BB Jacques, rap gratitude
Baisser sa garde dans le rap n’est pas forcément signe de faiblesse. Parfois même, c’est la preuve d’une plus grande force. En dévoilant « Gratitude » début octobre, BB Jacques devait sans doute avoir cette idée en tête : montrer que sa rage constante venait de douleurs encore plus tenaces. Car après avoir expulsé sa colère sur ses deux derniers projets Poésie d’Une Pulsion I et II, il était sans doute temps pour le jeune rappeur, exposé aux yeux du grand public via Nouvelle École de Netflix, de montrer toute la consistance qu’on pouvait entrevoir dans ses morceaux. En s’alliant au début de l’automne avec le producteur BBP le temps d’un titre mélancolique (porté par des batteries chaudes et naturelles que le producteur avait déjà utilisé à merveille avec Dinos sur « Les Pleurs du mal ») le jeune rappeur réussissait finalement à prouver qu’il est plus qu’un artiste constamment en train d’incendier ses détracteurs. Sans jamais hausser le ton, ni abuser de son « fuck off » signature, le Courbevoisien déconstruit en effet sur “Gratitude” l’image que l’on pourrait avoir de lui, de son écriture prétendument plus littéraire que d’autres (« D’ailleurs, j’en ai pas lu tant qu’ça, des livrеs ») à son lien avec l’argent (« Ils se doutent combien j’ai pris, mais moi-même, j’sais pas quand j’le touche ») en passant par son rapport aux autres (« J’suis pas fait pour m’mêler à la foule, c’est un peu comme si j’étouffe »). Une succession de confessions portées par des pianos aériens, par un BB Jacques plus fragile qu’à son habitude (qui confie d’ailleurs en bout de course ne pas savoir comment accéder au bonheur) qui rendent le personnage plus attachant et surtout sincère. De quoi laisser penser que derrière les lunettes et la colère de BB Jacques, se cachent sans doute encore de nombreuses failles à exorciser. Dans des morceaux du même acabit.