Aesop Rock
Labor Days
Def Jux. Cette étiquette a tellement fait parler d’elle pendant les derniers mois qu’on ne la présente presque plus. Pourtant, mis à part les quelques maxis et EP portants ses couleurs, « The cold vein » de Cannibal Ox demeure en fait sa seule véritable sortie. Quatrième opus de Aesop rock, « Labor days » relève le défi de donner une véritable identité à Def Jux, mais cette fois ci sans l’aide des beats magiques de El-Producto (qui produisait l’intégralité des morceaux sur « The cold vein »).
C’est donc toujours en compagnie de son compère de toujours Blockhead (ainsi que de Omega One qui produit ‘Coma’, en plus de réaliser tous les scratches de l’album) que Aesop Rock fabrique les instrus de « Labor days », pour un résultat très satisfaisant. En effet, Blockhead et Aesop Rock, qui nous avaient déjà passablement impressionnés avec les productions de « Float » (sorti l’an dernier avec l’aide de Mush Records), sont capables de faire encore mieux !
Côté production, « Labor days » est définitivement abouti. A commencer par le mélancolique ‘Daylight’. Le beat, fabriqué avec pas moins d’un violon, une flûte, une guitare et même une trompette par moment, procure des sensations semblables à celles que peut donner DJ Shadow dans ses meilleurs moments. Par-dessus cette instru déjà sans faille, Blockhead ajoute par moment des boucles de « Yes yo ! You don’t stop ! keep on to the break of dawn ! » qui ne semblent pas être l’œuvre des Beastie Boys (comptez le nombre de fois ou les Beastie boys répètent ces paroles sur leurs disques), mais qui achèvent d’enivrer l’auditeur.
À partir de ce moment, il devient impossible de décrocher. On est rapidement conquis par la guitare accompagnée de notes de xylophone et de chœurs féminins de ‘Save yourself’ (qui suit immédiatement ‘Daylight’). Arrive ensuite le magnifique ‘Flashflood’ dont les notes de flûte, qui auraient pu être tirées d’un épisode des Cités d’or, sont superposées à de curieux sons qui auraient entièrement leur place dans un quelconque film portant sur l’espace. Difficile encore de décrocher de la guitare de ‘No regrets’ ou de ‘9-5ers anthem’ et de son allure de comptine pour enfants mélangée à une ligne de contrebasse difficile à ignorer, tant elle impose un rythme qui colle parfaitement au sujet abordé sur le morceau (le travail).
Bien entendu, l’album compte aussi quelques moments moins efficaces. ‘The tugboat complex pt.3’, ‘Coma’ (qui était préalablement sorti en maxi) et ‘Battery’ par exemple, ne jetteront personne par terre. On n’ira pas jusqu’à dire que leurs instrus sont ennuyants (loin de là), mais le fait de les avoir regroupés l’un à la suite de l’autre fait regretter les perles qui se trouvaient au début du disque.
Mais voilà qui n’est pas très grave, puisque que les lyrics de Aesop Rock compensent largement les petites lacunes du côté de la production. Bien sûr, on aurait bien aimé que quelqu’un ait eu la bonne idée de retranscrire les lyrics dans la pochette, mais on parvient quand même à distinguer quelques merveilles. Sur ‘Coma’, on remarque avec plaisir cette petite phrase : « If the revolution ain’t gonna be televised, then fuck I’ll probably miss it ». Ou encore sur ‘No regrets’, où Aesop nous raconte l’histoire d’une femme nommée Lucy qui a décidé dès son enfance de vivre son rêve (en l’occurrence de dessiner). À la fin du morceau, alors que Lucy est âgée de 87 ans et sur son lit de mort, Aesop (en relatant les propos du personnage) laisse sortir ces mots d’une grande sagesse : « Look, I never had a dream in my life, because a dream is what you want to do but still haven’t pursue. I knew what I wanted and did ’till it was done so I’ve been the dream that I wanted to be since day one ».
Les invités, Illogic (membre de The Orphanage et copain avec Mhz) sur ‘One brick’ (dont l’instru mérite d’être soulignée) et C-Rayz-Walz (membre du collectif Stronghold) sur ‘Bent life’, viennent prouver en quelques couplets qu’ils sont aussi bons lyricists qu’Aesop Rock. On aurait bien aimé que d’autres artistes de l’écurie Def Jux viennent se joindre à lui, mais si on y perd côté diversité, on en gagne autant côté homogénéité. Jamais durant cet album on a l’impression qu’Aesop Rock et Blockhead ne s’égarent ou ne tentent de plaire à qui que ce soit. En bref, Aesop Rock prouve qu’il mérite amplement toute l’admiration dont il est l’objet. Quant à Blockhead, on peut se demander comment il se fait qu’il ne soit pas source d’autant d’engouement. Si on regarde de manière attentive les crédits de production de « Labor days » ou de « Float » (qui sont les seuls albums d’Aesop que je possède), on constate que les meilleurs beats proviennent définitivement de lui. Une véritable montagne de talent ce Blockhead. El-P n’a qu’à bien se tenir !
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