Chronique

Belles in monica
Resistance is futile

New Dawn Records - 2002

Aussi sombre qu’un ciel écossais : tel est l’expression qui pourrait résumer Resistance is futile, premier opus du groupe Belles in Monica. Originaire de Glasgow et composé de trois entités : un MC/producteur (Kruze), un guitariste (Red) et un DJ (Dema), Belles in Monica incarne la face noire du hip hop, aussi bien par des productions glauques et le flow inquiétant de Kruze, mais avant tout par des textes engagés et profondément inquiétants.

Ce sentiment d’inquiétude, teinté d’angoisse, ne tarde d’ailleurs pas à se faire sentir. Le premier titre, ‘Skitzophonetic’, est une présentation de l’état d’esprit du groupe écossais : son lourd et lyrics incisifs : « I got a payday, you fuckin guys are just an easy lay for an executive that lives far away, « your LP gotta please me » says him with his big money grin, so you write the one style all the while and let Kruze lose with his crazy Borg shit tunes, and we’ll keep doing things that fuck up the kit and generally speaking sound shit, don’t you fuckin idiots like music even just a little bit? ». Nous voilà d’entrée prévenus. En effet, aucune concession n’est faite au cours de ces quatorze titres, pas un instant où la pression retombe… aucun moment pour respirer. Cet album se veut brut, dense et lourd sur la durée. Un élément en particulier favorise cette atmosphère oppressante : les violons synthétiques. Il semble néanmoins exister une raison à tout cela : le discours politisé du groupe. Avec des textes qui se veulent aussi engagés et revendicatifs, comment ne pas inévitablement tomber dans une noirceur qui sait si bien se marier à la réalité…

En gardant cela à l’esprit, il est possible d’effectuer quelques parallèles. Ainsi, ‘Y’All Under Surveillanc’e pourrait être comparé à un autre titre traitant du même sujet : ‘The CIA is trying to kill me’ de Non Phixion. Paranoïaque à souhait, Belles in Monica dénonce ici les malversations et les complots gouvernementaux, sans toute fois tomber dans la facilité et dans les clichés habituels : « Do what they say and fear the day, I want you to get real and we’re dealing with a minority view, represented by the head of a new station, in a nation, who’d come to say what they think without reprisal or fear in a so-called democracy » et de conclure par « You’re all burned out, noone listens to yours ideas no more! ». Quoiqu’il en soit, si les thèmes sont légions sur cet album, la véritable cible des lyrics est bel est bien le capitalisme, ou plutôt les dérives générées par celui-ci. Un titre comme ‘Process : Make Money’ dresse par exemple l’état des lieux de la société de consommation par le biais de ses travers les plus sombres.

Les textes sont donc l’élément à retenir de ce groupe, et plusieurs points importants nous font inévitablement nous pencher attentivement sur ceux-ci. Tout d’abord le flow de Kruze, très monocorde, préférant se préoccuper de la bonne compréhension de ceux-ci que de son placement rythmique, très basic et old school. Bien que ses performances soient d’une qualité plus qu’honorable, étant le seul à rapper (excepté sur ‘Take Control’), il aurait peut-êtreété judicieux de jouer davantage sur sa voix ailleurs que sur les refrains. L’autre aspect vient du mix général de l’album, la voix y est en effet mise en avant sur la plupart des morceaux. Cependant, comment blâmer un groupe qui décide de jouer la carte du discours ? Le problème vient sans doute du fait que les instrus sont généralement très fournis et que cela amène au constat qu’ils paraissent surchargés.

Lorsqu’une certaine forme d’osmose est trouvée entre la voix, les textes et les instrus, cela donne de très bons morceaux, à l’instar de l’inquiétant ‘What D’ya Need’ et de ses scratchs bien sentis. Les passages où Kruze semble le plus à l’aise sont ceux où sa voix se rapproche plus du spoken word. ‘Serial’ en est la parfaite illustration, l’instru y est plus épuré qu’à l’habitude et le beat y est beaucoup plus présent, laissant ainsi plus de plus au MC pour s’exprimer. Des morceaux très travaillés et variés sont présents dans ce Resistance is futile : Chanteuse Extrordinaire, les très rythmés ‘Irrational Behaviour’ et ‘Hiphop’ (et leurs scratchs appuyés), mais aussi et surtout ‘Hit’Em Back’, traitant d’un sujet plus que délicat et polémique : la religion et les déviances de celle-ci.

Avec Resistance is futile Belles in Monica semble perpétuer à sa manière le combat d’un autre crew britannique : les irlandais de Marxman, dont l’album culte 33 revolutions per minute pressé au fer ‘rouge’ incarnait à lui seul un petit livre rouge musical. Sans être à ce point fanatique de la faucille et du marteau, Belles in Monica, malgré quelques maladresses principalement d’ordre formelles, semble surtout s’attacher au fond. Le groupe livre un premier album de qualité en ne laissant planer aucune ombre sur la direction qu’il donne à son propos : l’Homme s’appartient, et si la résistance est futile, la rage elle, ne l’est pas.

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