12 Monkeys, armée de dos larges
En quelques années, le label 12 Monkeys est devenu emblématique d’un rap millésimé et solide, portant fièrement un héritage sans passéisme.
« Abandonner sans lutter serait la pire des défaites. » Quand en 2018 Ron Brice sortait BlackList, son premier disque officiel après une quinzaine d’années à trainer dans le microcosme du rap, cette phrase dans le morceau d’ouverture « Nouveau chapitre » donnait le ton. Non seulement en résonance à son propre parcours mais aussi à l’aventure collective que BlackList entamait avec le label 12 Monkeys, dont la persévérance des membres dessine le dos large de leur passion pour le rap.
Formé au départ des rappeurs Ron Brice et CHAM, de la fratrie de producteurs WaveClique (Stanza et Ouz’One) et de la tête pensante Oncle Franc, 12 Monkeys est une entité qui prend racine dans un sol laissé un temps en jachère dans le rap français. Dans les années 2000, entre l’esthétique abrasive du rap gravé sur des street albums, celle expérimentale du rap dit « alternatif », la tentation slam ou acoustique de certains groupes et les rares succès commerciaux de quelques solistes, une autre école d’artistes continue à maintenir un rap plus classique (« orthodoxe », le qualifiera plus tard Akhenaton), porté aux nues dans des open mics et sur Internet – l’Abcdr du Son, entre autres, en faisait l’écho à l’époque. Un certain nombre de ces rappeurs et producteurs évoluent alors dans cette marge, sans doute pas assez avant-garde et ni assez radicaux pour pour susciter une hype et toucher un nouveau public.
Ces rappeurs et beatmakers s’inscrivent alors plutôt dans une continuité, nourrie par un certain underground américain (qualifié, non sans un certain mépris, de « backpackers »), celui des labels Stones Throw, Duck Down ou ABB. Une musique au son organique, attachée à des samples hétéroclites et un groove indéfectibles. Cette scène incarne alors « la nouvelle résistance du mic' », comme l’avait déclaré DJ Fab en intro de la compilation Juste nous, symbolique de cette tendance et qui sera séminale dans les parcours des artistes de 12 Monkeys. À l’image d’un Kyo Itachi, qui a grandi dans le même sérail, s’est réinventé et a touché cette année une plus grande reconnaissance grâce à l’album Pièces montées avec Dany Dan, les différents membres de 12 Monkeys ont persévéré, pour certains se sont rebaptisés pour mieux affiner leur vision artistique.
Quinze ans plus tard, les cartes du rap français se sont rebattues, de nouvelles esthétiques se sont développées, l’ère du streaming a démultiplié les embranchements d’un genre musical qui n’a jamais été aussi kaléidoscopique tout en donnant l’impression de continuer à imposer certaines hégémonies stylistiques. Pourtant, paradoxalement, cette facilité d’accès à la musique laisse aussi la possibilité à un label comme 12 Monkeys de toucher sa cible et de trouver des espaces pour s’affirmer. Depuis six ans, en une vingtaine de disques (albums, EPs, singles inédits, compilations, beat tapes…), le label trace les contours de sa gamberge. Le registre roi de l’egotrip malin et gainé n’est jamais loin, mais développe des singularités différentes entre le rap de la discipline et de la droiture de Ron Brice et l’élégance froide et crasseuse de CHAM. Les productions racées de WaveClique, mais aussi Larry Koubiak, Just Music Beats, Krimophonik réaffirment une filiation avec un son profond et puissant, auquel coller l’étiquette « boom bap » serait bien trop réducteur.
Fin 2023, le label a délivré Uncut 2 et Exhibition LP, une paire d’albums confirmant son savoir-faire, et peut-être à ce jour les meilleures sorties respectives de CHAM et Ron Brice. Alors que la saison 2024 du label s’apprête à véritablement débuter avec la sortie le 28 juin prochain de BOGANDA, EP commun CHAM avec Krimophonik, et qu’ils viennent de signer le producteur Tito Fiasco, retour avec des membres du 12 Monkeys sur leur parcours et leur réflexion artistique.
Abcdr du Son : Avant qu’on parle vraiment du label, j’aimerais qu’on resitue vos parcours personnels qui ont amené à vous rencontrer. Est-ce que vous pouvez raconter vos trajectoires respectives avant la fondation de 12 Monkeys ?
Ron Brice : Si tu veux remonter par les différentes écoles et personnes par lesquelles je suis passé : j’ai bossé avec les Soulchildren dans les années 2000. De fil en aiguille, je me suis retrouvé à bosser avec Youssoupha. J’allais faire les bacs sur ses scènes pour Éternel recommencement. D’ailleurs, je suis dans le clip de « Babylon Zoo ». DJ Stresh était son DJ : c’est comme ça qu’on s’est connus. On avait à peu près les mêmes influences, il faisait la musique que j’appréciais. Donc on a commencé à bosser avec Stresh, on a sorti des mixtapes, c’était mon DJ de scène. Stresh habite Cergy, donc il connaît Stanza. Après Stresh m’a présenté CHAM un peu plus tard, et il se trouve que CHAM avait un groupe avec avec Stanza.
Stanza : Stresh, je le connais depuis depuis longtemps, on est de la même ville. On s’est rencontrés à la Fnac de Cergy et du coup on s’est jamais lâchés. Quand il travaillait à T Maxx, un magasin de vinyles à Châtelet où tout le monde allait, je passais mes samedis après-midi là bas. Je passais mes prods dans le magasin pendant que les gens venaient acheter leurs vinyles. Et un jour, CHAM passe dans le magasin, il entend mes prods et demande qui a fait ça. On se connecte et, depuis, on ne s’est pas lâchés.
CHAM : Moi, je suis un pur produit d’Evry, beaucoup buté au rap new-yorkais. J’achetais effectivement des disques à T Maxx et c’est pour ça que Stresh a fait le lien. J’ai grandi avec le son du Queens, avec le son de Brooklyn, qui a influencé beaucoup de rappeurs de ma ville comme comme Ol’Kainry, comme Disiz. C’est mon école.
Abcdr du Son : Ron, je me souviens que vers 2010 sort ta mixtape avec DJ Stresh, Reality Tape, accompagnée de clips réalisés par Tcho. Et tu annonçais alors un album qui devait s’appeler Reality Rap. Qu’est-ce qui s’est passé pour que finalement ça n’aboutisse pas ?
Ron Brice : D’une part, il y avait un problème de deal, de trouver le bon partenaire pour sortir le projet. J’étais dans une dynamique différente dans la manière de travailler. Il fallait que je sois satisfait à 200% de ce que je faisais avant de sortir. C’est un truc qui a pu me porter préjudice par le passé. Et je trouve que 12 Monkeys, justement, m’a ramené le fait d’être plus spontané dans la création. Parce qu’avec Stresh, on était deux à bosser de cette façon-là, donc ce n’était pas facile. Il aurait fallu quelqu’un avec nous qui soit dans une dynamique de se dire « on va proposer ça aux gens et après on fera d’autres choses. » Finalement on a fait beaucoup de rétention par rapport à la musique qu’on faisait. Quand les mois ont passé, je me suis dit qu’on n’était plus dans le bon timing. Avant j’avortais les projets comme ça, facilement. Je faisais des albums bien mixés, masterisés… J’étais tellement déjà dans l’optique de classique, d’être perfectionniste. Tandis que maintenant, j’ai toujours de l’exigence, mais je me dis : la musique, si tu ne la donnes pas, ça n’existe pas. Tu auras beau faire les meilleurs morceaux, tu auras beau faire les meilleurs trucs, si les gens ne sont pas au courant, ça vaut rien du tout. Si j’avais sorti Reality Rap en 2010, je ne serais pas là où je suis aujourd’hui. Je te dis ça sans prétention. On avait sorti « Bête noire », puis « Reality Rap » : c’était un peu la direction de cet album, avec des gros producteurs de l’époque. J’avais C.H.I., Soulchildren… Le problème était que je voulais faire plus et qu’au final j’ai laissé traîner le projet, que je n’ai pas sorti. Je trouve que c’est un peu dommage, mais aujourd’hui on est là pour sortir les trucs. Et depuis 12 Monkeys, quasiment tout ce que je fais, ça sort.
Abcdr du Son : De ton côté, CHAM, il n’y a pas de traces discographiques avant 12 Monkeys. Quel a été ton parcours artistique ?
CHAM : Le fait marquant, c’est que j’ai la chance d’aller d’aller aux États-Unis en 1996, à Washington plus précisément. Et cet été là sortent It Was Written de Nas, Beats, Rhymes and Life d’A Tribe Called Quest. Même du R&B, parce qu’il y a New Edition qui revient à ce moment-là. Je me prends tous ces trucs-là et j’ai l’impression que je suis né avec ça, parce que mes grands sont tous DJs. Et au retour de ce voyage, je me dis que je vais me mettre au rap. Je dois avoir quinze ans. Quelques années plus tard, avec Stanza, on a fait la compil’ Juste nous avec pas mal d’artistes. J’ai sorti un maxi encore un peu avant ça avec 20Syl au tout début. Et le vrai basculement pour me dire que je vais vraiment rapper c’est les prods de Stanza et de Ouz’One parce que je rencontre d’abord Stanza, mais Stanza me dit « j’ai mon petit frère qui est là et qui fait aussi des prods. » C’est vraiment à ce moment-là où je prends le truc vraiment très, très, très sérieusement.
Franc : Il faut préciser qu’il a changé de nom. [rires] Si tu cherches Arken, tu vas trouver sur YouTube un freestyle énervé.
CHAM : On va dire que j’ai fait table rase du passé pour me reconstruire avec le 12.
Stanza : Je pense que c’est important de le préciser : quand on se rencontre, je suis encore étudiant. En 2005, le premier projet où je pose une prod, c’est Juste nous. C’est DJ Fab d’ailleurs qui pose sur ma prod, c’était dans l’intro du projet. C’était un truc de fou. Je découvre cet univers-là : il y avait Noëlla et Vestat, de Basic, à l’ancienne. [NDLR : Basic était un groupe composé des rappeurs Vestat et Endo] Je découvre Enz, Astronote, Bunzen… Et donc moi : première scène, première prod posée. Et quand je découvre Arken – CHAM – pour moi c’est le meilleur rappeur de France à ce moment-là. Et je me dis « mais il le sait pas, ou… ? » [rire gêné de CHAM] Vraiment, c’est comme ça que je le voyais ! J’étais vraiment persuadé de ça.
Ron Brice : Et pour l’anecdote, je devais être aussi sur sur la compilation Juste nous. Mais je pense qu’il y avait eu un problème avec le morceau que j’avais envoyé. Ou Noëlla voulait une autre ambiance par rapport à ce qu’elle recherchait. Juste nous, c’était balaise à l’époque. Young LeF [NDLR : DJ, aujourd’hui producteur et réalisateur de M City] m’avait mis en contact avec Noëlla, donc Juste nous c’est un truc auquel j’ai assisté. J’avais fait des scènes justement avec Enz, il y avait un gars qui s’appelait Flowbless à l’époque. On partageait les plateaux ensemble.
Stanza : On avait fait une scène au Triptyque qui avait marqué un petit peu, juste avant la réédition au Japon, parce que Noëlla avait fait une réédition japonaise en digipack, c’était vraiment lourd. C’était une chance de commencer avec un projet comme ça, avec toutes ces personnes-là qui continuent à être actives. Parce que Astronote, Aayhasis… Trop forts. On se côtoyait et se parlait tous avec MySpace. C’est les fondations de ça.
« La musique, si tu ne la donnes pas, ça n’existe pas. »
Ron Brice
Abcdr du Son : Et du coup, à quel moment vous rencontrez Franc ?
CHAM : Franc arrive au moment de la première session studio. C’est Diwe [NDLR : rappeur] qui le fait venir, en disant qu’il y a un projet intéressant avec Ron Brice et moi – on ne se connaissait pas avec Franc. Et en fait l’alchimie est née ce soir-là, fin 2017, cette première soirée de studio où on a un morceau qui sera notre premier morceau clippé par la suite sur ma prod – je faisais encore beaucoup de prods à l’époque.
Franc : Diwe me connaissait aussi parce que j’avais monté un label au Cameroun. J’avais travaillé un petit peu avec des artistes africains rap et musiques diverses. J’avais un artiste rap, Kobe King, et un artiste un peu reggae. Diwe me connaissait comme un gars carré, structuré, qui sait bien faire ces choses. Et donc il m’a contacté vraiment à ce moment-là en me disant « je vais monter un label. » J’étais dans autre chose, j’ai dit « laisse ça. » [rires] Je lui ai dit « mais t’as qui comme artiste ? » Il me dit « Ron Brice ». Là, je m’assois parce que déjà j’étais fan de Brice, c’est quelqu’un que je connaissais, je suivais sa musique. Il me dit après « j’ai d’autres artistes », il m’a fait écouter des sons, j’ai découvert CHAM, je me suis dit « comment je ne connais pas ce mec ? ». J’étais à un moment où je n’écoutais plus de rap français, j’écoutais du rap américain parce que je m’y retrouvais plus, et j’ai découvert ces gars-là. Je dis souvent que je suis un esclave de ce que j’aime, c’est à dire si j’aime quelque chose, j’y vais. Je fonctionne avec le cœur et je ne pouvais pas dire non à cette proposition. Et c’est comme ça que je me suis retrouvé dans cette aventure, tout simplement.
Abcdr du Son : On parlait de cette session en 2017. Vous vous rencontrez quand même un petit peu avant tous les trois ou c’était vraiment au même moment ?
CHAM : Avec Ron on se connaissait déjà un petit peu parce qu’on avait fait deux morceaux ensemble. Stanza, Ouz’One, c’est pareil. Francis, je l’ai découvert à ce moment-là, et Diwe, on se voyait aussi de temps en temps. Donc c’est vraiment 2017 où je reçois un coup de fil de Stanza qui me dit « on a envie de monter un label avec Diwe, est ce que tu es chaud ? » Moi, j’ai jamais arrêté la musique, même si je ne sortais pas de truc. C’est impossible pour nous finalement de se mettre en pause et de ne plus en faire.
Abcdr du Son : Même en terme d’esthétique de rap. Le rap français du milieu des années 2000 commence à devenir de plus en plus froid, synthétique. J’ai l’impression que vous avez toujours eu ce goût pour un rap au son beaucoup plus organique, avec cette approche très new-yorkaise des années 90. Ça vous a tous suivi, ça semble être à la fondation de l’esthétique du label.
Stanza : Et c’était dix ans avant le label ! Quand on fait le clip avec Diwe qui nous amène à imaginer la création d’un label, c’est quand on invite Ron Brice. On avait fait un premier projet Di-Stanz, sorti en 2014 et complètement autoproduit. On a voulu en faire un deuxième Di-Stanz et on s’est dit que pour annoncer ce projet là, on devait inviter Ron Brice sur un son. Il a bien kiffé la prod que j’avais faite. Ils avaient posé dessus pour un morceau, « Big Bang Rap », c’était incroyable. C’est jamais sorti d’ailleurs. [rires] Toute la genèse de 12 Monkeys, ça vient de ça. Et du coup même le nom c’était évident, on s’est dit « c’est ça ».
Abcdr du Son : Pourquoi ce choix du nom de 12 Monkeys ? C’est une référence à L’Armée des douze singes ?
Stanza : Il y avait de ça. Ça m’a marqué comme film. Je suis un mec de la SF, et je sais que ça nous parlait tous et j’aimais bien la logique des chiffres avec un mot à côté. Il y a le côté aussi 45 Scientific, on vient tous de cette école. Donc un chiffre, un mot.
Abcdr du Son : Je me suis aussi demandé si c’était une référence à Sean Price et l’album Monkey Barz.
Stanza : Pas en direct, non.
Ron Brice : Pour l’anecdote, j’avais un autre pseudonyme avant et je crois que quand Monkey Barz est sorti, c’est là que j’ai pété un câble. Il fallait un truc qui sonne comme Sean Price. Voilà, c’était ça. [rires] Parce que quand c’est sorti en 2005, laisse tomber, j’ai pété un câble avec ce projet.
Abcdr du Son : Je trouve que ce n’est pas si anecdotique que ça, parce qu’encore une fois, c’est au même moment que vous commencez à affirmer des choses artistiquement. On est au milieu des années 2000 et il y a cette espèce de contre mouvement à New York avec le label Duck Down qui tape du poing en disant : « on va vous montrer comment on fait du rap new-yorkais ».
CHAM : Et en même temps, avec Stanza, il y a une ère qui nous lie : celle de Little Brother, dès le premier album, The Listening.
Stanza : Young LeF m’appelait 10th Wonder. [rires] Ça m’a tellement bousillé en fait 9th Wonder que même mes prods, ça ressemblait aux siennes. C’était pas un son qu’on entendait en France, parce que le son très soul, à part avec Soulchildren, il n’y avait pas beaucoup de personnes qui exploitaient le fait de sampler comme ça, avec des batteries comme 9th ou Khrysis le faisaient. C’était la modernisation de toute l’ère Pete Rock, Primo. J’étais aussi influencé par Nottz, Dilla, bien sûr. Mais comme l’a dit CHAM, Little Brother, ça nous a mis d’accord. Ça nous a forcément orientés dans la couleur artistique qu’on voulait défendre quoi.
Abcdr du Son : C’est des références que tu as en commun avec eux, Francis ?
Franc : Pas du tout. Little quoi ? [rires] Moi, je suis un mec Harlem. Dipset. Même tout ce qui est Mobb Deep, je découvre plus tard. J’ai la particularité d’avoir grandi en Afrique : dans les années où vous êtes bousillés, moi je suis sur d’autres musiques, donc ce sont des choses que je me prends bien après. Mais par contre on se rejoint. Le son de la côte est, je l’ai pas écouté à l’instant où il sortait mais je l’ai réécouté après. Et oui je suis un grand bousillé. Donc moi ma période c’est vraiment Dipset, Cam’ron, Vado.
CHAM : Mais Dipset ça vient de toute manière forcément dans la discussion, tout comme Duck Down. C’est nos influences, clairement.
Stanza : Avec Ouz’One, qui est mon petit frère, on a cinq ans d’écart, donc pas les mêmes influences niveau musique. Ce qu’il prend comme gifle c’est toute la période de Timbaland et The Neptunes. Donc des instrus plus composés. C’est pour ça que ses prods sont plus musicales que moi. Et on sent d’ailleurs dans les instrus qu’il a produit pour CHAM qu’il y a beaucoup d’arrangements. Et puis après il s’est pris une gifle avec Tyler, the Creator. Ça a du sens quand on voit que Tyler est bousillé à MF DOOM, que Earl connecte avec Alchemist : c’est nos écoles ! Tout ça se mélange. Et peut-être que les gens ne se rendent pas compte qu’il est possible d’avoir une couleur musicale qui prend tout ça. Mais là je me rends compte que nos références sont vachement américaines. [rires]
« Quand on a monté le label, je disais : « On ne fait pas la musique qui marche, mais on a l’ambition de faire marcher la musique qu’on fait ». »
Oncle Franc
Abcdr du Son : 12 Monkeys est donc une histoire qui nait avec cette rencontre clé en studio, en 2017. Francis, comment tu t’es intégré à ce projet-là en ayant tous ces artistes avec ces parcours et ces références ? Est ce que c’est aussi la dynamique que tu essaies d’impulser depuis ce moment charnière de cette première session studio ?
Franc : Ce qui est intéressant, c’est qu’on a monté un label, on a monté une structure, qui n’existe que si elle sort des projets. Donc je pense que ça conditionnait chacun à se dire : « j’ai une équipe, donc j’engage les gens qui travaillent autour. » Ils n’ont pas de comptes à rendre, mais ils savent quand même que je suis derrière. Des fois, je taquine un petit peu Ron sur les réseaux en lui demandant son rap, il est où ? [rires] C’est une façon de mettre un peu la pression. Je pense que oui, de savoir qu’il y a quelqu’un à côté, une équipe qui travaille autour, ça les a mis dans la dynamique de se dire qu’il faut que ça sorte. Et c’était la raison de vivre.
CHAM : Ça peut être souvent la configuration qui manque à un très bon artiste. Le fait de se dire une fois sorti du studio : « Je fais quoi ? Je le donne à qui ? » C’est le travail de Franc. Une fois sorti du studio, je peux souffler et me dire : « ok, maintenant on fait quoi ? » Le job est fini.
Abcdr du Son : Mais pas complètement fini non plus quoi… [rires]
CHAM : L’image qu’on a travaillée depuis le premier Posture et Dress Code, je pense que si Franc n’avait pas été là, ça n’aurait pas été aussi bien peaufiné. Avoir ce regard extérieur, cette structure : 12 Monkeys, m’a changé en tant qu’artiste. Clairement.
Abcdr du Son : Francis, tu n’as donc pas seulement le rôle de gestionnaire, pour le dire un peu de manière grossière, mais aussi de D.A aussi, d’accompagnement sur la réflexion artistique du label ?
Franc : Pas forcément. L’avantage que j’ai, c’est que ce sont des artistes matures. Il y a toujours de l’évolution, mais ils savent ce qu’ils veulent, et on se rejoint là-dessus. Ils vont faire leur D.A et on va les aider à peaufiner. Comme CHAM disait, il sort du studio, il a un morceau qui peut très bien rester dans son téléphone et ne jamais sortir. Mais le fait de me le faire écouter, tout de suite, je commence à me faire des scénarios. Donc on les aide à aller plus loin dans ce qu’ils veulent faire, mais à chaque fois ça part vraiment de leurs idées.
Stanza : Je confirme. Parce que en termes d’image, c’est vrai qu’on se connaît depuis longtemps avec CHAM et toute son imagerie et son esthétique d’aujourd’hui émergent vraiment depuis le 12. Un artiste, ça ne peut pas être que la musique. Il faut que tu marques les gens avec ta musique mais aussi avec l’image que tu renvoies de toi. Et c’est vrai que l’évolution de CHAM ces dernières années, c’est ça. Et tout ce qu’a dit Ron par rapport au fait de ne pas sortir des projets qui étaient pourtant aboutis : il faut que quelqu’un d’extérieur dise « là, maintenant, faut sortir ça ». Ça donne une espèce de dynamique, une cadence qui crée le label. Il y a peu on a regardé les covers mises cote-à-cote, et on s’est dit « Ah ouais, quand même, ça commence à faire, là. »
Abcdr du Son : Le premier disque, c’est BlackList de Ron Brice, en 2018. Pour rebondir à la fois sur tout ce qui vient d’être dit et aussi ce que tu disais, Ron, sur le fait que tu as fait beaucoup de rétention dans le passé, qu’est-ce qui a été un déclencheur ? Une suite logique de cette fameuse rencontre en 2017 ?
Ron Brice : Oui, honnêtement, ça a joué beaucoup. Avoir Francis qui a une vision extérieure. Et puis aussi, c’était l’époque où Griselda sortait beaucoup de trucs. Et je pense que ça a été aussi une inspiration dans le sens où ils mettaient beaucoup de musique dehors. La dynamique nous a inspiré à sortir beaucoup de musique, de ne pas bosser comme le faire dans les années 90 ou 2000, de se contenter d’avoir un morceau par-ci, par-là. Ça nous a mis au travail en fait.
Abcdr du Son : En plus, ce disque commence par le morceau « Nouveau chapitre », qui débute avec ces mots : « Tout reconstruire à partir de débris ». Ça sonne presque comme un credo au vu de vos quasi deux décennies de parcours dans le rap.
CHAM : BlackList, c’était vraiment le début de quelque chose dans le sens où, quand on a commencé le 12, on s’était imposé de sortir un clip tous les mois pour se dire « ok on se teste un peu. » Et c’était vraiment une année dingue parce qu’on n’a pas arrêté. Un clip par mois, c’est énormément de taff, et ça nous a consolidés. La deuxième étape arrive avec BlackList, et les EP et albums qui sortent à la suite. Le 12 s’est donc fait en deux temps.
Abcdr du Son : Ron, comment tu t’es senti une fois que BlackList est sorti justement ? Ça t’a permis de gagner en confiance et en conviction ?
Ron Brice : Totalement. Pour moi, BlackList, c’était comme si c’était le premier projet. J’avais déjà des morceaux dehors, dont un avec Casey quand j’avais vingt ans. Mais comme je n’avais pas structuré ces sorties, le fait de travailler avec un label, d’être dans une nouvelle configuration, c’était vraiment un nouveau départ, un nouveau souffle. Parce que quand tu n’as pas la configuration, tu peux perdre la motivation, tu peux perdre un peu de vue ton objectif. Et là, je sais que j’ai des gens autour qui vont m’aiguiller, qui vont m’aider sur la manière de la faire découvrir, la manière de l’amener au public. BlackList a vraiment été une nouvelle dynamique pour moi.
Abcdr du Son : Et d’ailleurs, juste après, il y a Posture et Dress Code qui sort… Ron disait que pour lui c’était presque un nouveau départ…
CHAM : Moi, c’est un départ ! [rires]
Abcdr du Son : Comment s’est construit ce disque-là et est-ce que ça a pu être une vraie réinvention pour toi ?
CHAM : J’avais la pression, clairement. Parce que je me suis dit : « déjà, par quoi je commence ? » Parce qu’en fait j’avais jamais fait de disque, donc par quoi commencer ? Le point de départ, c’est que j’avais un morceau produit par Ouz’One, « Sexy & Psycho ». Je me suis dit : « je vais prendre ça comme point de départ et je vais construire autour de ça. » Posture et Dress Code m’a enlevé un poids. J’avais eu cette conversation avec Ali parce qu’on avait fait une release party. Il m’a dit : « maintenant c’est bon, respire. » Je l’ai perçu comme une libération de tant d’années où j’ai fait du son sans forcément sortir. Là, c’était concret.
Stanza : C’est bien que tu parles d’Ali, parce que c’est un peu ça qui s’est passé aussi pour moi. J’avais déjà travaillé avec Ali avant le 12, en posant une prod dans son album Que la paix soit sur vous [NDLR : « La Clé »] – Ouz’One avait mis deux prods dedans d’ailleurs. [NDLR : « Survivant » et « Que la paix soit sur vous »] Le fait de construire cette structure où on a un cadre pour sortir des choses, ça permet vraiment d’avoir un pied dans quelque chose de concret. La formation Wave Clique qu’on a avec Ouz’One, elle n’existe pas avant le 12. Parce qu’on n’a pas vraiment une entité de production. Pendant nos brainstormings, on s’est dit qu’on avait une couleur artistique qui nous réunit sans forcément qu’on fasse des prods ensemble. Mais un peu comme Therapy 2093 et 2031, on a chacun notre identité, et on la défend dans le cadre du label. Ouz’One participe beaucoup à la couleur de CHAM. Dans le dernier projet, « Karma » et « Drama » sont vraiment chauds. Je suis content parce que moi, sortant moins de prods parce que la vie m’a un peu rattrapé ces dernières années, et bien il y a quand même du WaveClique qui se ressent dans l’identité du label.
Franc : Il y a plein d’artistes indépendants qui sont qui sont isolés dans leur coin. C’est important même quand tu travailles tout seul. Je pense à un autre frère, Double Zulu, qui a monté un label. Rien que ça, c’est un déclic dans ta tête. Pour nous BlackList, c’est une grande fierté encore aujourd’hui, c’était notre premier disque sorti, et dans de très bonnes conditions. Des gens me le demandent encore en vinyle. C’est vraiment important d’avoir une structure pour un artiste parce que sinon il peut partir dans tous les sens ou perdre de la motivation. Quand on fait la musique comme on la fait, c’est un marathon. Et tu ne peux pas te lancer dans un marathon sans préparation. La structure nous permettait de nourrir des ambitions qui ne font que grandir. Donc je suis content de les entendre dire que ça leur apporte vraiment quelque chose.
Abcdr du Son : Dans votre morceau « Expansion », CHAM a cette phrase : « dealer avec les compromis, pour moi très peu. » Avoir cette structure indépendante, dans l’écosystème rap dans lequel on est aujourd’hui – un rap plus grand public qui doit composer avec une sorte de cahier des charges et des enjeux financiers – c’est aussi avoir une forme de liberté d’aller jusqu’au bout de la musique que vous voulez faire ?
CHAM : Clairement. On ne se met pas de barrières dans ce dans ce qu’on fait. On fait la musique comme on la ressent. Ça nous libère en fait, ça libère notre musique, ça libère notre notre créativité. Parce que malgré tout, ça fait six ans qu’on fait ça. Et le label, finalement, il tourne pas en rond, il avance.
Abcdr du Son : Vos sorties ne se ressemblent pas, même si vous avez une ligne conductrice.
CHAM : Exactement. Donc il y a une vraie production avancée dans l’imagerie, dans la musique qu’on propose, et je pense que ça ne s’arrêtera pas comme ça. Et c’est bien d’avoir cette structure-là pour l’instant en tout cas telle qu’elle est.
Franc : On est dans une position où on se dit que c’est un luxe, qu’on peut se permettre de faire la musique qu’on veut. Combien d’artistes peuvent se permettre ça en réalité, et sur la durée ? Le label leur garantit de ne pas avoir la pression autour de la question des chiffres. Et la question ne se pose même pas. On est structurés pour faire ce dont on a envie. Quand on a monté le label, je disais : « On ne fait pas la musique qui marche, mais on a l’ambition de faire marcher la musique qu’on fait ». Ça, c’est notre objectif. On ne fera pas autre chose, jamais. Quand on démarre cette aventure vers 2017-2018, il n’y a pas beaucoup de personnes qui sont attentives à cette esthétique de musique. Si tu regardes aujourd’hui, ça évolue. Tu vas écouter tous les albums qui sortent, il va y avoir quand même des sonorités qui se rapprochent. Il y a des jeunes artistes qui sont arrivés, qui proposent ce style de musique. Donc quelque part, on se dit que ce n’est pas une ambition totalement folle. Donc c’est quelque chose qui a sa place. De toute façon, on veut faire quelque chose qui va marquer son époque et c’est ce qu’on est en train de construire. Donc on est très confortables dans ce qu’on propose, on est à l’aise. [rires]
CHAM : Et puis finalement, je pense qu’on n’a pas eu totalement tort vu le nombre de rappeurs qui reviennent au « rap ». La direction qu’on a pris, j’ai l’impression qu’elle n’est pas étrangère à ce qu’il y a actuellement de tous ces rappeurs qui reviennent en se disant « mais moi je veux rapper ! » Mais en vrai, quelque part, tu faisais quoi avant ? [rires]
Ron Brice : Depuis le temps qu’on sort des trucs, forcément, ça donne l’inspiration aux gens. Des gens sont revenus, des gens sont arrivés, et ils ont forcément ça [le label 12 Monkeys] comme référence. C’est normal, c’est une bonne chose. On ne leur demande pas de citer leurs sources ou de citer leurs inspirations… mais quoique il y en a qui pourraient le faire en vrai. [rires]
Abcdr du Son : Au-delà de ça, j’ai la sensation que depuis six ou sept ans autour de vous, avec Just Music Beats, Hemo et son label Dyapazon, Ockney, Eloquence et Joe Lucazz, M City, Zulu, Tedax Max, Tookie, il y a quand même une nouvelle place pour un registre de rap qui avait pu être déconsidéré quelques temps. Soit par la force du travail, soit par la force de proposition des artistes, soit aussi peut-être grâce à un écosystème plus favorable. Aujourd’hui, il y a plein de propositions de rap qui peuvent exister.
Ron Brice : La dynamique joue beaucoup. Le fait qu’il y ait beaucoup de sorties, beaucoup d’artistes. Qu’il y ait aussi ce mouvement aux États-Unis qui revienne parce que dans les années 2000, quand il y a eu la mode du rap du Sud, le rap qui sonnait Côte Est n’était plus forcément à la mode. Il y a plein d’événements qui contribuent à ce que ça relance un courant. Donc maintenant ce n’est pas ringard.
Stanza : Il y a un peu ce talon d’Achille en France où le style à la mode efface tous les autres styles. Et je trouve que le parti pris qu’on a dans le label de faire la musique telle qu’on veut la faire, pas la musique telle que le marché l’attend, c’est un pari, mais on le prend. Je me revendique de l’école de l’Est mais aussi de l’Ouest. Evidence ou Nipsey, ça me parle dans le type de rap qu’ils font. La France est peut-être trop petite pour se rendre compte que tout ça coexiste avec le rap très visible. Alors qu’il y a des gars très forts, qui se revendiquent d’autres écoles, avec de la musique très visible. Et je pense qu’il y a de la place pour tout le monde. On pourrait être surpris de voir comment le public est avide de découvrir des nouveaux artistes, parce que le conformisme, ça va un moment. Tout le monde va mettre les mêmes chaussures, tout le monde va écouter les mêmes sons. Je pense qu’il y a des personnes qui vont dire « Ah mais je ne savais pas qu’en France il y avait ce type de rap-là ». Et on est très loin d’être nostalgiques. Ce n’est pas du tout dans nos mots, ce n’est pas comme ça qu’on voit la musique. Parce que beaucoup de personnes pourraient croire qu’on fait du revival. Pas du tout. On fait juste la musique telle que, nous, on la conçoit. C’est la musique de 2024, mais à notre manière. Et ce n’est pas du tout de la nostalgie d’un rap passé qu’on est triste d’avoir vu disparaître. Parce qu’il y a peut être beaucoup de personnes qui voudraient nous mettre dans ce panier-là, mais ça ne vient pas de nous en tout cas.
Abcdr du Son : Et ça se sent en particulier, je trouve, dans l’évolution de vos prods avec ton frère, Ouz’One. Sur le dernier disque de CHAM on sent qu’il y a aussi l’affirmation de votre univers artistique en tant que producteurs. Il y a un cadre dans lequel vous pouvez aussi développer une forme d’affirmation.
Stanza : Ce n’est pas toujours facile parce que c’est vrai qu’il y a des prods qu’on va envoyer et on va dire « ça, vous, vous allez kiffer, mais les gens ne vont pas comprendre ». C’est dur de l’entendre quand on est artiste. Mais il faut qu’une personne avec un œil extérieur nous le dise, parce que ça va orienter un peu notre façon de produire tout en maitrisant notre ADN. Une prod comme « Le Choix des armes », j’aurais pas parié sur elle. Et pourtant quand CHAM la prends et que ça sort, je vois le clip, je n’aurais pas pensé que ça allait être bien comme ça. C’est cool de se dire que je peux sortir quelque chose qui est contemporain, sur lequel je ne vais pas miser, mais comme on a une équipe, quelqu’un va se dire « c’est ça ! ».
« On vise à faire de la musique qui ne vieillit pas. »
Stanza
Abcdr du Son : Sur cette affirmation, vos sorties à tous les deux Ron et Cham permettent aussi d’affiner thématiquement ce que vous voulez défendre, une forme d’éthique entre réalité et fiction, puisque l’un et l’autre vous avez un rapport aussi différent et qui se complètent assez bien. Chez toi Ron, il y a une forme de droiture dans ton regard sur la rue, sur certaines illusions. Et dans « Exhibition » où tu dis : « sorti d’l’école, mauvais élève pourtant bien élevé, appliqué quand j’écrivais pour pour prouver un QI élevé ». Il y a la rue, il y a les conditions de vie dans lesquelles on peut grandir et en même temps il faut qu’on s’élève aussi.
Ron Brice : Oui. Après comme je dis, ça dépend des écoles. Quand je dis des écoles, ça veut dire le courant de pensée que peuvent avoir les gens que tu fréquentes ou les gens qui sont autour de toi, ou par rapport à l’état d’esprit que toi tu as. Et puis il y aussi la musique que tu as écoutée. J’ai beaucoup écouté le rap français des années 90 et ça, c’était un état d’esprit normal. Et puis il y aussi le fait de fréquenter certaines personnes ou d’écouter certaines musiques. Parce qu’il y en a qui sous-estiment le fait que, si tu écoutes les mauvais rappeurs quand tu es petit, ça peut t’influencer. Ça, c’est une réalité.
Abcdr du Son : Dans « Pédigrée des grands », tu sors : « Rappe la rue. N’oublie surtout pas de leur dire qu’elle craint. Qu’on le veuille ou non, on peut tous être un modèle pour quelqu’un ».
Ron Brice : Exactement. Et en fait, quand t’écoutes du rap à dix onze ans, tu écoutes ça toute la journée, tu te projette, tu peux fantasmer une vie. Ça peut te projeter, dans certains moves, dans certains moods, dans certains états d’esprit. J’ai beaucoup écouté ces rappeurs des années 90 : c’étaient des cailleras, mais ce n’était pas ce qu’ils mettaient en avant.
Abcdr du Son : Daddy Lord C disait : « caillera je veux bien, mais toutefois avec du génie. » [NDLR : dans « Toujours plus haut » de La Cliqua]
Ron Brice : Exactement, avec du génie. C’était l’état d’esprit dans lequel j’ai grandi. Et du coup, les mecs avec qui je trainais avec qui on a fait les 400 coups, à chaque fois qu’ils prenaient le micro, il n’y avait pas un mot de travers, c’était toujours l’état d’esprit, c’était toujours le fait de vouloir aller en avant, de s’élever, de ne pas être dans la médiocrité. Je n’avais pas l’impression de faire de quelque chose de bien : c’était juste normal.
Abcdr du Son : C’était juste continuer à porter la torche.
Ron Brice : Exactement. Pour d’autres, ça va être différemment. Il y en a, ça va être plus l’entertainment. Ce que je fais, dans les années 2000, on appelait ça rap conscient. C’était l’étiquette que j’avais en fait. Aujourd’hui on va te parler de boom-bap mais dans les années 2000, on parlait de rap conscient. Pourtant, moi j’avais pas l’impression de…
Abcdr du Son : … Faire quelque chose de forcément conscient. Et de ton côté, justement CHAM, on retrouve ce rapport lucide au réel – dans « Mentors », tu rappes : « Jamais de GAV parce que trop peur de ma mere. J’cours après l’argent parce que trop peur de la merde ». Mais surtout, tu as ce truc de plus en plus assumé d’un rap très élégant et froid en même temps, luxueux. Tu as beaucoup d’images sur le gangstérisme, mais toujours avec ces atours fictifs.
CHAM : J’aime bien m’inspirer de ce que j’ai vu en film. Je suis un buté de films de Scorsese et de plein d’autres. Et j’ai toujours aimé intégré ça en fait. Mais peut-être que cette intégration je l’ai faite un peu maladroitement sur les premiers Posture et Dress Code, mais en fait je l’assume beaucoup plus aujourd’hui et je le perfectionne encore. Aujourd’hui, je peux mélanger le réel et le fictif, dans le sens où je peux m’en servir pour pouvoir donner un avis ou un conseil.
Abcdr du Son : Et du coup, Franc et Stanza, vous qui êtes soit à la musique, soit derrière dans la réflexion autour du label, est-ce que c’est important de vous reconnaître dans ce qu’ils rappent ? Que vous en soyez presque à vous dire, « j’aurais aimé le rapper ».
Franc : En plus moi j’ai jamais caché : j’ai écrit à un moment mais j’étais nul donc je n’ai pas pris le micro. [rires] Beaucoup auraient dû faire comme moi mais bon. [rires] Comme tu disais, il y a une partie réelle et une autre fictive, on se retrouve totalement là-dedans. Ron a une phrase toute bête que moi j’aime bien sur BlackList, sur « Sous le choc », qui est un de mes morceaux préférés : « faut un dos large pour tout qu’on supporte. » Et la dernière fois : « la pression partage mes jours comme une épouse. » Ce truc de vie d’homme et qui pour moi en réalité est plus gangster que n’importe qui qui tire. Ce vrai truc que les gangsters ne peuvent pas eux, supporter, ils vont se cacher dans la rue plutôt que d’assumer la vraie vie. C’est des choses dans lesquelles, quand j’écoute ça, je me reconnais et c’est plus facile pour moi d’aller porter ça. Pareil pour CHAM dans un morceau qu’il a fait avec Ron sur son premier Posture et Dress Code, « La Ligne blanche ». Il parle d’un jeune qui est à la fac, qui est en même temps du côté illégal. Je me reconnais dans ce truc. C’est important parce que c’est ma vie. Moi je suis quelqu’un qui a eu un équilibre familial et une éducation où il fallait aller à l’école. Et puis j’ai eu des petits travers à l’extérieur parce que ça m’attirait. Mais j’ai toujours flirté entre ces deux lignes là. Et c’est vrai que quand tu parles de réel et de fiction, je me retrouve et c’est effectivement des choses que j’aurais aimé écrire et j’ai jamais pu envoyer ça. [rires]
Stanza : Je vois ça avec le côté artistique. Je fais partie de ceux qui ont kiffé le rap sans comprendre les paroles, parce que j’ai commencé avec le rap américain, donc c’était toujours d’abord la musique. Et là je me retrouve avec des gars dans mon équipe dont j’aime bien la musique, mais les paroles me portent aussi. Ron, c’est vraiment le rap que j’aurais voulu faire dans l’authenticité, c’est le terme qui ressort. Et CHAM, c’est le rap Basquiat. C’est des peintures. Et on en parlait ça avec Francis il y a très longtemps, au début du label et il disait « Mais qu’est ce que vous racontez dans vos rap là en fait ? » [rires] Le Ill de la grande époque savait très bien faire ça, rapper des fresques. Et pour moi CHAM aujourd’hui c’est l’un des meilleurs à faire ça. On écoute son rap, c’est très cinématographique, on comprend l’univers dans lequel il est. C’est pour ça que j’aime bien les covers qu’on choisit aujourd’hui, parce que elles montrent l’univers dans lequel on s’inscrit. Et quand on écoute, on se dit « ah ouais, c’est la soundtrack ». Moi qui ai beaucoup rappé, même si aujourd’hui les gants sont presque raccrochés, je sais que c’est quelque chose que je n’aurais pas pu faire. Ni l’authenticité de Ron, ni le rap cinématographique de CHAM. Et je suis très content qu’on puisse enfin promouvoir ce type de rap-là parce que ça ne se fait pas beaucoup. Aujourd’hui il reste des mecs comme SCH ou Laylow qui sont très cinématographiques. Et dans le rap authentique, il n’y en a plus beaucoup. Ou c’est des jeunes qui montrent le côté rue, mais sans ce regard mature. Je trouve que parfois en fait c’est ce qui manque : le recul et pas la glorification. Et quand quelqu’un sait bien le faire, ça fait Ron.
Abcdr du Son : Il y a encore une phrase que j’aime beaucoup quand tu dis « on se vante d’une violence dont nous sommes nous-mêmes les propres victimes ».
Ron Brice : Dans tous les cas, ça fait un bout de temps que c’est ce que je veux développer, une direction par rapport à mon vécu et mes expériences. Pour moi, c’est important de véhiculer ce truc-là et de mettre les formes pour que ça soit accessible et pour que ça soit un truc cool à écouter.
Franc : C’est intéressant parce que c’est un parti pris. La rue, il aurait pu la raconter du côté que les gens veulent entendre, parce qu’il y a été, il était dehors. Il aurait pu la glorifier pour devenir une star et être adulé. Mais derrière, ça profite à qui toutes ces conneries là au final ? Il y a des limites. On aime bien l’entertainment, on a des phrases dans des morceaux qui sont très légères. Mais je pense qu’il faut quand même une limite à certaines choses.
Abcdr du Son : Et puis ça me fait penser à une phrase que tu as d’ailleurs dans le premier morceau de Pedigrée des grands où tu dis « pas un rappeur d’industrie, je suis à propos de culture, son incarnation, sa version la plus pure ». J’ai l’impression que c’est aussi peut être un truc que vous défendez tous en fait via ce label. Défendre une certaine vision, une certaine éthique de ce que vous considérez du rap.
Franc : Et c’est celle qui sera toujours là. On s’est payé le droit de faire du rap jusqu’au moment où on n’aura plus envie, parce que ses textes, à cinquante ans, il pourra les écrire. J’en ai croisé un la dernière fois, un rappeur de rue. Il ne peut plus rapper. Parce qu’aujourd’hui, tu vas dire quoi ? Il y en a, on les a vu couchés en train de se faire taper au sol. La rue, c’est pour les plus jeunes maintenant… Mais nous on pourra continuer le label, puis recruter d’autres artistes par la suite, continuer à faire notre truc parce que notre structure tient. On peut se regarder devant la glace tous les matins et continuer.
Ron Brice : C’est pour ça que souvent je regarde des interviews de rappeurs, qui sont cotés et ils se disent qu’ils ne se verraient pas rapper à quarante ans. Mais je sais pourquoi. Parce que tu sais que ce que tu fais ce n’est pas un truc sérieux. C’est un braquage. Nous, on ne vit que pour notre art, dans un premier temps. Et dans un second temps, on développe notre point de vue, notre vie. Ce sont des choses qui évoluent avec nous, qui évoluent avec notre âge. Donc on ne sera jamais dépassés par rapport à ça. Ça veut dire que l’année prochaine, dans deux ans, je peux toujours rapper des trucs qui sont en adéquation avec ma personnalité, avec mon âge, avec avec ce que je suis. Les gens nous écoutent depuis un certain temps et ils savent qu’ils peuvent nous suivre et ils savent qu’on peut continuer à donner ça en fait.
Stanza : Et même pour la musique, c’est vrai. C’est à dire que si dans l’univers artistique lyrical, dans les thématiques abordées, il y a une volonté d’intemporalité, dans la musique aussi. On ne veut pas produire des choses qui, quand on va les réécouter, seront dépassées. J’écoutais l’interview de Mehdi Maïzi avec Infinit’ [dans l’émission Le Code], il disait qu’il y a des musiques que tu écoutes des années 2010, tu peux plus écouter ça maintenant. Ça a mal vieilli. On vise à faire de la musique qui ne vieillit pas.
Abcdr du Son : CHAM, je parlais d’élégance froide pour parler de ton style, dans les formules que tu vas utiliser. Peut être parce qu’il y a cette recherche de sophistication dans la manière de dire les choses et de les incarner, qui fait que ça donne ce côté aussi qui peut être intemporel. Je ne sais pas si tu es attentif à ce genre de détails parce qu’on peut souvent tomber dans le travers d’être fade ou facilement être dépassé.
CHAM : Ça fait quand même un moment que je fais ça et j’essaye vraiment de pousser le truc au maximum sans que ce soit trop redondant ou rébarbatif. Je me plais à le faire, et si tu as du plaisir à faire ce type d’écriture là, il n’y aura pas de lassitude. Là, par exemple, le morceau « Scénario » avec Akh c’était un kiff d’écrire sur Training Day.
Franc : Je ne capte pas tout à chaque fois pour rien te cacher. [rires] Mais après plusieurs écoutes, je dis « ah ouais d’accord ». Il l’a travaillé parce qu’au début c’était encore plus accentué. Pour dire un truc, il passait par des images…
CHAM : Et c’est venu avec le temps, le travail.
Abcdr du Son : Ça se sent sur des morceaux comme « Karma » ou « Messe noire ». C’est à dire que tu développes cette esthétique que tu as déjà eue, mais t’arrives à trouver des angles d’attaque.
Franc : « Messe noire », ça va, c’est passé. [rires]
Stanza : On a beaucoup discuté de ça !
Franc : C’était un sujet. Je suis très croyant, donc ce n’était pas évident, mais c’est de l’artistique. C’est un film. « Messe noire » on a voulu en faire un film. On aurait voulu pour « Drama » aussi, qui pour moi est magnifique comme morceau. On voulait prendre de la hauteur, nous on aime ça.
Abcdr du Son : Il y a un truc d’ailleurs qui est parlant sur le fait que vous faites un rap en phase avec l’âge que vous avez tous les deux : ces morceaux où vous parlez de relation avec les femmes. Alors ce qui est étonnant, c’est qu’à chaque fois, ça a l’air d’être très compliqué. [rires] Que ce soit « Tox Love » de CHAM ou « Si tu peux » de Ron. Mais je trouve ça intéressant dans la manière dont vous en parlez, parce qu’il y a très peu d’artistes de votre âge qui en parlent aussi ouvertement, mais aussi de manière nuancée.
CHAM : « Tox Love » est un morceau que j’avais besoin de faire à un moment donné. Je suis dans une relation longue depuis très longtemps et on est tous les deux des artistes. Deux artistes dans une même pièce, ce n’est pas forcément évident, [rires] mais c’est important aussi d’en parler. Et quand elle écoute le morceau, elle le comprend dans le sens où, effectivement, je peux avoir des torts et elle peut avoir des torts et c’est bien, ça apaise, c’est libérateur de faire ce genre de morceaux.
Abcdr du Son : C’est plus facile à comprendre que pour « En finir » qui est plus dure. [rires]
CHAM : « En finir » c’est toujours le côté un peu scénario, mais c’est vrai que quand je lui ai fait écouter, elle a dit « Waouh, c’est dur. » J’adore faire ce genre de morceaux moi en tout cas, parce que c’est un peu comme une thérapie dans ma relation de couple aussi et je trouve que c’est important.
Abcdr du Son : Ron, tu as aussi ce rapport avec le besoin d’évacuer des choses ? Comme tu as un regard très observateur, est-ce que parfois toi aussi, certains morceaux sont créés pour lâcher prise ?
Ron Brice : Honnêtement, pour lier ça à l’artistique, je te dirais que ce serait les trucs les plus faciles à écrire. Quand tu traverses un truc, ça te donne vraiment toutes les inspirations. Tu as juste à mettre les formes pour faire ton morceau, parce que c’est un truc que tu traverses. Tu n’as pas besoin de chercher. Par exemple, j’ai un morceau dans le dernier projet qui s’appelle « Salaire minimum ». J’étais arrivé sur une mission à l’époque, et quand j’ai reçu ma fiche de paye, j’ai vu 1284 €. C’est le truc qui t’inspire, en fait. Parce que rien que tu vois le chiffre : « voilà, qu’est ce que je peux faire avec ça ? Comment j’ai fait pour en arriver là ? » Au final c’est des trucs faciles à écrire.
« 12 Monkeys est un label d’artistes. Et artistes, c’est rappeurs et beatmakers. »
CHAM
Abcdr du Son : Ça m’intéresserait de savoir quel regard vous portez sur la créativité des uns et des autres au sein du label. Ce serait quoi par exemple toi, Ron, ton morceau préféré de CHAM en terme d’écriture, de réalisation globale ?
Ron Brice : Oh là là ! Alors là franchement, tu me poses une colle. Mais je sais qu’un morceau qui m’avait marqué c’était sur le premier Posture et Dresscode, « Casino ». Parce que c’était le premier morceau, où il scénarisait tout ce qui est mafiosi, le parallèle avec The Firm, les gens qui arrivent en costume… C’est son délire, à CHAM. Nous on va un peu vers Citadium ; lui il va aux Galeries Lafayette. Avenue Montaigne. [rires] Dans son image « Casino », c’est un film. C’est le premier morceau où il a posé les bases de cet univers qu’il défend aujourd’hui. Et même s’il a pu en faire d’autres mieux mais comme c’était le premier qu’il a fais dans cet univers-là, c’est le morceau qui m’a marqué personnellement, « Casino ».
Abcdr du Son : Stanz, Franc : ce serait quoi le morceau CHAM ?
Stanza : Moi c’est « Dieu sait ». Je me rappelle de comment tu l’avais rappé à la release, où vraiment les gens se le sont pris.
Franc : Le morceau qui me vient en tête, sur la 12 Tape, « Posture et Dress Code ». Il est plein de subtilités. Après quand tu réécoute, tu te dis « ah ouais le bâtard, c’est ça qu’il voulait dire ». Je réécoute nos anciens projets et puis je regarde comment ça vieillit et puis si ça me plaît, ça me réconforte. [rires]
Abcdr du Son : Ça serait quoi le morceau marquant de Ron ?
CHAM : J’en ai plusieurs, mais ils viennent surtout de BlackList. « Moitié vide », c’est une dinguerie que ce soit la prod, les raisons pour lesquelles je fais aussi des morceaux sur des relations hommes/femmes. « Sous le choc », je trouve que c’est un morceau dingue. Et puis le morceau qu’on a fait ensemble, « Fifty fifty », parce que c’est le premier Ron / CHAM de l’ère du 12.
Abcdr du Son : La première fois que j’entends Benjamin Epps, c’était sur ce Posture et Dress Code 2. C’est même avant qu’il commence à faire parler de lui. Comment vous entendez parler de Epps et comment la relation se fait ?
CHAM : Alors moi je suis sur Insta à ce moment là et je tombe sur un gars qui rappe comme ça en freestyle et je vais sur sa page, j’en écoute un deuxième, j’en écoute un troisième et je dis c’est chaud quand même. Et en fait, j’envoie sur le groupe WhatsApp et puis après on le contacte.
Franc : Faut préciser que les freestyles, il est dans sa chambre, il doit avoir 200 abonnés, quelque chose comme ça sur Instagram quoi. En fait, un truc qui aurait intéressé personne en réalité. Nous, on a écouté. C’était pur quoi. C’était un diamant brut. Il était fort, on a écouté comment il rappait et c’était sans calcul. Et tout de suite on l’a invité sur les projets et puis ça s’est fait. On lui a fait deux morceaux sur le projet. À l’époque, on voulait vraiment travailler avec lui.
Abcdr du Son : Il aurait pu signer sur le label ?
Franc : Il y a eu des discussions qui n’ont pas abouti. Donc on a bien parlé, élaboré une stratégie pour pouvoir travailler avec lui et elles n’ont pas abouti au final. Mais, ça montre bien notre esprit aujourd’hui. La musique a parlé. Il n’était pas connu, mais c’était pas ce qui nous intéressait à l’époque.
Stanza : On savait qu’il y avait potentiellement quelque chose à faire. Parce que c’était c’était clairement l’univers qu’on voulait défendre et il ne faut pas se mentir, le rap c’est une musique de jeunes. On en parle souvent entre nous. Porter cette musique-là avec ce sang frais, diamant, brut. C’est ça, l’énergie qui est ressortie des freestyles qu’il nous avait envoyés, CHAM. Donc ça nous semblait évident de bosser avec.
Abcdr du Son : Franc disait tout à l’heure son envie de développer d’autres artistes. C’est aussi pour ça que je me posais la question concernant Epps. C’est quelque chose que vous avez en tête aussi, de ne pas rester focus sur vous quatre ? Vous n’êtes pas une famille fermée ?
Franc : Non. Artiste, rappeur et beatmaker : on recrute, ça je le dis.
CHAM : On met un point d’honneur à mettre les rappeurs et les beatmakers au même niveau.
Abcdr du Son : Surtout quand vous faites des disques communs. Par exemple toi avec Just Music.
CHAM : C’est des trucs qu’on s’est mis déjà dès le départ, quand on a créé 12 Monkeys, c’était ça, on est un label d’artistes. Et artistes, c’est rappeurs et beatmakers.
Ron Brice : Pour parler d’intégration, de signature, c’était un projet qu’on avait au début, le fait de s’élargir, de vraiment prendre le marché. Mais après c’est vrai que le fait de travailler sur nos projets respectifs, de développer nos projets, ça prend beaucoup de temps et c’est beaucoup de travail. Donc il faut faire les choses étape par étape. D’ailleurs, il y a un des beatmakers avec qui on a bossé, Tito Fiasco, avec qui on est en train de mettre des trucs en place. Et à l’avenir, quand on maîtrisera toutes ces facettes là, bien sûr qu’on aimerait bosser avec d’autres rappeurs, d’autres beatmakers.
CHAM : En fait, on fonctionne par opportunité, c’est plus ça. C’est vrai qu’on travaille sur nos projets, mais par rapport à ce qu’on découvre et ce qui vient à nous. En fait, on ne va pas forcer les choses, mais c’est vraiment selon les opportunités.
Franc : Et puis il faut pouvoir apporter quelque chose à l’artiste en question. On n’a pas envie de signer des clones de CHAM et Ron. On pourrait même signer un artiste auquel tu ne t’attends pas. Les gens pensent peut-être qu’on est fermés à des choses mais on a quand même de l’ouverture. Donc, c’est une ambition. De toute façon, le label ne s’arrêtera pas quand ils auront arrêté de rapper, il sera encore-là. Là, on parlait de Tito, qui va rejoindre l’écurie prochainement. Et puis après, si on a un artiste rappeur à qui on peut apporter quelque chose et qui en retour peut aussi nous inculquer, parce que c’est toujours pareil, on se positionnera dessus, bien sûr.
Abcdr du Son : Après Exhibition et Uncut 2, est-ce qu’il y a des choses qui sont en cuisine, qui se préparent ? Est ce qu’il y a des dates de concerts aussi ?
Franc : Pour les concerts, on est en train de travailler, organiser quelque chose. On a eu des sollicitations mais faut savoir que on est un peu sélectifs. Si on n’a pas les bonnes conditions, on préfère ne pas y aller. Mais c’est vrai que la scène c’est quelque chose qui manque, d’autant plus que ce soit au niveau du beatmaking ou des rappeurs, ils sont super performants sur scène. Donc on travaille pour organiser quelque chose et puis si on a des sollicitations, on les étudie et on y va.
CHAM : J’ai un projet avec Krimophonik qui arrive. Et puis je bosse sur l’album. Je pense que c’est quelque chose qui arrivera cette année.
Ron Brice : Je suis en train de réaliser un projet avec Larry Kubiak, un EP où je vais inviter d’autres rappeurs. Et puis je suis en train de bosser aussi sur un truc qu’on nous a suggéré depuis un bout de temps : suite au titre « Affirmative Action », il y a beaucoup de gens qui nous ont parlé de faire un projet commun. Donc, on est en train de bosser là-dessus, sur la réalisation, sur le choix des instrus, sur la direction qu’on va prendre. Parce que, vu qu’on a déjà fait beaucoup de morceaux ensemble, on veut essayer de partir sur quelque chose de frais et que ça soit vraiment notre projet à nous et pas un morceau de CHAM où je participe et vice versa. C’est un truc qui devrait arriver aussi cette année aussi.
Abcdr du Son : Et vous, du côté des beatmakers, vous avez aussi envie de développer des choses avec ton frère ?
Stanza : Ouais, l’idée c’est vraiment de porter cette couleur WaveClique tous les deux, donc de développer vraiment la couleur artistique. Et puis de travailler sur du various artists, parce que c’est des projets qui n’existent plus beaucoup maintenant en France. Et puis potentiellement aussi de faire un projet où on porte un artiste avec que de la couleur WaveClique, ça pourrait être intéressant. Je sais que je prends toujours l’exemple des Américains et il y a des choses comme ça qui existent où un beatmaker ou un co-beatmaker produisent complètement un artiste de A à Z. Et le projet est poussé par le label.
Franc : Oui et puis on développe aussi du placement de prod pour d’autres projets. Les prods créées au sein du label ont souvent été réservées aux artistes. Là, l’idée, ça va être vraiment de développer une partie où on va faire du placement sur différents projets. Donc, on est en train de réfléchir sur la façon d’amener ça. Maintenant que ça y est, les gens ont envie de faire du rap ! [rires] On va leur donner des prods de rap.
CHAM : Tout ça donne l’identité du 12 même sur d’autres projets hors 12 Monkeys. Donc c’est important au delà de faire des featurings parce qu’on en a quand même fait pas mal cette année. Et c’est bien aussi d’avoir cet aspect là sur les prods.
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