Arm a tout son temps
Il y a quelques mois, Arm écrivait ceci sur sa page Instagram : « Sortir un énième disque fait et reçu dans les conditions habituelles ? Non. Sortir de la routine » Album > tournée des salles de musique actuelle », nécessaire. Le débat serait long. Bref. » Bref, oui, car s’il a parfois été qualifié de verbeux, le rap d’Arm a toujours été en réalité le porte-voix des taiseux. C’est encore plus vrai en 2023 dans une musique devenue stakhanoviste, pressée de se faire remarquer quitte à ne plus dire grand-chose. Alors plus que jamais Arm prend son temps, lui. Tout son temps même. Il l’affirme le temps d’un titre de deux minutes et quarante-deux secondes. C’est dénué de toute pression, les émojis flammes d’auto-congratulation sont remplacés par ceux des feux qui grondent dans l’ombre des villes et c’est surtout rempli de cette énergie tranquille, qui porte toujours la même magie : celle d’attirer l’auditeur vers les lignes d’horizon, comme pour mieux le pousser à laisser derrière soi ce qu’il y a à laisser. Suivre sa route, encore une fois, sur une mélopée électronique, à nouveau, Arm joue avec le ciel et l’environnement qui l’entoure sans rien nommer explicitement. Il sublime les zones d’ombres, celles tracées par le soleil d’hiver autant que par le ciel étoilé d’une ville un mois d’août, celles dessinées par les flammes des incendies qui se sont allumés dans les cœurs autant que celles des vagues qui se lèvent sur le monde orageux. Et enfin, ce mantra répété durant quarante secondes et à la manière de ce qui se retrouvait déjà en 2011 et 2013 sur les albums Derrière-moi et Jamais trop tard, ce « j’ai tout mon esprit, tout mon temps » dont la scansion continue dit mieux que tout en quoi l’absence est à sa façon une présence. Tout sauf de la résignation, de la part d’un artiste qui mieux que personne décale de façon hypnotique les aiguilles de l’horloge du monde. Tout son temps mais toujours à point nommé, ainsi Arm bat la mesure depuis vingt ans maintenant.