Kendrick, SZA et Oncle Sam : discussion autour du Super Bowl LIX halftime show
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Kendrick, SZA et Oncle Sam : discussion autour du Super Bowl LIX halftime show

Le spectacle de la mi-temps du Super Bowl était cette année assurée par Kendrick Lamar. Un événement qui a créé le débat dans notre rédaction.

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Ce fut le clou du spectacle d’une histoire entamée il y a presque un an tout comme une étape de plus d’une carrière remarquable commencée il y en a vingt. En décrochant son ticket d’entrée pour assurer la mi-temps du 59ème Super Bowl, cette finale de la saison 2024 du championnat de football américain, Kendrick Lamar est devenu le premier rappeur en solo à être la tête d’affiche, en son nom propre, pour cette grande messe symbolique de la pop musique (après y avoir joué collectif avec Dr. Dre et compagnie en 2022). Un événement qui intervient en conclusion d’une année 2024 particulière, où, en lançant les hostilités par un couplet enflammé sur « Like That » de Future et Metro Boomin, Kendrick Lamar a lancé une Civil War au sein du zeitgeist du rap américain.

Pour celles et ceux du fond de la classe : Kendrick Lamar a rejeté l’idée d’un « big three » avancée par Drake et J. Cole sur « First Person Shooter » en affirmant qu’il n’y avait qu’un « BIG ME », Kendrick lui-même – au milieu d’amabilités lancées à ses deux confrères, en particulier Drake. S’en est suivi une série de diss records entre le rappeur-chanteur canadien et Kendrick Lamar, à base de punchlines bien senties et d’insinuations plus que douteuses. Kendrick a finalement remporté cette guéguerre avec « Not Like Us », signant un véritable hit, couronné d’un clip sans équivoque et d’un concert, The Pop Out: Ken & Friends, en juin 2024 à Inglewood, ralliant à lui une grande partie de la scène rap californienne et effaçant quelques inimitiés internes. L’annonce de Kendrick Lamar en septembre 2024 comme main act de cette mi-temps du Super Bowl a déclenché de nouvelles invectives, de nombreux artistes et fans estimant que c’était à Lil Wayne de performer dans l’enceinte de Caesars Superdome de la Nouvelle Orléans, sa ville natale. Enfin, la sortie surprise et à succès de l’album GNX, en novembre, entérinait la sensation que l’homme de l’année 2024 du rap américain, c’était bien Lamar.

Une semaine après avoir décroché cinq Grammy Awards pour « not like us », Kendrick Lamar est donc monté sur « la plus grande scène du monde » – comme disent les Américains et leur nombrilisme chauvin et patriotique. Un show jouant de multiples symboles, comme à son habitude, fourmillant de détails et de sens : une mise en scène évoquant les jeux vidéos, un dialogue avec un Oncle Sam interprété par Samuel L. Jackson, des références au racisme systémique américain, de nouvelles attaques à Drake. Tout cela a, de nouveau, suscité moult débats et conversations sur le sens d’un tel spectacle, à la fois dans le contexte de sa rivalité avec Drake autant que dans cette Amérique du deuxième mandat de Donald Trump (présent dans le stade), encore plus offensif dans sa politique et ses discours réactionnaires, flirtant avec le fascisme. C’est au sujet de tous ces enjeux, à la fois musicaux et au-delà, que quatre de nos rédacteur.rice.s ont pris le temps d’échanger, pour celui qui a prouvé qu’il a été bien plus « big as the Super Bowl » que ce que J. Cole et Drake prétendaient être. – Raphaël

Le halftime show de la finale du Super Bowl est visionnable ici.


Raphaël : Avant de rentrer dans les détails de ce qui nous a plu et marqué, ou non, il y a quelque chose que j’aimerais souligner d’emblée : là où sur ces shows de mi-temps du Super Bowl, c’est souvent des concerts de pop stars qui en mettent plein la vue en termes de scénographie, de chorés, d’effets pyrotechniques, j’ai trouvé que cette prestation de Kendrick était vraiment un show de rappeur. Et un show hip-hop. Les danseur.se.s autour de lui ont déroulé des styles très californiens, et surtout, lui s’est concentré sur son rap, sa cadence, son niveau d’interprétation. Et à part sur « Euphoria » où j’ai trouvé sa perf trop hachée, que ça soit en interprétant ses hits ou en rappant son couplet inédit en intro, c’était une affirmation claire de la maîtrise de son registre musical : le rap, point.

ShawnPucc : Je partage totalement cet avis là. Il y a un peu un côté « suite » du Pop Out, son concert à Inglewood en juin dernier, mais sur une scène plus prestigieuse. Plus grand, plus théâtrale, plus de mises en scène, plus de tout parce qu’on est quand même à la mi-temps du Super Bowl. Mais dans l’absolu, Kendrick ne décroche pas de sa ligne 2024/2025 : le rap c’est lui, et son show, c’est pour le rap. Je pense que de manière très consciente, le fait d’être le premier artiste rap à performer en son nom propre sur l’événement, c’est pas un hasard qu’il ait voulu garder sa ligne « authentique » et fidèle au genre.

Makia : Je vous rejoins sur le fait qu’il était précis, concentré sur son interprétation et également sa volonté de faire honneur à la Californie. Tout était bien pensé.

Hugo : À mon avis, c’est même lié directement à la thématique principale du show avec l’Oncle Sam incarné par Samuel L. Jackson. De ce point de vue, c’est d’ailleurs une réussite et ça démontre d’une volonté claire de ne pas se trahir, ni lui ni son audience. Maintenant, en comparaison aux éditions précédentes de la mi-temps du Super Bowl, on peut comprendre facilement la déception initiale des non fans de rap.

ShawnPucc : D’où le choix de la setlist. Il y a clairement une multitude de choses qui auraient pu être écartées pour sa performance, mais il a fait le choix de les laisser. « Euphoria », « peekaboo » et le morceau jamais sorti qu’il interprète en intro.

Hugo : Le choix de la setlist est celui que j’ai trouvé le plus intéressant au premier visionnage. D’habitude, les artistes qui performent sont souvent des « legacy act », donc on assiste plus à une rétrospective entière de leur catalogue et de leurs plus gros hits. Kendrick a décidé de s’inscrire dans le présent en embrassant complètement son ère actuelle, comme pour dire : « je suis au Super Bowl, mais croyez moi, je suis pas encore fini, c’est même que le début. »

ShawnPucc : Complètement. Pour moi c’est « Big Me Era ». Kendrick sous stéroïdes.

Makia : C’est d’ailleurs ce qui m’a frappée dès les premières minutes, quand il a démarré avec son snippet qui n’est jamais sorti en entier sur les plateformes. Personnellement ça m’a un peu déroutée et du coup j’étais pas dedans dès les premières secondes.

Raphaël : Je suis d’accord avec toi sur cette entame avec ce couplet inédit. Où est-ce qu’il va ? Qu’est-ce qu’il veut dire ? Ça pose tout de suite le cadre.

Hugo : C’est un choix fort parce qu’il sait qu’il va forcément diviser les gens qui l’attendaient au tournant.

« « Do you wanna play the game ? ». C’est vraiment le leitmotiv de la carrière de Kendrick. Toujours dans une volonté de réussir les contre-pieds. »

ShawnPucc

ShawnPucc : Je trouve ça aussi tellement marrant et subtil le rôle de Samuel L. Jackson. Pour moi, je le vois clairement dans le prolongement des réflexions de Kendrick sur sa musique. Comment rendre sa musique à la fois populaire mais avec toute sa substance. Il y a toujours aussi cette tension permanente qui parcourt son œuvre. Et là, le fait d’avoir fait un spectacle purement hip-hop, c’était une évidence pour lui et comment il veut qu’on se rappelle de lui. C’était un show presque anti-pop dans la setlist. Un show anti-Drake en filigrane. Les deux se nourrissent l’un de l’autre pour renforcer les contrastes. Et Kendrick a choisi sa direction.

Makia : Oui, c’est ce que j’allais dire ! Le Super Bowl de Rihanna m’a beaucoup marquée (alors que je l’attendais pas spécialement). Mais le fait qu’elle refasse cette rétro de ses hits c’était mémorable et ça inclut un public plus large.

Hugo : Le choix d’ouvrir par un titre pas encore sorti et que même des passionnés de rap ne connaissent pas, plus les contre-pieds en termes de rythme avec « man at the garden » par exemple, c’était osé mais pas gratuit non plus parce que le sens derrière est limite plus fort que la performance elle-même. Ce qui est un problème parfois, cela dit.

Raphaël : Clairement le choix de la setlist a suscité beaucoup de spéculations avant le show. Comment résumer un artiste caméléon comme lui avec une quinzaine d’années de discographie ? Surtout qu’il avait déjà joué des titres à lui pendant le show avec Dre et toute la famille en 2022. Donc ça enlevait « Alright » et « m.A.A.d city ». Et non seulement il s’est concentré sur ses tubes les plus « récents », comme « DNA » et « HUMBLE » datant de DAMN. (et pas n’importe lesquels en termes de propos), mais il a enfoncé le clou sur les tracks de sa campagne contre Drake et sur GNX. Et pour ces derniers, c’est aussi tout un symbole. Mais ça trace aussi une ligne dans le sable avec un public habitué, dans le stade et devant leur télé, à des tubes consensuels. Clairement, lui s’en foutait, à part pour « All The Stars » avec SZA.

Makia : Après avoir vu la perf’ de Kendrick, j’ai directement pensé aux personnes qui ne l’ont pas écouté sur cette dernière année, forcément ça les exclue. Tout tournait autour de GNX et du clash avec Drake, et c’est hyper osé de proposer ça en halftime show. En tant que fan j’ai adoré mais je reste sur ma faim car ça manquait de moments grand public tout de même. C’est dommage qu’on ait pas eu un petit moment rétrospective.

Hugo : Personnellement, j’aimais déjà beaucoup GNX, mais avec ce halftime show je trouve qu’il inscrit encore plus au fer rouge le projet dans sa discographie. J’en ai une appréciation encore plus grande je crois.

Raphaël : La mise en scène avec Samuel L. Jackson en Oncle Sam, c’est vraiment, à mes yeux la plus grosse surprise. Ce dialogue avec cette figure patriotique qui dit à un artiste noir de jouer les règles du jeu, de ne pas faire de vague, c’était malin. Et en même temps, Kendrick n’a jamais totalement été radical, il a quand même joué avec les règles – ça reste un show pour le Super Bowl et sponsorisé par les plus grandes marques du pays.

ShawnPucc : « Do you wanna play the game ? ». C’est vraiment le leitmotiv de la carrière de Kendrick. Toujours dans une volonté de réussir les contre-pieds. Ne pas se laisser édulcorer. Et toujours essayer d’aller de l’avant. C’est la conception des albums TDE ça. Un mélange entre compromis artistique, parce que tu sais que tu dois tendre à être populaire et sur certains aspects, faire des compromis (celle-là, c’est pour les Swifties). Et de l’autre côté, garder ton essence pour ne pas te perdre dans cette grande machine. Moi, voir « peekaboo » dans la setlist, vraiment, je trouve que c’est audacieux.

Raphaël : Il y avait ce qu’il faut d’aspérités contrôlées pour ne pas trop froisser les plus allergiques au rap ou à la politique (enfin surtout ceux qui ne voient de la politique que quand c’est un joueur noir qui met un genou au sol), mais en même temps plein de symboles subtils (peut-être trop) pour passer un message. Pas de quoi déclencher une « révolution télévisée », comme il a fait ce clin d’oeil à Gil Scott-Heron ; mais à cette échelle, ça reste audacieux. Même si le vrai héros en termes de message, c’est Zül-Qarnain Nantambu, le militant qui a couru avec les drapeaux palestiniens et soudanais à la main.

Hugo : Cette phrase au début du show laisse quand même un goût amer quand le reste de la performance ne va pas plus loin qu’un discours rempli de sous-entendus qui était acceptable sous les mandats Obama, mais trop faible dans la situation actuelle. Finalement, le seul acte un tant soit peu révolutionnaire du show n’a même pas été télévisé. Mais je crois que ce Super Bowl a enfoncé encore plus le clou sur les convictions que j’avais de lui et de comment il est perçu par le public. J’ai l’impression qu’il y a un décalage très étrange entre ceux qui en attendent trop de sa part, parce qu’il n’a finalement jamais été un rappeur radical, et ceux qui rabâchent à longueur de journée qu’il est le sauveur de personne. Sauf qu’il n’est pas exempt de critique non plus. Toute sa carrière, il a joué avec certaines imageries radicales sans jamais vraiment creuser dans ce sens-là réellement. Et même si ça provient d’une bonne intention, j’en ai aucun doute, ça fait parfois un peu coquille vide à certains moments. L’imagerie ne devrait pas se suffire à elle-même s’il l’utilise.

ShawnPucc : Je pense que c’est un vrai sujet ça le décalage entre sa personne et les attentes disproportionnées qu’on peut avoir de lui. C’est un peu l’opposition que tu as dans sa propre discographie, si tu prends deux albums comme To Pimp a Butterfly et Mr. Morale & The Big Steppers : sa communauté d’un côté, ses libertés individuelles de l’autre. Et ces dernières années, comme il dit dans le titre « Mirror », « I choose me ».

Hugo : Mais en même temps, de mon côté, j’en attendais rien. La révolution ne viendra pas d’une célébrité, d’un artiste ou d’une performance sur la plus grande scène des États-Unis. Pour moi, Kendrick a toujours été un rappeur qui ne vit que pour le rap. Depuis le début de sa carrière il n’arrête pas dire que c’est juste un simple gars de Compton qui veut raconter sa vie et celle de sa communauté, rien de plus. Et j’ai l’impression que les gens n’ont toujours pas compris ça.

Raphaël : En fait la métaphore du jeu vidéo dans la mise scène, elle est là : Kendrick joue avec le cadre qui lui est donné. Les cartes qu’il a en main. Je vais filer la métaphore ludique : les jeux vidéo « monde ouvert » offrent beaucoup de possibilités aux joueurs… mais restent quand même « fermés » à un certain moment. C’est un peu ça pour ce genre de moments comme ce show de mi-temps du Super Bowl : t’as une certaine marge de manœuvre, et c’est à toi de gérer habilement, mais tu peux pas vraiment transgresser le cadre non plus.

Hugo : Et pourtant, dans le show il transgresse clairement ce que lui dit l’Oncle Sam sur le fait de ne pas correspondre aux attentes de l’Amérique blanche. C’est juste pas très transgressif, en fait, en 2025. Pour revenir sur cet aspect jeux vidéo, j’ai l’impression que c’est un aspect que le public a complètement loupé et je pense que c’est parce que la mise en scène n’était pas forcément assez poussée dans ce sens. J’en attendais beaucoup de Kendrick et Dave Free, et de ce point de vue-là, c’était bien, mais ils ont déjà fait mieux, à la fois en concert et pour des performances télévisées, dans des Late Shows et les Grammy Awards de 2016 et 2018.

« Je suis tellement lassée par ce beef de manière générale ! Kendrick a gagné, peut-on passer à autre chose? »

Makia

Makia : En discutant hier avec un ami super fan de Kendrick aussi, il m’exposait quelques théories et il y en a une qui m’a interpellée. J’aimerais bien savoir si l’enchaînement du beef, puis de l’album GNX, le Super Bowl et maintenant l’annonce de la tournée mondiale était calculé depuis la sortie de « not like us » et son passage en hit. Aurait-il voulu capitaliser pour créer tout un univers autour et faire durer le clash plus longtemps ? Ou bien tout est organique et s’est-il servi du Super Bowl pour vraiment faire passer un message ? Je n’arrive pas à penser sans le prisme de la grosse machine capitaliste derrière tout ça.

Hugo : Je pense clairement que l’album a été fait après le beef. Détail très drôle cela dit : 2-3 jours avant la sortie de « Like That », il postait une photo de sa GNX fraîchement acquise sur son compte Instagram secondaire.

ShawnPucc : On ne le saura jamais, mais je pense que Kendrick écrit toujours. Et quand je vois le nombre de morceaux qu’il a envoyés sur Drake en quelques jours, quand il a dit sur « Not Like Us » : « How many stocks do I really have in stock? Ay one, two, three, four, five, plus five, ay », je pense qu’il a dû se retrouver avec un paquet de titres et ça a donné GNX. Et dans le morceau en intro, il dit « No more handshakes and hugs, the energy only circulate through us. » Tant qu’il ne serrera pas la main Drake et J. Cole, c’est qu’à travers Kendrick qu’on pourra ressentir l’ADN du rap. [rires]

Raphaël : À ce titre, entendre les lyrics de Biggie, qu’il reprend au début de ce 3e couplet de « tv off », résonner dans tout un stade, pour les kiffeurs de rap, c’est quand même chanmé. Mais sinon, je dois dire que je suis content, ou en tout cas j’espère, que ce show clôt une bonne fois pour toute le chapitre entamé il y a un an avec « Like That ». Là, c’est le coup-de-grâce de l’humiliation publique pour Drake, et je pense qu’il a lui-même créé un effet domino avec la plainte déposée contre Kendrick et Universal, principalement au sujet et à cause de ce morceau. Mais une fois passé ce plaisir de voir Kendrick jouer, voir surjouer ce moment de bagarre (« Say Drake » et sa mimique de diable devenu un meme), sa durée commence à me lasser.

Makia : Je suis tellement lassée aussi par ce beef de manière générale ! Kendrick a gagné, peut-on passer à autre chose?

Hugo : Perso, je ne me lasserai jamais de l’humiliation public de Drake. [rires] On a trop longtemps laissé des gens légitimer cette fraude. Pour moi c’est aller trop loin quand certains comparait son écriture à celle de Jay-Z et ses morceaux R&B aux plus grands de ce genre. La prochaine Coupe du monde est en partie aux État-Unis et les prochains Jeux Olympiques à Los Angeles : il peut refaire « Not Like Us » là-bas, ça me va. ‎[rires]

ShawnPucc : Je pense aussi qu’il y a un côté un peu point final. Après… il y a deux dates à Toronto. [rires]

Makia : Oui, et j’ai hâte d’y être ! [rires] Pour voir la performance de Kendrick, la scénographie, SZA en guest, etc. Mais chanter « Not Like Us » quatre fois de suite, j’y suis indifférente.

Raphaël : D’ailleurs, au final, on parle assez peu de SZA, alors qu’elle était présentée comme co-star de Kendrick. J’ai bien aimé ses interprétations sur « luther » et « All The Stars »… même si j’ai l’impression que c’était du pré-enregistré.

Makia : On en parle peu car sa prestation était vraiment moyenne ! Quelle déception – et pourtant je l’adore. Je l’ai pas trouvée au maximum de son potentiel ; et oui, c’était du pré enregistré il me semble.

Raphaël : En vrai, au-delà de la symbolique forte du « clash rap devenu le plus gros phénomène pop », il y a quelque chose de très symptomatique de l’époque de voir cette escalade jusqu’à ce que ces morceaux soient interprétés au Super Bowl. Mon côté fan de rap se réjouit de voir un rappeur (et pas n’importe lequel !) être jusqu’au boutiste dans cet exercice du beef et du diss records, avec l’art et la manière. Mais mon côté bientôt quadra « responsable » me fait dire que c’est pas que du divertissement, dans cette époque de trolling qui a dépassé Internet. ‎

Makia : Ce qui me dérange plutôt ce sont les auditeurs qui voient Kendrick uniquement comme « celui qui a éteint Drake » alors qu’il est bien plus que ça. Ça minimise un peu la discographie de Kendrick à « Not Like Us », « tv off » et tous les autres titres à la mode sur TikTok.

Hugo : Je comprends mais en vrai c’est que du positif pour un artiste comme lui parce que ça lui ouvre un nouveau public. Tu ne survis pas à une trend si t’as rien derrière, et c’est clairement pas son cas. Il y a quelques classiques dans le lot.

Raphaël : Je trouve le « petty Kendrick » enthousiasmant, parce qu’il est féroce, mais je crois que je préfère le « introspective Kendrick » plus intéressant. Typiquement, la séquence « man at the garden » en mode doo-wop / hyphy, j’ai trouvé ça véritablement excellent, dans l’idée comme l’exécution.

ShawPucc : C’est un bon point. Après, c’était pour faire plaisir à l’Oncle Sam, ça. [rires] Tu vois, mon côté rap aurait limite préféré que lui et SZA jouent « 30 for 30 ».

Hugo : Prochaine era c’est pour toi, Raph ! Il a toujours marché comme ça : un album pour lui et un album pour le public. C’est ouvertement assumé sur « tv off ».

Raphaël : Dans les petits easter eggs qu’il a placés ça et là : dans son intro il sort « You would not get the picture if I had to sit you for hours in front of the Louvre. Would not have a Soul, even if I had told you to stand next to Johnny and Q ». Le mec dédicace ses potes de Black Hippy dès l’entame. Et inviter Serena Williams taper un C-walk, c’est quand même une double revanche délicieuse [rires], vis-à-vis de Drake, vu la pique qu’il a lancée à leur ancienne relation sur « Middle of the Ocean », et des critiques méprisantes, limite racistes, qu’elle avait mangées après avoir tapé des pas à Wimbledon il y a une dizaine d’années.

Hugo : Un autre détail que j’ai adoré c’est qu’il fasse le couplet de AzChike sur « peekaboo ». La réaction de ce dernier face à sa télé avec sa mère qu’il a posté sur Instagram était magnifique.

ShawnPucc : En vérité, c’étaient 15 bonnes minutes. Puis il y a même DJ Mustard qui a pu goûter à la scène du Super Bowl.

Hugo : C’est aussi une belle victoire pour la génération de la blog era qu’on a parfois pu injustement trop comparer aux générations précédentes. Aujourd’hui, Kendrick vient d’exploser tellement de records, c’est indécent. « HUMBLE » double disque de diamant, record d’auditeurs mensuels pour un rappeur sur Spotify, et des audiences historiques pour le Super Bowl. Même si ça ne compte pas et qu’on s’en fout, ça fait toujours plaisir quand ça arrive aux gens qui le méritent un peu.

Raphaël : La seule vraie question maintenant pour conclure : est-ce que Makia ira avec un jean pattes d’éléphant à son concert à Toronto ? [rires]

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