en suspens, la sortie du premier album solo de Corey Penn laissait craindre une gueule de bois des plus sévères. Alors retour en grâce d’un ancien combattant ou simple cérémonie mortuaire de fin de carrière ?
C’est avec toutes ces précautions gravées dans le crâne, le regard obnubilé par cette pochette caricaturant à la fois le rêve américain et le mauvais goût, qu’on écoute American me. Un sacré projet casse gueule, avouons-le.
Entouré par un pool de producteurs composé de seconds couteaux pas franchement tranchants, C.L. se montre d’entrée pourtant très offensif. Prêt à déglinguer chacun des maillons de la chaine du marché musical. Mais en ressortant les grosses ficelles et des thèmes d’un effroyable classicisme, il a plutôt tendance à s’enliser. Mises au pilori des éternels wack MCs, réponses sanglantes aux pisse-froids qui avaient voulu l’enterrer précipitamment, portrait de la fracture sociale américaine et autres cultes de la première personne. Du déjà vu. En moins abouti.
Pas franchement aidé par des productions poussives, C.L. peut toujours se la raconter en sortant quelques phases bien envoyées. Une sérieuse impression de remplissage, voire d’ennui, demeure. Quelques semi-réussites (‘C.L. Smooth Unplugged’, ‘It’s a love thing’, ‘Heaven is watching you’) et une certaine nostalgie parviennent bien à éviter le naufrage complet. Difficile néanmoins de s’en contenter. Les historiens acharnés retiendront que Pete Rock aura tout de même apporté sa pierre à l’édifice en signant le meilleur morceau de cet album : ‘It’s a love thing’. Un titre qui, aussi réussi soit-il, n’est qu’une vulgaire resucée de la version déjà entendue sur Soul Survivor II.
Trop tard ? Oui, beaucoup pour trop tard pour laisser un souvenir impérissable. Loin de côtoyer les sommets, American Me ne marquera pas l’histoire. Il restera même probablement au stade de la simple anecdote. Un disque de plus condamné à un anonymat poussiéreux.
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