MAP
Debout là d’dans
« En ces temps reculés de notre civilisation en pleine pénurie de bons sons, la France se divise, la France se déchire. C’est alors qu’un jour d’hiver, une bande de tchos gars venus d’une contrée lointaine, du pays des mines de charbon et des pavés boueux, arrive avec un son mystérieux : une musique qu’ils se disent prêts à donner en public, en échange d’un bon repas chaud. Nous voilà donc autour de la table. Au milieu de la bande il y a ces deux énergumènes aux mines patibulaires qui parlent beaucoup, qui parlent trop. Ils parlent de musique populaire et de France profonde alors qu’entre nous, m’ont pas l’air très français ces deux-là. (…) Après un rot gargantuesque, un des voyageurs prononce une incantation barbare : « Hamdoullilah ! ». Que cela pouvait-il bien signifier ? Toujours est-il que suite à cela ils se mirent à jouer. » (‘Il était une fois’)
Formation atypique de la région lilloise, le groupe MAP, pour « Ministère des Affaires Populaires« , comporte cinq membres : HK et Dias (MC’s), Jeoffrey (accordéoniste), Hacène (violoniste) et enfin Axiom au sampler. Debout là d’dans est leur premier album.
« Violon, accordéon, grosse caisse, charley, caisse claire, c’est clair frère, ça va jaser dans les HLM et les chaumières. » (‘Balle Populaire’)
Situé quelque part entre Java et Zebda, le MAP réussit le pari risqué de mêler instruments traditionnels, dont l’accordéon, forcément connoté bal musette pour l’auditeur de rap lambda, et hip-hop. L’efficacité du binôme violon/accordéon est évidente dès la première écoute, bien que l’ensemble puisse tout d’abord surprendre. Mais associés aux rythmiques composées par Axiom, ces deux instruments forment un couple convaincant, s’enchevêtrant avec bonheur au-dessus du quatuor basique basse/caisse claire/grosse caisse/charley.
La répétition de ce schéma était périlleuse. Au contraire, loin de lasser, les variations apportées par les musiciens suffisent à rendre chaque titre attrayant, du registre martial de ‘Debout là d’dans’ à la mélancolie arabisante de ‘Manich Mena’, ‘Bagdad by night’ et ‘Sherazade’ en passant par l’ambiance festive « franco-française » de ‘Lillo’ ou ‘Balle Populaire’.
Mêlant cultures nordiste et maghrébine, les textes distinguent là encore le groupe de la plupart des sorties rap français. Utilisation d’un patois qui fera sourire les habitants du Nord comme les auditeurs du reste de la France (mais ce sourire aura-t-il les mêmes causes ?), et expressions arabes sont de mises, pour un résultat plaisant et détonnant. Interrogeant la notion de racines (‘Balle Populaire’, ‘Manich Mena’, ‘Lillo’), parlant musique (‘En haut de l’affiche’, ‘Donnez-nous’) ou de leurs motivations (‘Nos Affaires’), le tout enrobé d’un discours conscient et contestataire marqué par la vie de quartier (‘Avancer’, ‘Je ne suis pas un numéro’, ‘Elle est belle la France’…), les deux emcees développent des thématiques qui peuvent sembler classiques. Mais ils le font avec un talent d’écriture certain, un grand sens de l’humour et une bonne humeur communicative qui permet de prédire une longue vie scénique à cet album.
Debout là d’dans s’avère être un disque frais, surprenant et remarqué, si l’on en croit les prestations du groupe au Printemps de Bourges et dans diverses émissions de radio (Le Fou du Roi sur France Inter) et de télévision (CD’aujourd’hui sur France 2). Si l’aspect drôle et festif frappe à la première écoute, les suivantes permettent de découvrir la richesse textuelle de cet album sympathique et au final beaucoup plus dense qu’il n’y paraît. Dans la veine de la chanson populaire et engagée à la fois, le groupe réussit à créer une ambiance unique et à se forger une identité forte.
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