
L’aventure de Mairo
Mairo vient de frapper un grand coup avec LA FIEV, un premier album en passe de faire l’unanimité et de lui donner un nouveau statut. Ce disque est aussi l’occasion pour lui de s’exprimer davantage sur sa musique, comme il le fait ici en détail.
Le 18 mars 2020, cela fait deux jours que la Suisse a vu fermer tous ses commerces dit non-essentiels et ses restaurants, mais elle n’a pas encore interdit de bicrave des rimes et graille des prods. De l’autre côté de la frontière, à l’ouest, on entre aussi dans la période trouble des restrictions sanitaires liée à la pandémie de covid-19, synonyme de confinement à domicile pour beaucoup. Ce 18 mars donc, RTS Couleur 3, chaîne publique romande, poste sur YouTube une vidéo intitulée « MAIRO – 95 ml Freestyle – NAYUNO SESSIONS – Prods : Hopital ». La guest star du jour n’est pas à proprement parler un débutant. En provenance de Genève, il est affilié à la SuperWak Clique, plutôt fameuse. Cependant, Mairo n’est pas encore identifié personnellement, du moins pas en France, et son premier disque est sorti discrètement en janvier de cette même année 2020. Cette session freestyle s’inscrit au début de ce que l’industrie musicale appelle le développement d’un artiste : un travail de fond pour se présenter au public, se faire identifier par la critique, améliorer sa musique, se tromper et apprendre. Le contexte d’une planète privée de sortie est alors idéal pour que Mairo et son beatmaker Hopital ébruite leur Monde Libre.
C’était il y a déjà cinq ans, et depuis les deux frères ont bien avancé. Mairo est désormais un personnage connu de la scène rap francophone. Il a croisé le fer et craché le feu avec les meilleurs du genre, a sorti une série d’EPs de qualité et n’a eu de cesse de parfaire sa musique, en s’octroyant notamment les services d’autres producteurs. LA FIEV, son premier album – entièrement composé par Hopital, de nouveau – est le fruit de ses quêtes et expérimentations des dernières années, qui elles-mêmes faisaient suite à un parcours antérieur brièvement évoqué dans cet entretien. Surtout, LA FIEV, si elle se propage comme l’espère son auteur, marquera le début d’un nouveau cycle, toujours empreint de la liberté et de la créativité de Mairo. Retour avec lui sur l’aventure menant au si sacré premier album.
Abcdrduson : Tu présentes LA FIEV comme un album, or ce n’était pas le cas de tes précédentes sorties. À quel moment a-t-il été clair dans ton esprit que ce disque était différent des autres ?
Mairo : C’était clair avant de commencer à travailler dessus. J’étais en mode : « Ok, j’ai fait assez d’EPs, je suis prêt à faire mon album. » Les étoiles s’alignaient pour cela. Il y aurait eu moyen que mon premier album soit fait un peu plus tôt – et d’ailleurs le plan initial était de faire 95 monde libre, Rougemort puis l’album – sauf qu’après Rougemort, quelque chose me faisait dire que je devais continuer à sortir des EPs. Ce n’était pas encore le bon moment pour l’album et il a fallu réaliser tous les projets intermédiaires avant que je me sente prêt.
A : Qu’est-ce qui fait que tu ne te sentais pas prêt avant ?
M : Quand on a encore à cœur le format de l’album, quand on le voit comme quelque chose d’important et d’intéressant, on l’idéalise beaucoup. C’est mon cas mais paradoxalement, je me disais que l’on pourrait considérer certains de mes EPs comme des albums sans que cela ne me dérange. D’ailleurs, quand 95 monde libre a été posté sur les plateformes de streaming, il était classé comme album pour un souci de nomenclature, donc certains ont pu se dire que c’était mon premier album. On met des termes pour mettre des termes alors que parfois, la démarche derrière la réalisation du projet est assez similaire. J’ai toujours travaillé ma musique de la manière la plus approfondie possible donc pour moi, la différence entre un album et un EP n’est pas énorme, elle tient peut-être dans le nombre de morceaux. Huit titres, comme il y avait sur Rougemort, c’est trop peu pour un album à mon sens. Il en faut au moins dix je pense, comme sur Illmatic. Au début, j’imaginais d’ailleurs mon premier album comme un disque contenant dix pistes, car l’existence d’Illmatic rendait cela légitime.
A : C’est donc la seule différence entre un EP et un album : le nombre de titres ?
M : En dehors de la quantité de morceaux, il y a pour ma part un investissement plus approfondi, en temps comme en argent. J’ai mis une grosse année pour faire LA FIEV, il fallait écrémer autant que nécessaire pour être vraiment content de chaque titre. Je suis allé chercher des gens plus forts pour le mix, des gens plus forts pour le mastering. En termes d’argent, l’investissement est également important. C’est-à-dire que le premier album, selon moi, c’est le moment où jamais pour faire un gros clip, une grosse cover ou un gros teaser. Enfin, un titre n’est dessus qu’à condition que j’en sois sûr à 100%, il n’y aucune marge d’incertitude. Sur les EPs, je teste davantage, je m’accorde plus de libertés. Dans le cadre d’un EP, je peux ne pas être totalement sûr d’un truc mais avoir envie de l’expérimenter, alors je le fais.
A : Le titre de l’album, LA FIEV, est inspiré du film Fièvre à Columbus University, c’est ça ?
M : Hopital et moi avons le titre en tête depuis 2019, et il n’a jamais quitté nos esprits. C’est trop bien car c’est une référence commune et parce qu’avec une lecture premier degré, ça donne l’idée d’un premier album qui se propage comme une maladie. Le mot en lui-même est inspiré de ce film, mais avec Hopital, nous sommes dans un truc où « la fiev », c’est un peu comme la conscience : si tu as la fiev, tu as la conscience. Dans le film, il y a ce fameux comédien Laurence Fishburne qui joue souvent le rôle de l’aîné des protagonistes et qui leur fait un peu la morale, tout en évoluant dans le même contexte qu’eux. Il est plus vieux qu’eux de dix ou quinze ans et il est aussi plus éveillé qu’eux. Dans Boyz N The Hood, c’est un daron du quartier, et dans Fièvre à Columbus University, c’est un professeur tandis que Ice Cube joue le jeune un peu désorienté et nous nous retrouvions là-dedans parce que nous même avons traîné et esquivé l’école. Comme Menace II Society, ce sont des films avec lesquels nous avons grandi et nous sommes forgés, ce sont nos références. Nous pouvions nous identifier aux personnages, même si forcément nous ne vivions pas la même réalité, mais dans ce genre de films quand un gars comme Laurence Fishburne arrive avec sa sagesse, sa morale ça nous parle tout comme ça parle au personnage de Ice Cube. Il l’écoute et n’est pas en mode : « arrête de nous casser les couilles l’ancien ! »
A : Tu t’identifies donc à la fois au jeune et au prof ?
M : Exactement, car j’ai aussi envie de tendre vers le côté du prof. Il y a une certaine dualité, comme si Ice Cube et Laurence Fishburne étaient le même personnage dans ma tête, ce qu’ils ne sont pas dans le film. Je suis autant l’un que l’autre, si on veut bien. C’est ma façon de poser cette philosophie de LA FIEV.
A : Le film évoque le racisme, une thématique qui occupe une place importante dans ta musique et dans ton album. Tu y parles notamment de la colonisation et de géopolitique. Pourquoi est-ce une dimension importante pour toi ?
M : Parce que cela fait partie de qui je suis, de ce que j’ai vécu et de ce dans quoi j’ai grandi. C’est un sujet important de mon rap, sans l’être plus que d’autres : la famille ou moi-même par exemple. Je parle tout aussi volontiers d’une connerie qui m’est arrivée dans la journée ou de l’heure à laquelle je me réveille que d’un fait de vie réel à propos d’inégalités liées au racisme, à la classe sociale ou à l’âge. Je ne pense pas que le racisme soit mon fer de lance et d’ailleurs, je ne hiérarchise pas mes thèmes. H Jeune Crack m’a fait un commentaire un jour : pour décrire mon rap il a dit que c’était « absurde » et sur le coup je n’ai pas capté du tout, mais en y repensant je crois que j’ai compris. Il disait cela parce que justement, je peux passer d’une phase où je parle de problèmes raciaux à une autre à propos de totalement autre chose. C’est comme ça que je construis mon truc et franchement, je me trouve cohérent. J’ai l’impression que je dose parfaitement ce que j’ai envie de dire où j’ai envie de le dire, et si ça paraît absurde ou décousu, chacun prend ce qu’il doit prendre. Je ne privilégie pas une thématique mais il est très logique que des choses ressortent plus que d’autres, car ce sont les sujets les plus présents dans ma tête. Alors, pourquoi les questions raciales sont plus présentes que d’autres ? Je ne sais pas.
A : Quand H Jeune Crack parlait d’absurde, c’était juste à propos de l’enchaînement des phases ou c’était dans leur nature même ?
M : Je crois qu’il le disait plus pour l’enchaînement des phases, comme si je passais d’un truc à un autre sans que l’on suive toujours. Pourtant, on suit ce que je dis, non ? Je passe de gauche à droite sans cesse ?
A : C’est ta nature d’écriture, oui. En écoutant un morceau qui semble plus thématique, comme « eritriste » on peut percevoir que tu vas contre elle.
M : Au départ, le texte qui a donné « eritriste » n’était pas censé être celui d’un morceau triste. C’est la prod qui l’a rendu triste. J’ai adapté la fin de mon couplet mais je crois que tout le début, je l’avais écrit sur la prod de « attentat uzi », un truc plus boom-bap, enervé. « Depuis que ma mère m’a allaité… » etc., je l’avais écrit pour le rapper normalement et je pense que c’est aussi ma force : sur un son kické, ténébreux ou autre, je peux arriver conscient, deep à propos de la daronne ou de mon entourage. Et je peux faire l’inverse aussi, comme sur le morceau avec Implaccable, ce n’est pas parce que je pose sur de la jersey drill que je dois dire que de la D. Je le vois comme ça.
A : Tu ne te questionnes jamais sur la réception du public et sur la capacité de celui-ci à comprendre ton propos si tu mélanges les genres et les tons entre eux ?
M : Je me pose la question de la réception à plusieurs niveaux mais pas quant à la compréhension de ce que je dis. « Est-ce que je dis trop d’infos ? Est-ce que je dis des trucs trop scred que les gens ne vont pas comprendre ? » Je ne me le demande pas, et j’essaie de ne pas me retenir. Je sais que ça peut être une force en réalité, de référencer des trucs qui me tiennent à cœur mais que tout le monde ne comprend pas. Les gens s’interrogent sur ce qui leur semble codé. Quelqu’un comme Freeze Corleone, si tant de monde l’aime, je pense que c’est entre autres choses parce qu’il arrive avec un truc qui parait crypté. Il y a des gens qui arrivent à très bien faire passer leurs idées en parlant de choses que tout le monde connaît ; il y a des gens qui ne disent que des trucs cryptés et codés, et les deux peuvent fonctionner. C’est ainsi que je perçois les choses, donc après j’essaie juste d’être un gars clair et d’articuler correctement. On me fait souvent la réflexion : « Tu articules bien. » Je le fais naturellement car quand je dis quelque chose, j’aime qu’on le comprenne. Autant je peux mettre plein de mots et plein de sons, autant j’aime que l’on saisisse clairement ce que je dis. C’est un exercice ! Quand j’écoutais « Quelques gouttes suffisent », je me prenais la tête pour bien capter ce que pouvait dire Lino dans des passages comme « L.I.N.O, Cal B.O local fléau, focalise l’attention sur le poison dans l’bocal » et j’étais content de le faire. C’était un niveau de technique abusé mais j’aimais bien me prendre la tête pour comprendre parce qu’à la fin, le gars avait fini par dire quelque chose. Dans l’oreille, c’est cool, mais il ne faut pas oublier qu’il y a un propos.
A : La compréhension par ton public est donc malgré tout une contrainte d’écriture.
M : Oui et non. Je dis certaines phrases dans un bon français de base et d’autres après je mets quatre mots en verlan et une référence de Genève donc personne ne comprend. Je m’en suis bien aperçu après mon Grünt : Quand quelqu’un me dit « lourd le truc par rapport à Genève ! » je sais que ce ne sera pas compris par la plupart des autres gens. Mais quand je fais ces références, je ne le conscientise pas, c’est juste que j’oublie que tout le monde ne les a pas. Après il y a le cas de figure où tu veux faire passer un message, ton but n’est pas d’être incompris, au contraire. Des gars comme Youssoupha ou Orelsan ont de la facilité à être compris, plus que d’autres gars je pense. Pourquoi ? Parce qu’ils font en sorte que leurs phrases se suivent bien, que l’ensemble ne soit pas trop dur à comprendre, donc logiquement, ça parle à tout le monde. Chacun peut les comprendre, ils font exprès de parler au plus de gens possible, même pas dans le fond, juste dans la compréhension de base. En grandissant, en vieillissant même, la question se pose de savoir ce que l’on a envie de laisser. Qu’est-ce que tu veux dire aux jeunes ? De plus en plus, je me dis que les phrases trop hardcore, ça ne me ressemble pas. Je peux les aimer personnellement, mais je n’aurais même pas envie d’aller les défendre dans la vraie vie. Je pense qu’avec le temps, je vais m’approcher d’un truc plus light, mais qui sera dans l’élévation. Je me vois beaucoup dans ce que fait quelqu’un comme Mustafa The Poet qui a un propos et une identité. J’aimerais, plus tard, parler comme lui de trucs beaux, donner de l’espoir plutôt que de rapper tout et n’importe quoi. Alors parfois, il faut penser à la façon d’amener les choses. Sur « Cléopâtre », je voulais transmettre une émotion et pour cela, j’ai enlevé tous les mots vulgaires qui étaient présents au départ. Pourtant, je ne suis pas quelqu’un qui va réfléchir à retirer les vulgarités pour que son titre passe partout, mais là, comment faire passer l’émotion que je veux en mélangeant tout ? Dès lors, ça devient des exercices pour moi. En revanche, ce n’est vraiment pas tout le temps, ce sont des challenges le temps d’un morceau.
A : Dans « La patte brisée », morceau sur ta maman, il y a une phrase…
M : Où je parle des poils que j’ai sur la teub ! J’étais à deux doigts de l’enlever et après en réfléchissant, je me suis dit que c’était précisément ce que je voulais dire. Moi-même, je sens bien que la phase sonne chelou au milieu du reste, et pourtant, sa place est là. Soit je disais ainsi ce que je voulais, soit je n’arrivais pas à exprimer mon idée. C’est aussi quelque chose qui arrive parfois, tu veux transmettre quelque chose de précis mais comme la phase passe mal à l’endroit où tu veux le dire, et bien tu ne le dis pas. Tant pis, il vaut mieux ne pas l’exprimer là, maintenant, comme ça, que d’essayer de le dire autrement sans réussir à viser aussi juste.
« En vieillissant, la question se pose de savoir ce que l’on a envie de laisser. Qu’est-ce que tu veux dire aux jeunes ? »
A : À propos de « La patte prisée », c’est peut-être ton morceau le plus personnel à ce jour. Est-ce que ça a été difficile de l’écrire et de choisir de le sortir ?
M : Trop dur. L’écrire a peut-être été un peu moins dur que de le sortir. J’ai dit à Hopital : « Laisse tomber, je ne veux pas le sortir, là c’est bien, on est au studio, on écoute nos maquettes mais ça, ça ne finit pas dans l’album. » Parce que c’est trop sincère, trop vrai, trop intime… Il y avait un monde dans lequel jamais je n’allais être aussi personnel dans mes musiques, mais apparemment ce n’est pas le monde dans lequel nous vivons donc j’ai décidé de le sortir. J’ai assumé, mais même l’écouter maintenant, ça me fait bizarre.
A : Qu’est-ce qui te faisait peur à l’idée de le sortir exactement ? Les retours du public ? Te livrer aux yeux de tous ?
M : Concernant le public, je ne vois pas ce qui pourrait m’arriver à part tout baiser ! Que pourrait-il dire ? C’est plus de mon côté : à quel point suis-je prêt à être intime ? Je disais qu’il y avait un monde dans lequel je n’aurais jamais été aussi intime dans mon rap, mais il y en a aussi un autre dans lequel plus jamais je ne le serai. Après avoir fait ce morceau, il y a des chances que ça n’arrive plus. Ça dépendra de comment se passe la vie de « La patte brisée », mais même s’il perce, peut-être qu’il va me dégoûter, c’est possible. Actuellement je me dis que je ne vais pas le rapper en concert, parce qu’il est trop deep, trop vrai, ça me fera des frissons et autres. Je parle de la séparation des darons et quand je l’écoute ça me fait vraiment quelque chose. Lors d’une insomnie, à cinq heures du matin, j’ai pleuré en réécoutant ce titre avant la sortie de l’album et je ne savais pas si c’était dû à la fatigue du moment ou à la réalité de ce que je dis dans le morceau. Si le faire en live doit me toucher autant, ce n’est pas la peine. Peut-être que ça se passera différemment, je serai content de le faire parce que ça touche les gens. Alors on verra la façon dont je vis avec ce morceau…
A : Ça t’arrive souvent d’écrire des morceaux aussi deep sans les sortir ?
M : J’ai aussi écrit un morceau pour mon père ! Sinon, « Cléopâtre » était deep et je pense que c’est le premier morceau dans le genre que j’ai sorti, premier degré. « éritriste » l’était, mais moins. Le morceau sur la daronne l’est tout autant, après… [il souffle]
A : C’est dur, il faut accepter de s’ouvrir autant.
M : Je ne suis pas obligé ! C’est ce qui est intéressant aussi, c’est que rien ne m’oblige à faire ça. Mais une fois que c’est diffusé, il faut l’assumer. Pour les phases les plus crues, il m’arrive de me retrouver dans une position étrange, par exemple celles sur le racisme : quand je les dis en étant entouré de blancs, je ressens une tension sans qu’elle existe nécessairement. Ce sont des gens concernés ou alors pas du tout concernés et ils vont tous entendre la phase. Le rap, c’est aussi ça, parfois ça parle à certaines personnes, parfois à d’autres, et quand un passage ou un morceau ne s’adresse pas à toutes, il faut composer avec.
A : Élargissons de nouveau à LA FIEV plus généralement. Hopital est l’unique beatmaker de l’album, était-ce important pour toi ?
M : Oui, puisque nous avions prévu de faire l’album ensemble après 95 monde libre et Rougemort, mais que j’ai finalement fait une petite route sans qu’il soit mon unique producteur. C’était une envie et un besoin que j’avais, de tester d’autres trucs avec des beatmakers différents. Après tous les EPs jusqu’à La Solution, quand j’ai estimé que les planètes étaient alignées, il était évident que l’album se ferait avec Hopital, à moins qu’il ait arrêté la musique entre temps. Il faut savoir que lui n’est pas dans la musique du tout, il fait sa vie loin de ça.
A : N’es-tu pas un peu jaloux, possessif d’Hopital ? On ne le connaît que pour le travail qu’il a fait avec toi et tu sembles cultiver le mystère autour de lui ?
M : J’aime le préserver et cultiver le mystère oui, mais ce n’est pas parce qu’il ne travaille que pour moi ! Il n’est pas fermé, c’est juste que jusque là, personne ne le contacte pour des prods. Nous y avons déjà pensé : par exemple, Hopital aime beaucoup Hamza, comme moi, alors si Hamza nous écrit un jour un message pour avoir un pack d’Hopital, il lui envoie directement ! En revanche, je pense que Hopital n’ira jamais lui-même chercher les gens, même ceux qu’il aime bien, d’ailleurs il n’envoie pas de packs aux rappeurs de notre entourage, tout simplement parce qu’il n’est pas là-dedans. Il fait vraiment sa vie à côté, avec son travail qui n’est pas d’être compositeur du tout.
A : Comment est-ce que tu interviens dans son travail de beatmaker, si toutefois le beatmaking est quelque chose qui te parle ?
M : Le beatmaking me parle à moitié, c’est à dire que je n’en suis pas au point de télécharger FL Studio et de tester des trucs dessus, mais j’en suis à me poser avec les beatmakers, travailler à leurs côtés, imaginer des samples. On ne peut pas dire que je suis compositeur mais on ne peut pas dire que je n’en ai rien à foutre des prods sur lesquelles je pose. Pour « Cléopâtre » par exemple, j’ai diggé le sample moi-même. Pour ce qui est du travail avec Hopital, c’est simple : il fait ses prods et je fais mes textes, et aucun n’intervient tellement sur ce que fait l’autre. Hopital compose ses instrus chez lui avec ses propres ref et il en va de même de mon côté avec ce que j’écris. Souvent, nous faisons des sessions au cours desquelles il me fait écouter une prod, j’accroche dessus mais lui estime qu’il doit encore la travailler, mais même là, c’est rare que cette partie se fasse en binôme. Nous bossons séparément. Par contre, dans la réal, une fois que chacun a fait sa part, que le morceau a été posé, nous réfléchissons ensemble à comment le terminer et l’améliorer.
A : Sur LA FIEV, tu t’aventures sur des sonorités diverses puisant dans le jazz, l’électro ou même le rock ; qu’est-ce qui explique cette envie ?
M : Hopital ! C’est lui qui envoie les prods qu’il a faites et c’est moi qui suis en posant dessus ! Quand nous faisons cet album, nous n’avons pas un cahier des charges selon lequel il faudrait tel ou tel type de son mais nous ne voulons pas que les morceaux se ressemblent. Prenons l’exemple de « Dope », le but n’était pas d’en avoir quatre similaires ! Clairement, nous cherchons une variété entre les sons, mais je le redis : ce n’est pas le cahier des charges avec le morceau reggae, le morceau rock, le morceau pour la radio, les deux morceaux pour les kickeurs, le morceau avec une meuf. Pourtant, au final c’est quelque chose qui reste plus ou moins présent dans nos têtes parce qu’à force de consommer de la musique, nous voyons bien comment les albums des gens sont construits, et nous voyons bien ce que nous aimons ou pas. Quoiqu’il en soit, LA FIEV, ce ne sont que des réfs que nous aimons. La prod du morceau rock est trop bien, Hopital a assuré, le titre un peu 2step, « blccd tears », ce sont des sonorités que nous aimons et sur lesquelles je peux me placer, etc.
A : La construction était un peu inconsciente alors ?
M : [Hésitant] Non, elle était consciente dans l’idée de ne pas se répéter. Si nous avions vu qu’il y avait trop de morceaux se ressemblant, nous ne l’aurions pas sorti tel quel. Nous voulions quelque chose de varié, je pense que c’était un de nos mots d’ordre. Il ne s’agissait pas d’aller dans nos délires les plus extrêmes, mais d’avoir un ensemble varié dans ce que nous savons faire. C’est un challenge plaisant. Il y aura des EPs ou des mixtapes pour faire des trucs tout droit, des délires uniques, comme l’a été l’EP avec JeanJass par exemple. Je l’ai suivi dans son univers et nous sommes allés droit dedans. Mais pour un album avec Hopital, notre optique est différente, autant faire un peu tout ce qui nous plaît.
A : Tu parles de challenge, y a-t-il un morceau de LA FIEV qui a été un défi par rapport à la prod ?
M : Je crois que c’est sur « blccd tears » que je me suis le plus pris la tête. C’est une prod que j’aimais vraiment et je voulais réussir à faire un truc cool dessus. Il y a aussi des morceaux qui n’ont pas fini avec les prods prévues. Nous avions une prod dans un délire 2step comme « blccd tears », avec des voix d’anges, un truc magnifique mais je n’ai pas réussi à me placer dessus. J’ai fait le morceau plusieurs fois pour en arriver finalement à dire que je n’étais pas à la hauteur de la prod. Il y en a quatre comme ça. Les prods étaient lourdes, Hopital les aimait, je les aimais, mais j’ai beau avoir essayé, je n’ai pas réussi. Lorsque Hopital fait une prod, il ne se pose pas la question de savoir si Mairo saura poser dessus ou pas ; il m’envoie ce qu’il fait de mieux et si je ne sais pas faire avec, malheureusement le morceau ne sortira pas, ou bien il sortira une autre fois. Hormis « blccd tears », parmi les titres de l’album il y a aussi « i.think » qui a été un petit challenge, le son n’appartient à aucun style défini, c’est juste une proposition d’Hopital sur laquelle je suis allé. L’expérimentation me parle tant que c’est sur quelque chose que j’aime, l’idée n’est pas d’aller sur un truc différent juste parce qu’il est différent, il faut que ça me parle. En ce sens, j’ai envie de continuer à expérimenter.
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A : Toujours à propos de LA FIEV, peux-tu nous parler de la cover ? Elle est composée de pas mal d’éléments comme cette photo déchirée ou encore l’enfant que tu tiens dans tes bras, quels sens ont-ils ?
M : Nous avions pas mal de références au départ qui se sont mélangées jusqu’à ce que nous réussissions à dessiner ce croquis avec Metanoia. Initialement c’est un réalisateur avec qui je fais des clips et il s’est transformé en une sorte de binôme plus généralement pour tout l’aspect visuel. Il a été présent pour toute cette partie de l’album, c’est un D.A, un creative director. C’est donc ensemble que nous avons imaginé la cover, en réunissant plein de refs qui me représentent mais aussi des éléments purement esthétiques. Tout n’a pas forcément un propos bien précis, par exemple l’enfant, je peux dire qu’il marque un point dans le temps vers le futur, mais je ne sais pas si c’était une véritable idée que j’avais en tête. Il incarne la jeunesse, le futur et une sorte de passation, et en le disant comme ça des liens évidents peuvent être faits avec la référence à Fièvre à Columbus University. Pour autant, je ne pense pas qu’il y ait qu’une interprétation car l’esthétique est un des trucs les plus importants pour moi quand je fais une cover. Tu peux mettre tout le sens que tu veux, si ce n’est pas beau, ce n’est pas beau, en tout cas à mes yeux c’est ainsi.
A : On a effectivement vu que les covers comptaient pour toi, notamment via celles de Omar Chappier et Déjeuner en paix, avec Dexter Maurer. Estimes tu que les visuels ont leur part d’importance pour cerner ton univers, ta musique ?
M : Je n’aurais pas cru, et cela rejoint ce que nous disions sur la perception du public. Je n’imaginais pas que les gens y verraient à ce point là une D.A. C’est quand on a commencé à me dire « oh, elle est bien ta D.A » que j’ai capté ça : lorsque les gens me voient, ils pensent à mes clips et à mes covers. Donc à partir de là, ça rentre dans mon identité, mais j’avoue que dans ma vie, j’ai fait plein de covers sans y réfléchir. Je sortais un son, il fallait une cover et je m’en tapais. Puis il y a eu des moments où en voyant la cover d’un de mes sons je me disais qu’elle était magnifique et j’en étais super content. Je dirais que je n’ai pas du tout soigné cet aspect visuel depuis le début mais que je le soigne ces derniers temps, et c’est aussi parce que j’y ai pris goût. J’ai appris de nouvelles choses et j’ai créé mon esthétique, au point de réussir aujourd’hui à transmettre mon identité à travers mon esthétique.
A : Lorsque tu parlais de considérer l’album différemment des EPs, ça prend aussi cela en considération alors, tu mets les petits plats dans les grands y compris sur le côté visuel ?
M : Exactement, il faut que je sois hyper content de la cover, des réels, des clips, des teasers, de tout. Je trouve hyper quali tout ce que nous avons sorti. Pour en revenir à la cover de LA FIEV en elle même, au départ avec Metanoia, nous avions une idée : nous voulions écrire « M.A.I.R le légendaire, l’aventurier sans son aventurière, la pâte brisée, la patte brisée » avec des objets. C’est pour ça qu’il y a un dromadaire avec une patte brisée, c’est pour ça qu’il y a la photo déchirée, c’est l’aventurier sans son aventurière… Puis quand nous avons vu que nous n’arrivions pas à faire simplement la phrase, nous avons fait évoluer le projet. Mais initialement, je voulais qu’en regardant la cover, on arrive à lire cette phrase. Bien que nous n’y soyons pas parvenus, nous avons réussi à faire quelque chose de beau qui contient mon identité. Des gens capteront cette phrase à travers la cover, tant mieux, d’autres non et ils verront tout de même des éléments qui sont autour de Mairo.
« Je n’ai pas du tout soigné cet aspect visuel depuis mes débuts mais je le soigne ces derniers temps, et j’y ai pris goût. »
A : Peut-être pouvons-nous remonter un peu le fil de ta carrière maintenant. Depuis la France, c’est au moment de la sortie de 95 monde libre que l’on te découvre, pour beaucoup. Quelle est alors ta position sur la scène genevoise ?
M : C’est la position d’un gars qui est en train d’éclore et qui fait son chemin. Je pars du principe qu’avant ces années-là, je n’ai pas de public : j’ai des écoutes et des likes à chaque fois, mais je n’ai pas vraiment de public. À l’époque, tu sors ton truc et parfois, à Genève, on te félicite ou on sait qui tu es quand tu vas freestyler avec des gens. Je n’ai pas eu de morceau qui a tourné comme « Focus » de Di-Meh, comme « Pink Flamingo » de Makala ou comme « Genève » de Marekage Streetz. Mais à force d’être affilié à la SuperWak Clique, à force de faire des freestyles avec 13 Sarkastick, à force d’être dans les terrains, on me reconnaît. C’est la position d’un mec qui n’a pas un hit dans sa propre ville. Ce n’est pas dégueulasse, ça ?
A : Avec 95 monde libre, tu poses une première base, mais j’ai la sensation que c’est avec Rougemort que tu trouves une direction. Est-ce que tu es d’accord avec ça ?
M : Dans la folie des morceaux proposés, je crois que je vois ce que tu veux dire. Après, est-ce que j’ai vraiment eu l’impression de m’être plus trouvé à ce moment qu’à l’autre ? Pas forcément, non. Dans 95 monde libre, il y a plus de propositions, j’ai beaucoup donné au public, mais j’étais dans le même run.
A : À quel moment penses-tu t’être trouvé, si c’est arrivé ?
M : Je ne pense pas que je me sois trouvé, ça va encore continuer à évoluer. Peut-être que je suis arrivé à la forme finale ou peut-être que ça va devenir autre chose. J’ai l’impression de bien maîtriser ce que je fais aujourd’hui, mais quand j’ai sorti 95 monde libre et Rougemort, j’avais la même impression. C’est une question de perception ! Quand je sors ces deux disques, je suis content et très fier, j’ai l’impression de m’être trouvé – et aujourd’hui, avec LA FIEV, c’est pareil. Mais quand tu sors quelque chose, tu as l’impression de savoir ce que tu fais et quelques années plus tard, tu remets certains choix en question.
A : Dans le morceau « antidote ou venin », tu évoques l’importance de l’année 2023 dans ton parcours, puisque c’est elle qui te révèle. Comment as-tu vécu cette période très intense ?
M : Je l’ai bien vécue. C’est une année où je n’ai vécu que des belles surprises, des choses nouvelles, des nouveaux scores, des nouvelles stats, des gens qui me découvrent. Ce n’était que du plus. Je l’ai vécue comme une augmentation. La Vie augmente à fond, elle a gravement augmenté cette année-là. En fait, j’ai sorti beaucoup de musique, mais sans m’en rendre compte. Même là, quand je sors trois EPs dans la même année, je ne suis pas en mode « il faut tout donner », « il faut montrer à tout le monde ». C’est simplement que j’ai des opportunités qui avancent et que je suis à 100% dans ma musique. Ça a donné naissance à plein de featurings par exemple, parce que j’étais actif et que j’avais la dalle. Évidemment, il y a des stratégies ! Se faire discret avant de sortir son album, par exemple, ou même après. Mais au quotidien, s’il faut tester un EP avec untel ou untel, j’y vais. Plus j’ai un catalogue, plus je me dis qu’il faut le soigner. Mais avant d’en avoir un, j’ai juste envie de tester des choses. J’ai juste envie de faire des dingueries, de rapper, rapper et encore rapper. Ensuite, quand tu as un catalogue, tu te demandes si tu vas sortir ça, si ça ne va pas faire de l’ombre à ça, si tu vas faire mieux que la dernière fois, etc. C’est une mauvaise gamberge, mais elle existe.
A : Tu dis dans le même morceau que tu as quitté ton ancien producteur et on dirait que c’est une vraie libération pour toi. Est-ce le cas ?
M : Je ne pense pas que c’était tant une libération pour moi, finalement. Je pense que j’ai plus idéalisé qu’autre chose le fait de pouvoir être son propre producteur et de se gérer soi-même. Maintenant que je le vis depuis deux ou trois ans, je vois bien la réalité. À ce moment-là, ne connaissant rien ni personne et n’ayant jamais forcément mis les pieds dans un label ou autre, ce que je connaissais de l’industrie, c’est ce que j’apprenais en écoutant du rap. J’écoute beaucoup d’interviews et de podcasts en tout genre depuis des années, donc j’étais dans la gamberge « être son propre producteur, choper une distrib’, c’est le bon schéma pour quelqu’un comme moi ». Quelqu’un qui a son propre rap et qui est à fond dedans peut gérer sa propre entreprise. C’est un peu la même mentalité que Nipsey Hussle et beaucoup d’autres, finalement, no middle man [pas d’intermédiaire, ndlr]. Je la comprends tout à fait. Donc c’était peut-être une libération dans un sens, mais elle est venue avec des contraintes.
A : Maintenant que tu es ton propre producteur, tu es obligé de prendre en compte les questions de stratégie que tu évoquais. Est-ce que ce sont des choses qui entravent ta création ?
M : Ça entrave un peu ma création, dans le sens où ça me prend la tête. Je dois payer ce clip, répondre à untel, assurer ce rendez-vous, etc. Après, je pars du principe qu’il s’agit tout simplement de la vie de quelqu’un qui travaille. Je ne suis pas plus ou moins à plaindre que quelqu’un d’autre. Mais peut-être qu’avant, il s’agissait moins de travail, et c’était cool comme ça. Ça entrave davantage mon planning, mon temps que ma créativité. Je suis obligé de gérer différemment. Et avant, je ne m’en battais pas les couilles non plus. J’étais matrixé par ce que j’écoutais, les conseils que j’ai pu recevoir des rappeurs dans leurs morceaux ou interviews ne m’ont pas laissé indifférent. Donc même quand ce n’était pas mon argent mais que c’était mon temps et que j’étais passionné, je commençais à m’éveiller à ce niveau-là. Avant d’avoir la première coproduction avec Colors Records, j’avais juste besoin qu’on me tende la main. J’avais 16 ans et aucun argent à mettre dans ma musique. Le seul argent qu’on mettait, c’était dans des billets de train pour aller rapper. Et encore, on fraudait souvent ! Ça paraissait insensé de mettre de l’argent dans un clip. Et peu à peu, j’ai vécu les différentes échelles : mettre 100 balles dans un clip, puis 300, puis 1.000, puis 10.000. Au bout d’un moment, c’était soit quelqu’un mettait de l’argent pour moi et je lui devais quelque chose, soit je le mettais moi-même.
« J’ai idéalisé le fait de pouvoir être son propre producteur et maintenant que je le vis, je vois bien la réalité. »
A : Parmi les étapes que tu as franchies ces dernières années, deux apparaissent comme immanquables : COLORS et Grünt. Commençons par Colors : quel souvenir en gardes-tu et quel regard portes-tu sur cette opportunité, 4 ans après ?
M : L’opportunité vient de Thibault, de Colors Records, big up à lui pour ça. Je pourrais prôner autant que je veux l’indépendance et le contrat de distrib’, je sais qu’à un moment, c’est un contrat de coproduction et même la production d’un autre label qui a fait que j’ai pu avoir quelque chose que je n’aurais pas pu avoir par moi-même. J’étais trop content. C’est arrivé tôt et franchement, je l’ai bien vécu, j’ai trop kiffé. Pour moi, COLORS, c’était un truc de ouf. Quand j’ai fait le Grünt, j’étais en mode : « bon, c’est un peu normal que je le fasse, j’ai fait mes preuves ». Tandis que COLORS, je n’y croyais pas. « Vous venez me chercher, vous êtes chauds. Je peux faire « Attentat Uzi » à COLORS, sérieux ? » Avec Hopital, on était excités comme des zinzins. C’était une aubaine, beaucoup de gens allaient entendre parler de moi et il fallait assurer. Bizarrement, sans vraiment m’en rendre compte, je me suis dit : « là, c’est bon frère. » Si on te donne un truc comme ça alors que tu as l’impression que c’est trop tôt, ça veut dire que tu dois être serein et continuer là-dedans.
A : Quant à Grünt, c’est un contexte différent, en premier lieu parce que tu es apparu dans les Grünt d’autres rappeurs avant. Quand t’es-tu dit qu’il était temps d’avoir le tien ?
M : Jean Morel était chaud depuis un moment. Il me l’avait déjà proposé en 2022, deux mois après la première édition du Grünt Festival. Moi, je me disais « pas tout de suite ». J’avais d’autres choses sur le feu et 2023 a été une grosse année. Après, j’ai commencé à y penser et je m’y suis mis à 100% pendant plusieurs mois. J’ai réfléchi à mes textes, mes prods, mes morceaux, et quand je suis arrivé à la version plus ou moins finale, je lui ai dit qu’on était chauds. Ça a pris deux ou trois mois à se mettre en place, parce que je ne voulais pas me presser. En termes d’audio, c’était prêt, mais en termes de visuel, qu’est-ce qu’on pouvait faire de grand ? On a testé et devisé plusieurs idées et de fil en aiguille, on est arrivés sur la grande salle avec la table, la nappe blanche, les éléments erythréens sur la table et l’iconographie faite par mon frère. J’y ai accordé beaucoup d’importance parce qu’on m’a donné carte blanche.
A : Qu’est-ce qui justifie autant d’investissement pour un Grünt ?
M : Le truc, c’est qu’il ne s’agit pas d’un Grünt mais de moi. Qu’est-ce qui justifie de rapper autant ? Rien, à part la passion. Pendant un moment, je me suis demandé si je n’avais pas envie de garder ce freestyle pour moi et le produire moi-même. Je pouvais le faire ! Mais la force d’aller le faire sur une plateforme déjà installée, c’est de le faire et de briser le truc. Ça n’aurait pas eu le même retentissement si ça avait été une live session sur ma chaîne YouTube. Ils ont leur identité, ont reçu beaucoup de personnes, et j’espère qu’on va se rappeler de la dinguerie que j’ai faite là-bas. C’était aussi un moment où je me sentais mature dans ce que je faisais, je pouvais envoyer. J’arrive à me produire, à sortir des choses dont je suis fier, donc je vois de plus en plus grand.
A : Grünt se veut être un format « freestyle », dirais-tu que tu es un rappeur issu du freestyle ?
M : Clairement, je viens de là. L’autre jour, j’étais en train de recenser mes découvertes d’albums et je me suis rendu compte qu’en 2012, les freestyles étaient grave revenus à la mode. Ne serait-ce qu’avec Sexion d’Assaut, 1995 et les Rap Contenders. À cette époque, j’avais 17 ans et c’était full rapper dans la street, full sur des prods de Grünt, rapper encore et encore. Tandis qu’avant ça, je ne traînais pas forcément trop dehors. C’est devenu un quotidien entre 2011 et 2012, autour de tout ce qui est 13 Sarkastick, ça faisait des freestyles avec Demi Portion, 1995… Ça paraissait logique, époque End Of the Weak, je viens de là.
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