Traduction de Know What I Mean?, un ouvrage sur le rap et ses contradictions
« Penser la musique en termes politiques » : c’est l’adage des éditions BPM. Ces dernières viennent de publier fin octobre une traduction du classique Know What I Mean ? Reflections on Hip-Hop, sorti aux États-Unis en 2007, écrit par Michael Eric Dyson, auteur et sociologue noir-américain dont la thèse a porté sur Luther King et Malcolm X. Sous une forme accessible mais nuancée, le livre explore les enjeux sociaux et politiques soulevés par le mouvement musical le plus important des dernières décennies. Comme le dit le prélude, l’auteur vise à « produire une critique à la hauteur de l’art qui l’inspire » ; à « assum[er] sa valeur intellectuelle sans être sur la défensive lorsqu’il s’agit d’en analyser les travers. » Devenu le coupable idéal pour expliquer tous les vices de la jeunesse, le rap est en effet la forme d’art subissant le plus de polémiques : misogynie, violence, matérialisme, homophobie…
La question explorée dans le livre peut se résumer ainsi : pourquoi est-il reproché à cet art plus qu’un autre d’expliciter les socles de la société actuelle ? Une foule de questions centrales sont abordées, pour comprendre autant cette musique que la société états-unienne, les défis de la pensée noire-américaine. Le problème des relations intergénérationnelles dans la communauté noire-américaine y est aussi traité. Par exemple : l’intelligentsia des droits civiques prenant la musique de leurs « fils » comme l’ennemi mortel de leur jeunesse. Comme si le rap remplaçait subitement la suprématie blanche et les maux qu’elle a pu engendrer depuis des siècles au peuple noir. Et pour un premier livre, c’est plutôt bien vu de la part des éditions BPM. En effet, l’ouvrage est autant validé par des universitaires renommés (Stuart Hall, figure centrale des Cultural Studies, Noam Chomsky) que par des rappeurs : l’intro est de Jay-Z, l’outro de Nas (pas de jaloux). Pourquoi la traduction de Doroteja Gajic et Julien Bordier est-elle si précieuse aujourd’hui ? En 2022, le rap inonde les ondes du monde entier. Cette musique est encore le miroir de l’âme humaine comme elle le fut il y a quinze ans, il y a trente ans, même lors de ses premiers pas, il y a quarante ans. Cette traduction – qui on l’espère, sera suivie d’autres – fera probablement écho à des questions que le public français se pose lui-aussi. Le vendredi 4 novembre, les éditions BPM fêteront la sortie de ce premier livre à la librairie Libertalia (Montreuil). Pour plus d’informations, c’est ici. Quant à l’ouvrage, il est disponible ici.