Chronique

Themselves
The No Music

Anticon - 2002

Le premier album de Themselves (qui s’appelait encore Them), avait laissé tout le monde bouche-bé devant le génie inventif de Jel (à la production) et de Dose One (au Mcing). L’album, sombre et inquiétant à l’image d’un ‘Canyon sharpener’, laissait auguré des lendemains propices pour le groupe, tant la réserve d’inspiration paraissait intarissable. Le « tube » ‘It’s them’ avait permis à beaucoup (également grâce à la compilation Music for the advancement of Hip Hip) de creuser plus loin et d’avoir envie de voyager à travers la galaxie Anticon, avec un disque déjà référence. Mais l’attente de The no music suscitait de nombreuses interrogations, notamment quant aux capacités de renouvellement et de remise en question d’un Dose qui semble se contenter de plus en plus de miser sur son flow à la réputation incroyable. On peut toutefois reconnaître qu’il est peu enclin à se reposer sur ses lauriers, tant les apparitions de qualités se succèdent. Justifiées ou pas, ces interrogations ont au moins le mérite d’avoir envie d’y trouver des réponses, en écoutant ce nouvel album avec attention.

Dès la pochette, on sent que les deux hommes ont tenu à faire comprendre que cet album serait bien différent de leur premier opus. Fini l’artwork à la Jérôme Bosh et le tracklisting invisible (cette fois-ci il n’y en a même pas). On est déjà moins effrayé à l’idée de mettre le disque dans la platine et d’affronter la noirceur des textes et des ambiances qui s’en échapperont… Sur la forme, The no music est dense, court et varié, ce qui représente une véritable performance chez Anticon. Excepté pour les deux derniers, la durée des titres n’excède pas les quatre minutes, une forme de « standardisation » en somme. Et à première vue, les échantillons choisis sont eux aussi plus standards, la guitare restant par ailleurs l’instrument préféré de Jel (‘Mouthful’, ‘Good People Check’, ‘Hat In The Wind’). Une chose est certaine, l’accent a été mis sur les performances de Dose. Les Them savent pertinemment que c’est ce que leur public demande, alors ils leur servent ce qu’il veut entendre : variations de flows, exercices de styles ahurissants (‘Live Trap’), syncopes (‘Paging Dr Moon Or Gun’), tout y passe, et les instrus peuvent parfois devenir de simples prétextes pour le mettre en valeur. Si on retrouve par instants le Dose de l’album éponyme de cLOUDDEAD (‘Mouthful’), il surprend malgré tout moins qu’à l’accoutumé. Est-ce par habitude, par lassitude que l’on est amené à pensé cela, toujours est-il que jamais Dose n’aura jamais paru si absent… bien qu’ayant le monopole de la rime.

Mais ne boudons pas notre plaisir, ce que nous avons en face de nous est un bon album, mais il semble plus carré et calculé que ce que l’on est en droit d’attendre habituellement d’Anticon. Les schémas et les loops sonnent en effet de façon plus traditionnels. La boucle de guitare de ‘Good People Check ‘par exemple nous rappel horriblement Phil Collins, ce qui n’est pas véritablement approprié pour apprécier un morceau de hip hop… Quelques fautes de goûts viennent ainsi ternir la qualité de cet album, à l’image de la première partie superficielle de ‘Paging Dr Moon Or Gun’. Heureusement cette « audace » est parfois récompensé par de véritables petits bijoux, comme ‘Mouthful’, les ambiances de ‘Poison Pit’ ou le très old shool et cuivré ‘Dark Sky Demo’, morceau surprenant sur lequel Dose apparaît très à l’aise. Côté production, Jel semble constamment faire le grand écart entre des styles musicaux qui n’ont rien à voire entre eux, au risque que cela nuise parfois à l’homogénéité de l’album. Loin d’être passables, certains titres sont tout de même poussifs, le LP ne durant que 46 minutes, les passages instrumentaux répétés paraissent souvent dispensables. On aurait préféré un opus plus développé sur lequel Jel prendrait le temps d’installer ses ambiances et d’amener convenablement ses variations. Sans être non plus sous-exploité, le producteur semble avoir été volontairement mis en retrait et entièrement aux services de Dose. Dommage…

Avec une reconnaissance plus qu’établie, les deux hommes (principalement Dose One) auraient pu opérer en dilettante pour ce second album, et jouer sur la reconnaissance d’un auditoire qui peut tout leur pardonner et qui aimera cet album avant même de l’avoir écouté… Le duo a choisit au contraire de proposer un The no music varié et avec plusieurs influences. L’euphorie enthousiaste de la première écoute ne peut cependant effacer la déception qui se dégage des suivantes. On attendait avec impatience le « prochain Them » depuis deux ans, malheureusement on reste quelque peu sur notre faim, avec un léger arrière goût d’inachevé. The no music est incontestablement un bon album, décevant malgré tout lorsqu’on connaît l’étendu du potentiel de Jel et Dose One.

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