Jedi Mind Tricks
The Psycho-Social LP
Contrairement à ce que beaucoup pensent, la scène rap de Philadeplphie ne se résume pas à The Roots et Jazzy Jeff & The Fresh Prince. Il y’a aussi The High & Mighy, certes, mais également des groupes en rupture avec le rap frais et jovial des artistes précédemment cités. C’est le cas des Jedi Mind Tricks, duo composé de Stoupe the Enemy of Mankind, DJ/producteur, et du MC Vinnie Paz aka Ikon the Verbal Hologram, qui débarquent en 1997 avec la première version, uniquement sortie en vynil, de The Psycho-Social LP (Appelons le ainsi, ça facilitera beaucoup de choses), qui sera réédité cinq ans plus tard en CD, en compagnie d’une poignée de bonus tracks.
Par où commencer pour décrire ce chef d’œuvre ? Faîtes le écouter à n’importe quel amateur de rap, même à un skyrock addict, dès les premières mesures, il vous dira « tiens, c’est le nouveau Wu-Tang ? je savais pas que c’était déjà sorti » (j’ai testé pour vous). En effet, le travail de Stoupe peut ressembler à celui du RZA de la grande époque. Pourtant, au risque de blasphémer et de choquer les esprits, n’ayons pas peur des mots, le Stoupe de « The Psycho-Social LP » est plus fort que le RZA d’Enter the Wu. Plus sombre, plus étrange, plus profond surtout. Car la force de l’album réside essentiellement dans cette densité sonore, qui prolonge en quelque sorte le travail entrepris par ce même RZA sur Liquid Swords de GZA, là où jamais le Hip-Hop n’avait tant permis de voyager au sein d’un monde glauque et oppressant.
Stoupe réussit un tour de force supplémentaire : malgré la cohérence, rarement égalée, de l’album, il est quasiment impossible de dresser un portrait type de ses prods. Sans que la transition ne choque, à l’assez vif ‘The Winds of War’, ses violons et son tempo assez rapide, succède ‘Chinese Water Torture’, son instru oppressante au possible, agrémentée de clapotis en arrière fond. Et ça dure sur douze titres, tous très différents à première vue, mais tellement complémentaires au final…relevons surtout le remix de ‘Neva Antiquated’ (l’original est présent sur The Amber Probe, le premier EP du groupe, sorti en 1996), et sa boucle de piano entêtante, ‘The Coming of Tan’, et son chant de diva en arrière fond, ou encore le sample de guitare sèche de ‘The Immaculate Conception’.
Ces instrus uniques sont servis par la prestation d’un MC qui l’est tout autant, Ikon the Verbal Hologram. The Psycho-Social LP est également un témoignage de l’époque où celui-ci, plutôt que de brailler comme sur Violent by Design, préférait rapper, et plutôt bien d’ailleurs. Un flow fluide, déjà assez violent certes, mais diablement efficace pour livrer ses lyrics, à mi chemin permanent entre mysticisme et chant guerrier : « The hands of the mighty line of Judah, will throw you through the triangular portals of Bermuda, exploring the Hologramic aspects of consciousness, for aliens truth devour, orthodox vs. running through fistic equations for power/The shower of acid rain brings pain to the land, you cannot kill what you cannot see, The Verbal Hologram« .
Ikon est très bien épaulé par les nombreux invités, issus pour la grande majorité d’un autre groupe de fanas d’histoires de pharaons, The Lost Children of Babylon. Parmi eux, on remarquera surtout Breath of Juda, et son étrange voix qui sied tant à ‘Chinese Water Torture’. The Sun Pharaoh, et son flow assez impressionnant, fait également mouche.
Les bonus tracks n’apportent pas grand-chose, on connaissait ‘The Crop Thesis Circle’ du Amber Probe EP, et le reste, bien qu’antérieur à 97, aurait paru plus approprié sur Violent by Design, sur lequel le groupe troquera les ambiances ténébreuses contre un Hip-Hop moins complexe, et plus propice au thugisme grandissant d’Ikon. Dire que ça se laisse écouter est un euphémisme, ça reste très bon voir excellent par moment, c’est simplement différent et un peu superflu mis à la suite des douze morceaux originaux.
Vous l’avez compris, si l’on s’en tient à sa version originale et donc vynil, The Psycho-Social LP est l’un des albums majeurs de l’histoire du Hip-Hop, un chef d’œuvre de plus à mettre à l’actif d’une année 1997 déjà très fertile. L’alchimie entre Ikon et Stoupe, les prods si marquantes de ce dernier, en font un incontournable pour quiconque s’intéresserait, même de loin, à ce qu’on nomme communément « l’underground ». A ranger bien en protection, mais à portée de main tout de même, entre Funcrusher + » et Enter the Wu.
Pas de commentaire