Chronique

Braille
Box of Rhymes

Hiphopis Music - 2006

A l’âge où nous partagions nos mercredis après-midi entre Tekken II, Crash Bandicoot et autres parties de foot improvisées sur le bitume, le petit Bryan Winchester rencontra Dieu. Sa vie en fut bouleversée : il avait trouvé la Voie – sans perdre la tête.

Depuis, les années ont passé. L’enfant de chœur est devenu MC sous le nom de Braille ; il fait partie d’un groupe « éclairé », Lightheaded, a créé son propre label, Hiphop is Music, et sort aujourd’hui son troisième album solo, Box of Rhymes.

Celui-ci ressemble plutôt à une compilation : une dizaine de producteurs pour quinze titres, un remix, une absence manifeste de liant entre les morceaux. Sortie initialement au Japon dans une version quelque peu différente, cette « boîte de rimes » présente pourtant les deux principales facettes du personnage. D’une part, le jeune marié simple et croyant ; de l’autre le showman survolté dévoué corps et âme à son art, les deux s’entremêlant parfois.

Par moments excessif dans ses démonstrations de foi (‘End of the World’, ‘Together not Alone’), Braille dégage cependant une sérénité tranquille et positive, seulement lézardée par quelques moments de doute (‘Pour it out’). On finit presque par l’envier, à le voir tirer force et humilité de sa croyance, chaque jour incité à devenir un meilleur homme tout en conservant un émerveillement naïf et enfantin face à la vie, la nature et ses proches (« I’m so glad to wake up and see the sunrise. I see the natural beauty outside, I see the beauty staring in my wife’s eyes« , ‘Leave Behind’). Dès lors, si vous êtes sensible à ce type de discours, la dimension humaine et universelle de ces textes saura vous toucher. Dans le cas contraire l’ensemble vous paraîtra vite lourd et niais ; rabattez-vous alors sur les morceaux où s’exprime le Braille-showman.

Ecrit entre sa base arrière de Portland (Oregon) et le continent européen au cours de la tournée où le MC accompagna notamment James Brown, Box of Rhymes comporte une bonne part de titres dont l’orientation scénique est évidente. Testés lors de concerts, ces morceaux sont, d’un point de vue musical et technique, les plus enthousiasmants du lot. Ainsi, l’enchaînement de ‘Evacuate’ et ‘Box of Rhymes’, tous deux scratchés par DJ Idull, est quasiment parfait. ‘Fresh Coast’ et ‘Survival Movement’, produits par Ohmega Watts, rappellent l’ambiance du Wrong Way de Lightheaded mais lassent rapidement, même si Braille y démontre une nouvelle fois ses qualités de MC (débit rapide et saccadé, voix nasillarde accentuée).

Plutôt bons dans l’ensemble, les instrus ne parviennent pourtant pas à recréer la magie de « Shades of Grey ». C’est le défaut majeur de ce nouvel opus : là où son prédécesseur était brillant et inspiré, celui-ci se révèle plus terne, car « seulement » bon. Par conséquent, quand vous prend l’envie d’écouter du Braille, vous vous tournerez plus volontiers vers Shades of Grey que vers ce Box of Rhymes. Tony Stone est en deçà de ce que l’on pouvait espérer de lui. En dehors d’un beat énergique et cuivré (‘Box of Rhymes’), il livre un ‘Antenna’ assez fade et un ‘Pour it out’ ressemblant à ce qu’il a pu faire par le passé, en moins bon. A l’exception de ‘Leave Behind’ basé sur une guitare sèche, du travail autour du sample vocal sur ‘I wouldn’t do it’ et du sec et nerveux ‘Enter-Gritty’ enregistré au Danemark, la production de l’album, sans être mauvaise, ne marque pas vraiment les esprits.

Décevant pour ceux qui ont succombé aux charmes de Shades of Grey, ce troisième album compte certes quelques très bons titres, mais surtout beaucoup trop de morceaux moyens et sans réelle envergure. Équilibré mais inégal et manquant globalement de cohésion, Box of Rhymes est ce que laisse entendre son titre : une boîte pleine de rimes, un peu bordélique, dans laquelle l’auditeur piochera, selon son humeur, morceaux introspectifs ou explosifs, réfléchis ou instinctifs. Un disque de rap agréable, donc, à défaut d’être un grand album.

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