Oddateee
1973 – Community Development
À l’écoute de la première plage, qui donne son nom à l’album, on se dit : « pourvu que ça dure ». Le morceau capte d’emblée l’auditeur. On a peine frôlé de bouton « lecture » que la voix d’Oddateee démarre, accompagnée de quelques notes de piano bientôt rejointes par un grésillement d’arrière-fond ; quelques mesures plus tard entrent en scène le beat puis la ligne de basse, avant que quelques modulations n’animent l’ensemble… Une franche réussite. Et si ce troisième album du rejeton de Dälek, plus ramassé que le précédent Halfway Homeless (11 titres contre 13, 43 minutes contre une soixantaine), était enfin le bon, celui qui balayait les réserves que suscitaient ses opus précédents et mettait tout le monde d’accord ?
Tout le monde, pas sûr. Il faut bien se dire qu’on n’a pas affaire à un album des plus accessibles. Un peu comme pour Anti-Pop Consortium en son temps, plusieurs écoutes sont nécessaires. Mais les amateurs d’un rap âpre, trempé d’influences électro-noise devraient se régaler. Malgré une diversification des producteurs (on ne retrouve les deux membres de Dälek que sur quatre titres), l’album garde le cap d’un son brut voire bruitiste. Son homogénéité musicale n’est pas en cause – on regrette quand même une qualité de mix un peu inégale – et de ce point de vue l’opus est sûrement le plus abouti de son auteur. Les textes rageurs de celui qui signe ici trois productions mériteraient d’ailleurs qu’on s’y penche plus sérieusement.
Quand on est intéressé par le genre, sans être forcément conquis d’avance non plus, 1973 – Community Development s’impose comme un album solide et prenant. Du côté des atouts : il fourmille de variations qui se laissent découvrir au fur et à mesure ; on y trouve ici et là des inserts vocaux et un soupçon de scratches ; l’association entre Oddateee et Skalla fonctionne bien, surtout sur l’épique « Rock & Rap » ; quelques passages moins agressifs (le bien placé « Satellite Strikes », le final réussi « Gadgets ‘nd Gimmicks ») permettent à l’album de ne pas être uniformément « darkissime ». Du côté des regrets : quelques refrains insistants et deux ou trois morceaux moyennement saisissants ou convaincants, surtout rapportés à l’excellente entrée en matière. On a ainsi du mal à accrocher au second morceau produit par Carbon Copies, une très lente marche funéraire de quatre minutes qui pousse un peu le bouchon dans le genre hostile et dissonant. On préfère nettement Oddateee dans le registre de la vitesse, comme sur « The Fame » ou sur « [3rd X around] », qui torture au passage un sample indianisant.
Bref : l’écouter, ce n’est pas forcément l’adopter illico – mais ça peut. C’est aussi l’occasion de (re)découvrir le catalogue du label indé lyonnais Jarring Effects, qui fête cette année les vingt ans de ses tout débuts. Et ce sera à prolonger sur scène, Oddateee étant réputé être un redoutable maître de cérémonie.
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