Braille
Shades Of Grey
Membre avec Ohmega Watts et Othello du groupe Lightheaded auteur de l’excellent Pure Thoughts en 2002, Braille est un jeune rappeur originaire de Portland (Oregon). En 1999, alors qu’il était seulement âgé de dix-sept ans, sortit son premier album solo, Lifefirst: half the battle. Cinq ans, quelques featurings et plusieurs maxis plus tard, il passe la barre du deuxième LP solo avec Shades Of Grey.
La première écoute est une claque. Tout commence par un sample d’opéra. Puis arrive le emcee, qui se contente pour l’instant de parler (« Right this moment, it’s all about right now (…). You are listening to Braille. It’s been a long time coming. No doubt… »). Rien de bien extraordinaire jusque là. C’est son entrée sur le beat qui déclenche le premier sourire satisfait, qui sera suivi de bien d’autres au fil des morceaux. Le flow est vif, sec et nerveux ; la voix légèrement nasillarde ; l’adéquation entre les deux parfaite. L’ensemble s’avère immédiatement efficace.
Chaque titre de ce disque, à sa manière, fait mouche. Rien de révolutionnaire certes, mais on retrouve tout au long de cet album une constance qui fait réellement plaisir. Aucun point faible, aucun temps mort.
Les instrus brillent par leur diversité. En dehors des rythmiques sèches, il est difficile de définir la couleur musicale de Shades Of Grey. La qualité est le seul point commun. Braille sait choisir les sons qui lui permettront de s’illustrer : la guitare sèche de ‘It won’t last’, les riffs violents de ‘Microphone Rush’ et ‘Goliath’, les cuivres sur le refrain de ‘The Find’, la voix pitchée, les cordes et les quelques notes de guitare électrique sur ‘Keep On’, le piano de ‘Let Go’ et ‘Nobody’ ou encore l’orgue et le piano de ‘Soul Rock’ le démontrent et forment la base impeccable pour le rap dynamique du jeune MC.
Trois titres sortent du lot. Il s’agit tout d’abord de ‘Hiphop Music’, ode au rap appuyée par les scratches de Rob Swift sur des samples conquérants de violons et de cuivres. Braille y développe sa vision du rap, partagée entre amour et rejet (« I got a love/hate relationship with hiphop, it frustrates me. It can break these rusty chains or drive me crazy. (…) The truth is, hiphop is diverse as earth is. What a man speaks reflects the world he’s immersed in and the condition of his heart, it’s hard to judge it »). ‘Poetry in motion part 2’ est sans aucun doute le meilleur morceau du disque. Le flow nerveux, la voix, l’instru (beat sec, sample vocal, orgue, métallophone, guitare), les scratches sur le refrain et un texte de qualité parsemé de références aux « grands » du hiphop (« I’m a Microphone Fiend, grip it tight till my palms hurt and Move the Crowd like I relocated my concert. Calm your nerves (catch your breath) Relax with Pep. I flow six days a week, on the seventh I rest. (…) I’m down for the cause, keep it moving like a nomad, never leave home with out the pen and the pad. Poetry in motion like graffiti on trains, I tag my name on your heart and things will never be the same after this ») : tout y est. Enfin, ‘Shades Of Grey’ s’impose en toute fin de disque dans un style magistral et cinématographique. Les instrus de ces trois morceaux sont l’œuvre de Tony Stone, la grosse découverte de ce disque en termes de production.
Braille est le plus souvent catalogué comme « rappeur chrétien ». S’il semble en effet imprégné de religiosité, cela ne vient que très rarement alourdir ses textes. Il reste toujours une sorte de morale chrétienne en toile de fond mais Braille évite d’asséner des leçons à grands coups de Bible. Il s’affirme seulement comme jeune homme croyant en Dieu, marqué par la foi mais de façon bien moins lourde que LMNO par exemple, même s’il dit avoir choisi le pseudonyme de Braille parce qu’il « fait découvrir aux gens ce qu’ils ne peuvent voir par eux-mêmes ». Ce qui ressort le plus des textes de Bryan Winchester, c’est une humilité et une remise en question permanentes.
Au final, vous l’aurez compris, cet album est excellent. Des choix d’instrumentaux irréprochables, un flow nerveux, des qualités lyricales et un garçon humble, sympathique et attachant : voilà à quoi s’attendre avec ce Shades Of Grey. Du rap conscient mais pas chiant. La qualité de l’album d’Ohmega Watts The Find, sorti en 2005, associée à celle de cet album de Braille laisse donc présager du meilleur quant à l’album de Lightheaded sorti en janvier. « Need I say more? I let the music speak… »
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