Offwhyte
The fifth sun
S’il demeure des artistes qui intriguent et impressionnent, Offwhyte peut sans conteste avoir la prétention d’en faire partie. MC/producteur de Chicago, ce jeune homme de vingt-cinq ans d’origine phillippine donne réellement l’impression de s’impregner de tout ce qui l’entoure, pour ensuite le transfigurer de façon unique aussi bien à travers son micro que ses machines. Membre du crew des Nacrobats, il a usé ses premières rimes aux côtés des Molemen mais également auprès des Typical cats, dont sont issus ses collègues de Galapagos4, Qwel et Qwazaar. Véritable poète urbain, il se risque avec »The fifth sun » au périlleux exercice de lier à la fois fond et forme au cours de quatorze titres auxquels il est souvent difficile d’extraire des influences.
Déjà présent sur le projet »The blackbook sessions » et auteur d’un premier album remarqué, »Squints » (2000), sur lequel il produisait déjà aux côtés de Open I et Anacron, Offwhyte récidive et livre avec »The fifth sun » un album travaillé et représentatif de la valeur de son large potentiel. Deux domaines semblent toutefois émerger plus que les autres à l’écoute de cet album : les textes et le flow. Lyriciste émérite mêlant à la fois poésie, métaphores et rimes percutantes, Offwhyte délivre ses textes en survolant les instrus, atterrissant uniquement pour livrer des refrains entêtants (‘Complex destiny’, ‘The merchant’). Côté flow, il manie celui-ci comme comme si il s’agissait d’un véritable instrument, le modulant au gré des sons proposés : tantôt rapide (‘UPS’), tantôt plus calme et posé (‘Complex destiny’). Certains trouveront des similitudes avec une grande référence dans ce domaine, Dose One, ce qui ne serait pas entièrement vide de sens…
Et, si des similarités devaient justementêtre évoquées, ce serait sûrement par rapport à la démarche musicale d’Anticon. L’esprit et les choix artistiques d’Offwhyte semblent en effet se rapprocher pour beaucoup du crew à la fourmi : instrus sortants des sentiers battus, flow distordu et recherché, textes nécessitant une oreille attentive… Cette analogie peut d’ailleurs être confirmée par le fait qu’un des membres les plus en vue d’Anticon, Alias, produise un son (‘Beta alpha’) sur cet album. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le contenu de ce morceau est un des plus riche et intense de l’album, se rapprochant fortement de ceux présents sur « The other side of the looking glass ». Torturé et profond, posé sur une contrebasse, ce texte démontre la grande qualité de lyriciste d’Offwhyte : « Yea, but can you rock it like this imprisoned visionary for certain ? Find sanction in your soul ’til the day they closes the curtain? Hurtin’ for explanation, we betas use the duration, of breath, blood and birth blessings. Plus, we like to express things ». Et le refrain, accompagné par quelques notes de trompette, est également très significatif : « Open them eyes to see the way it plays out like theatre, pre-written for my role to say « I’m so glad I’m a beta. » Master Karma credit, catch up on a bad one later. Damn, these times is tough that’s why I’m so glad I’m a beta ».
Autre point qui ressort des exercices auxquels Offwhyte se livre, l’aspect performer : le goût qu’il a pour la scène et le live. Ayant fait ses premières armes sur scène et s’étant aguerrit en se confrontant lyricalement à d’autres MCs, Offwhyte a ainsi eu la possibilité d’y façonner peu à peu son flow. On retrouve ce goût du clash et de la performance sur ce qui représente un des meilleurs titres, le morceau final de l’album : ‘Offwhyte vs. Bubba’. Impressionnant au niveau du phrasé, le titre vient conclure l’album en puissance et achever l’auditeur de prendre conscience qu’il serait réducteur d’enfermer ce MC a de multiples facettes dans une quelconque catégorie.
Peu à redire sur »The fifth sun » en somme ; c’est un album équilibré mêlant parfaitement intention et résultat. Offwhyte veut faire passer ses émotions au micro et à la production, et le moins que l’on puisse dire c’est que l’exercice est réussi. Son flow atypique et ses textes plein de vie et de sens devraient sans nul doute trouver des échos ailleurs qu’un underground qu’il a d’ores et déjà conquis depuis deux ans. Mais Offwhyte, à l’image de son flow, avance très vite, trop vite même pour que la reconnaissance puisse le rattraper. Restons quant à nous immobile et attendons patiemment qu’il repasse nous offrir un troisième album du calibre de celui-ci.
Pas de commentaire