Jethro Bare vous fait flipper
Il est de ces devenirs que l’on n’imaginait pas vraiment mais qui font grand plaisir à voir. Dans la seconde moitié des années 1990, Radicalkicker évoluait, avec son compère DJ Wicked Profayt, dans l’entourage d’Assassin. Rappeur à la voix profonde et éraillée, son principal fait d’armes fut son apparition sur le mythique « 11’30 contre les lois racistes » (« Ton compte en banque, ta culture, ton langage, ta religion/Tout ce qui nous divise est bon pour cette nation » ). Au début des années 2000, Radicalkicker devint Jethro Bare et se fit relativement discret jusqu’à la sortie dans une certaine confidentialité de son album solo, Le Feu aux poudres, en 2006. Puis plus rien, côté rap en tout cas. Et en mars 2020, dans les premiers jours du confinement, surprise : une bande annonce sur YouTube nous informe de l’arrivée sur la plateforme d’une websérie, La Flippe. La vidéo d’une petite vingtaine de secondes donne à voir des grosses bagouzes, un cigare qu’on allume, et un barbu au crâne rasé qui nous dit, de sa voix caverneuse, qu’il en a « une bonne à nous raconter » . Le texte de présentation lève le doute : c’est bien à Jethro Bare, près de quinze ans après, qu’on a affaire, et celui-ci va nous livrer « des histoires courtes, urbaines et organiques » . Quelques jours plus tard, premier épisode : la mise en scène est sobre et sombre, et Jethro convainc par ses grandes qualités de conteur et d’écriture, décortiquant en cinq minutes un fait divers fictif et sordide, où se mêlent bouffe abandonnée sur les sièges du métro, infections fatales de la gorge et vengeance mesquine. Voilà qui donne envie d’en voir plus. Jethro Bare et son acolyte Rémi Cluzeau vont répondre à ce désir au fil des semaines : aujourd’hui ce sont treize épisodes qui sont disponibles, tous aussi prenants et glauques les uns que les autres. Espérons que ce ne soit que le début, et que l’ancien Radicalkicker nous fasse flipper encore longtemps.