Furax Barbarossa fait de la révolte un art dans « Caravelle »
Furax Barbarossa a commencé son épopée sur son navire, il y a bien longtemps juste avec « un survêtement sans élastique, avec, comme seul bagage, un chiot de trois mois. » Un itinéraire non tracé au feutre rouge sur sa carte, où il « y a eu de la lumière, donc forcément de l’ombre. » Un voyage qui l’a mené, aujourd’hui, jusqu’à son septième album, Caravelle, dans lequel l’introspection est à son paroxysme. Le rappeur toulousain dépeint l’intégralité de son parcours tout au long du projet. Le passé, les douleurs qu’il a pu engendrer et ses racines (les coordonnées géographiques indiquées sur les trois pochettes de l’album localisent Bonifacio, Corse) tiraillent Furax. Des éléments majeurs qui l’ont sûrement poussé à entreprendre ce voyage initiatique. De longues épreuves et souffrances dans lesquelles Barbarossa y a mis plus de sens que dans un bonheur inlassable. Se laissant porter par le courant en attendant « l’ouragan dans le plus grand des silences, » Furax brave vents et marées, seul contre tous dans une industrie où il joue le rôle de Léon : un tueur à gages solitaire, taciturne et très efficace (« J’ai nettoyé façon Katrina maintenant ça paraît vide », « J’ai fait d’la rime un parabellum ça fait des paraplégiques », « Uragano »). Le rappeur n’est pas là pour les tubes ni pour les thunes, ne se retrouve pas dans ce monde où tout s’achète, même la notoriété (« Ils passent leur temps à dire qu’ils pèsent, à contempler les scores, mais peut-on se vanter que l’on baise quand on paye l’escort, » « Coliseum »). L’album sonne comme une thérapie du passé qui l’a brisé et l’a mis au premier rang d’un spectacle où tout n’est qu’agressivité et sombritude. Pour preuve, « Porcelaine », le titre le plus touchant de l’album (Furax raconte son innocence d’enfant volée par la violence de son père), sublimé par Sofiane Pamart, dans lequel la rage, l’amour, les regrets et les remords s’entremêlent. Supporté majoritairement par les productions méditerranéennes, mélancoliques mais percutantes du Katrina Squad et de Mehsah, le rappeur fait de sa révolte un art. Une révolte existentielle. Tout dans l’agressivité torturée de son flow pourtant très technique, rappelle l’égide du Camus de L’Homme révolté, dont il place une archive vocale à la fin de « Dites au revoir à Printemps. » Furax ne ferait-il pas partie de ces « grandes d’âmes (…) parfois moins épouvantées par la douleur, que par le fait qu’elle ne dure pas ? » Reste qu’avec Caravelle, l’artiste s’extirpe de la solitude en faisant de sa rage et de ses maux une aventure collective.