Gino x Relo : 13 au carré
Kaaris et Kalash Criminel, Freeze Corleone et Ashe 22, mais aussi, Gino et Relo : les albums communs connaissent un petit succès en ce début d’année 2022, et ces fusions n’ont rien de déplaisant. Gino avait mis un coup de frein à sa production musicale depuis plusieurs années. Son dernier projet date de 2014, il avait sorti une Retrotape en 2020. La vie passe, les enfants naissent, mais il y a des collègues qui n’oublient pas. En opérant un retour vers le son FF du tournant des années 2000, entre froideur électronique et chaleur samplée, énergique et mélancolique à la fois, engagé et drôle, littéraire et argotique (bref, parfait pour les nostalgiques pas farouches de la même espèce que l’autrice de ces lignes), Relo a immédiatement pensé à faire renaître la voix écorchée de Gino à ses côtés. 13 au carré, pour le code postal, 13013, et parce que les deux incarnent une certaine facette de la ville. L’EP est conçu comme l’émanation d’un amour pur de la musique. Du rap qui aime le rap. Aucune stratégie marketing derrière, juste une manière de ramener Marseille à ses bases des années 2000, émotive et rocailleuse comme la rue, à l’image de la voix de Gino. Certains y reconnaîtront même les inflexions du Soprano triste de Puisqu’il faut vivre. Les sept titres ont chacun leur petite spécificité : sens de la formule réaliste (« une paire de birk, c’est plus pratiques pour les gardav »), références au rap aimé (« le gardien de mon frère comme Sefyu et Assa Traoré » ; « alors comme Sopra j’roule, et j’essaye de tout oublier comme Jul »), rimes qui donnent envie de backer à dix, posse-cut qui fait la part belle à la frissonnante Soumeya, samples de Ragnar dans Vikings… Gino et Relo transportent quelque part entre Art de rue et Les Cités d’Or, tout en se permettant quelques incursions contemporaines (« Noir et blanc »). Tous les morceaux valent le détour. Une perle se dégage quand même : le titre « Pone », dont la prod, conçue par Nef, est un hommage au beatmaker de la FF, premier être humain à créer de la musique avec ses yeux… « Les légendes ne meurent jamais », la musique intemporelle non plus. De quoi faire taire les hurluberlus qui se permettent d’affirmer que Marseille ne rappe pas. La ville a gravé son son et son style au croisement d’influences hétéroclites sans jamais perdre ce qu’elle était. Gino et Relo viennent le rappeler, plutôt deux fois qu’une.