Casey
Ennemi de l’ordre
Faisons comme le disque : allons à l’essentiel. Les présentations sont déjà faites, l’attente déjà déplorée. En patientant, outre des couplets d’une qualité toujours égale posés ici et là, qui a vu Casey sur scène sait aussi qu’elle n’usurpe pas l’étiquette quand il est question de maîtrise et de cérémonie.
Ennemi de l’ordre est composé de six titres : de quoi remplir un barillet, de quoi satisfaire les espérances. L’ensemble est plus que convaincant. La diction claire et abrasive de Casey fait des ravages et des merveilles. La carte de l’allitération et de l’assonance est jouée à fond, sans que le résultat apparaisse forcé. Aucune contradiction ici entre la brutalité et la fluidité, des textes à la fois spontanés et très travaillés, le récit à la première personne et le discours collectif. Six morceaux et autant de variations sur les mêmes thèmes : domination, exploitation, exclusion. « C’est sans recours, ni issue de secours, sans regard de compassion pour nos parcours. »
Le sommet est au début. Pendant une fraction de seconde, les quelques notes de synthé désincarné suscitent la crainte — et puis ‘L’exclu’ éclate. Le beat de DJ Laloo, lacéré d’un riff de guitare, fait un parfait support. L’introduction et la conclusion scratchées font beaucoup, et on regrette que les platines disparaissent ensuite. Un seul couplet, où la rappeuse excelle : un texte nettement au-dessus de la mêlée, une interprétation tout en colère contenue. Une montée en puissance sans explosion finale : il faut avoir entendu Casey répéter « alors je cogne et on me cogne, je cogne et on me cogne… ».
Les morceaux suivants déploient la même noirceur. La texture sonore est lugubre et synthétique, parfois un peu trop si on veut pinailler (le refrain strident de ‘Dans nos histoires’), les relents plus soul étant mis en retrait (‘Comme un couteau dans la plaie’, sur lequel on imaginerait bien Ghostface rapper). Si à la première écoute, on regrette un manque d’imagination global des instrumentaux (même si l’on compare avec l’austérité de Regain de tension), l’impression se dissipe ensuite. Quelques variations apparaissent (le petit sample aigu en panoramique pour le couplet de Prodige sur ‘Travail de nègre’), et surtout l’attention se focalise sur Casey.
L’album Tragédie d’une trajectoire est annoncé pour fin septembre. On peut l’attendre, cette fois, avec assurance et sans impatience : il sera bon, forcément bon.
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