Salam Wreck, DJ ancienne manière
Salam Wreck ne sort pas 18 mixtapes par mois, il ne produit pas une horde de jeunes rappeurs dont il ne fera jamais rien et ce n’est pas non plus un forcené de l’autopromotion et du personal branding. En revanche, il bosse : il accompagne en tournée des artistes comme Eminem, D12 et plus récemment B-Real, le Dogg Pound et Rass Kass. Il aurait d’ailleurs du passer en France ce mois-ci avec Kurupt et Daz pour plusieurs concerts. Ça nous a donné envie d’en savoir plus sur celui qui se surnomme le « Turntable terrorist ».
Abcdr Du Son : On peut revenir sur tes débuts ?
Salam Wreck : Je viens de Detroit, Michigan. Je suis DJ, producteur et je fais de la musique depuis l’école primaire ! J’ai fait de la trompette dans des orchestres et des fanfares jusqu’au lycée. Ensuite, je me suis tourné vers l’activité de DJ.
A : Quel rôle a joué ton frère, le producteur Fredwreck, dans ton éducation musicale ?
S : Je l’ai accompagné un nombre incalculable de fois en studio avec des artistes et je l’ai vu vu faire énormément de beats [NDLR : pour Snoop Dogg, le Dogg Pound, Dr. Dre, etc.]. Je dirais qu’il m’a avant tout appris à être humble et carré dans le travail.
A : Tu as longtemps été très proche des artistes de la galaxie Shady. Comment s’est faite la connexion avec eux ?
S : J’ai commencé à travailler avec D12 sur la tournée Devil’s Night en 2001. C’était leur première vraie tournée, en dehors des concerts avec Eminem. On était potes depuis 1998. J’avais rencontré Proof et leur manager Mark Hicks. Proof avait vu que je donnais beaucoup de shows dans le Michigan, il m’a demandé de le dépanner pour quelques concerts et très vite, on a évolué tous ensemble. C’est le genre d’opportunité qui change une vie.
A : D’ailleurs, les membres de D12 apparaissaient sur tes deux disques Welcome to The Pyrex et Trouble Soon, qui se situaient entre la mixtape et la compilation en bonne et due forme. Comment définis-tu ces projets ?
S : Ce sont en gros des compilations avec une touche de DJ ! Mon but était de mettre en avant la scène de Detroit, les artistes qui n’étaient pas encore signés. Mais j’ai voulu avoir de la musique inédite avec des beats originaux, alors qu’à l’époque, ce n’était pas encore la norme. D’ailleurs, je fais aussi des sons depuis un moment. En tant que producteur, j’ai eu la chance de bosser avec des gens comme 50 cent, DMX, B-Real, Proof, le Dogg Pound et je compte continuer ! Je prépare actuellement le EP RIP (pour « Riot In Progress ») et j’ai également enregistré tout un album avec Kurupt qui s’appelle History ov Violence.
« Être sur scène avec Proof et Eminem, c’était comme être à la maison ! »
A : En 2005, tu as été DJ pour Eminem à la place d’Alchemist quand celui-ci a été victime d’un accident de la route, sur le Anger Management Tour 3. Peux-tu nous raconter comment ce remplacement s’est effectué ?
S : Je peux juste dire que c’était extraordinaire. Ces shows ont fait partie des meilleurs concerts de ma vie. J’ai appris que j’allais être le DJ d’Em au dernier moment, environ une heure avant le concert ! Quand Paul Rosenberg, Em et Proof ont décidé que je ferai l’affaire, je me suis enfermé dans ma loge et j’ai regardé une captation vidéo d’un concert. Puis je me suis lancé, sans aucune répétition et j’ai assuré tous ces shows sans jamais rater un scratch ou un enchaînement. Ça s’est passé à la perfection. Mais je me sentais en confiance. Être sur scène avec Proof et Eminem, c’était comme être à la maison !
A : D’ailleurs, tu as aussi été le Directeur Artistique de Proof sur son album solo Searching for Jerry Garcia. Que penses-tu de la manière dont on se rappelle de lui aujourd’hui ?
S : Après sa mort, ça nous a tous pris du temps pour pouvoir parler de lui. Mais c’était notre leader à tous. Aussi bien pour Eminem, D12, moi ou même d’autres artistes, nous ne serions tout simplement pas là si nous ne l’avions pas rencontré. Mais tant que Marshall, D12 ou moi continuerons à bosser, nous continuerons à maintenir vivant son souvenir.
A : Ty Farris, que nous avons interviewé, était présent sur plusieurs titres de ton projet Trouble Soon de 2006. Comment juges-tu son évolution et celle de la scène rap de Detroit au sens large ?
S : Ty a mûri. Lui et son partenaire Famous sont des songwriters talentueux et c’est toujours super agréable de bosser avec eux. D’ailleurs, toute la scène de Detroit se porte bien et de plus en plus d’artistes émergent : Mayer Hawthorne, Danny Brown, Big Sean, Black Milk, Guilty Simpson … Ces rappeurs se sont crées une identité et ont brisé les barrières locales. Ils existent au niveau national et mondial car le Monde entier aime la musique de Detroit !
A : Pourtant, en 2008, tu as cessé de bosser avec des artistes de Detroit et la bande de D12 au profit de B-Real et du Dogg Pound. Comment ce changement est-il intervenu ?
S : Et bien… après la mort de Proof, D12 n’a plus été vraiment comme avant. Je connaissais déjà B-Real puisqu’il était sur l’album de Proof, sur D12 World et sur mes compilations. Quand j’ai quitté Detroit pour L.A., B-Real m’a proposé de rejoindre son pool de producteurs « Audio Hustlaz ». J’ai participé à son solo Smoke & Mirrors mais aussi à The Harvest Compilation et B-Real TV Greatest Hits. On anime aussi un show radio sur www.breal.tv, c’est le « 420 Show », le vendredi de 16h00 à 18h00 (heure de Los Angeles).
A : Et c’est plus sympa d’accompagner le Dogg Pound plutôt que D12 ?S :
S : Non c’est deux expériences différentes, il n’y en pas une de mieux. Mais c’est une vraie chance de pouvoir accompagner en concert des groupes légendaires comme ces deux-là. D’ailleurs, je serai en Europe avec le Dogg Pound prochainement ! [NDLR : les dates françaises ont depuis été annulées] J’en profite pour placer un « Rest In Power » à Big Proof et Nate Dogg.
A : Tu bosses aussi avec Rass Kass en ce moment si j’ai suivi ?
S : Oui, on sera en Afrique du Sud à la mi-avril et on prépare un projet commun baptisé Stupid Americans sur lequel je ferai les sons.
A : Et vu tes origines palestiniennes, te sens-tu concerné par les bouleversements politiques actuels dans le monde arabe ?
S : Bien sûr, les peuples de ces pays en ont assez de leur mode de vie et veulent changer de gouvernement. J’ai de la famille là-bas et j’espère qu’ils vont continuer à être sains et saufs.
A : Et pour un DJ américain d’origine arabe qui s’autoproclame « terroriste des platines », tu n’as pas peur de te fermer des portes ?
S : Je n’ai jamais peur de la controverse ! C’est les gars de D12 qui m’ont surnommé comme ça. Eminem m’appelle tout le temps « Saddam » de toute manière. Alors comme en plus je suis Palestinien, c’est resté !
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