La ligne de conduite de Jo le Phéno
Interview

La ligne de conduite de Jo le Phéno

Avec son album 60 Boulevard Ménilmontant, Jo le Phéno prouve qu’il vaut largement la peine d’être écouté. Mieux qu’il ne l’a été dans les tribunaux de la République.

Photographie : Brice Bossavie

60 boulevard Ménilmontant : c’est l’adresse du squat où Jo a vécu dans le vingtième arrondissement de Paris, avant de bouger quelques années en foyer, puis dans une tour. « Là où tout a commencé », dit-il. Bousillé à Sefyu et la B.O. de Yamakazi, il défend une musique et une morale de vie indissociables d’un état d’esprit du moment. Aucune parole qui ne serait entièrement sienne sur l’instant ne franchit la barrière de ses lèvres. Son engagement et sa critique des « rappeurs d’aujourd’hui » peuvent parfois rappeler l’aigreur d’un fan trentenaire de Kery James : en réalité, ses constats viennent du désir sincère de suivre une ligne de conduite. Cohérente, respectueuse. Pour Jo, il n’y a aucun intérêt à exagérer la réalité puisque celle qu’il connaît dépasse largement la fiction. L’important est de la raconter sans nuire à ses proches. L’ironie, c’est qu’à cet artiste si soucieux de la responsabilité de sa musique, la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris a reproché – sans trop de conviction – irresponsabilité, confusion entre réalité et fiction, incitation à la violence. Condamné en 2017 pour le clip de « Bavure », sorti un mois après la mort d’Adama Traoré, notamment pour l’insert d’une vidéo du commissaire du 20ème arrondissement, Jo voit la sortie de son premier album comme une victoire. Ni ministre de l’Intérieur ni syndicats de police n’auront réussi à le faire taire, au contraire. 60 boulevard Ménilmontant narre alors les chroniques des cités de la capitale, habitées par des personnages souvent rappés à la troisième personne. Si l’ancrage est biographique, suivant l’adage – contestable – qui veut qu’un album mature est un album plus « personnel », Jo le Phéno ne perd rien de ses qualités de storyteller interne, sa capacité à se rendre impersonnel pour se rendre plus percutant. Entre boom-bap 2.0, piano-violons dynamisés par un flow frontal, et incursions auto-tunées ou du côté de l’afrotrap – mais qui ne sonnent jamais comme une croix cochée sur un cahier des charges – Jo le Phéno prouve qu’il vaut largement la peine d’être écouté. Mieux qu’il ne l’a été dans les tribunaux de la République.


Abcdr du son : Comment tu as commencé à aimer la musique ?

Jo le Phéno : Petit, j’écoutais beaucoup de musique du pays, des musiciens congolais comme Charles Mombaya. J’aime la musique en général. Ma daronne, mes darons, écoutent beaucoup de musique, j’ai baigné dans un univers musical. Puis j’ai commencé à écouter du rap avec mon grand-frère. Il écoutait beaucoup de Kery James, Lunatic, Rohff, Sefyu ensuite. Et je me souviens plus particulièrement d’un album, la bande-son de Yamakazi [film de Luc Besson, sorti en 2001, Jo avait six ans, NDLR]. C’est le premier album que j’ai eu chez moi : mon daron avait offert le coffret, donc je regardais le film tous les jours, j’écoutais la musique tous les jours. Tous les jours ! J’étais un crameur de sons. [rires] Ce rap, ça m’a parlé directement. Pour le message, d’abord.

A : Ta famille t’a transmis le goût de la musique. Dès ta première mixtape tu es très engagé [Chakal Attitude, 2013]. Est-ce que cet engagement vient d’eux aussi, ou quelqu’un parmi tes proches ?

J : Non, ça c’est plus personnel je dirais. L’injustice en fait : je n’ai jamais aimé l’injustice. Quand je vois des trucs mauvais, même dans d’autres pays, ça me touche de ouf. Je ne me dis pas « c’est là-bas nique sa mère », je me dis vraiment « putain ça aurait pu être moi », ce sont des humains qui souffrent. C’est à force de vivre et de voir l’injustice autour de soi, à force d’encaisser aussi. Un encaissement moral, un encaissement… pas physique, quoique si je parlais au nom de gens que je connais, il y en a qui ont connu du harcèlement physique, dans des contrôles de police, par le racisme… Je connais des gens qui vivent dans des situations compliquées, des gens qui sont devenus fous parce que leur vie n’était pas facile. J’ai toujours dénoncé ça.

A : Dans le clip de « Chakal Attitude », on aperçoit le rappeur Dioxid et tu dis « C’est grâce à lui que j’kicke, appelle-le Dioxid ou Mike ».

J : Dioxid, c’est mon grand-frère ! C’est grâce à lui que je rappe. On a commencé à écrire en se clashant, on organisait des petits clashs pour amuser la galerie. C’était un délire, on se taillait, on envoyait des vannes genre « regarde ton dégradé, ta paire de pompes », des trucs d’enfants – j’avais douze ans. Et je me rappelle encore, le premier clash que j’ai écrit, tout le monde avait kiffé, ça m’a certainement donné envie d’écrire mon premier texte. Et sur ce premier texte, il y avait déjà des trucs engagés.

A : C’est vrai que lors de ton procès pour « Bavure », ils t’avaient reproché de surfer sur des questions politiques pour le buzz, alors qu’en s’intéressant à ton œuvre, on voit que tu as toujours été engagé.

J : C’est qu’au moment du procès, ils se sont intéressés à un seul morceau, pas à toute ma carrière. Je n’avais jamais rien dit contre la police, à part une phrase par-ci par-là… « Bavure », je l’ai écrit naturellement. C’était une période où des vidéos de violences policières tournaient tous les jours sur Internet. À un moment donné, il fallait arrêter de danser, de faire des dabs, il fallait parler de la réalité. Et je l’ai fait, peut-être d’une manière brutale, mais… je n’ai tué personne ! J’ai seulement dénoncé des choses que je voulais dénoncer, à ma manière.

A : Entre 1995 et 2019, j’ai recensé douze procès opposant rappeurs et forces de l’ordre [article à paraître in Arnaud Montas dir., Droit(s) et hip-hop, Mare & Martin, 2020, NDLR] Comment ça se fait, alors qu’une loi garantit la liberté d’expression, que ce soit si compliqué quand les paroles touchent à la police ?

J : J’allais dire… Quand tu dis la vérité, ça blesse. Après oui, il y a des manières de dire la vérité. La première plainte contre moi date de quatre ans et je suis quelqu’un qui réfléchit beaucoup. Quand j’ai tort, j’ai tort. Et aujourd’hui je peux dire que non, je n’ai pas eu tort de sortir « Bavure ». Au contraire j’en suis tellement fier, parce que je sais que j’ai touché des gens. Il y a des personnes, ça fait des années qu’elles se battent contre les violences policières, contre l’injustice. Je les ai rencontrées, et ça m’a vraiment touché au cœur. Je partage leur combat encore aujourd’hui.

« Quand tu dis la vérité, ça blesse, après oui, il y a des manières de dire la vérité. »

A : D’ailleurs au début de « Bavure » il y a une fresque en hommage à Lamine Dieng [mort dans un fourgon de police en 2007 dans le vingtième arrondissement de Paris, NDLR]. Cet événement, ça t’avait marqué ?

J : À ce moment-là j’étais en foyer, mais bien sûr que je m’en rappelle. C’était affreux. Terrorisant. Le quartier était assombri, les gens pétaient les plombs, je n’imagine même pas la famille de Lamine, pour Ramata [sa sœur, très engagée dans la lutte contre les violences policières, CF son blog, NDLR] etc. Pour nous, c’était quelqu’un de notre quartier, on a grandi avec : pour moi, c’était un grand. Ce… j’allais dire ce meurtre… Franchement la mort de Lamine ça a été un poids pour beaucoup de personnes. [Silence] Il y a des hommages chaque année, et tout le monde attend la vérité. On sait très bien qu’il ne reviendra pas à la vie, mais pour la famille, on demande au moins la vérité. C’est le combat de tout le monde. D’Assa Traoré, Amal Bentounsi qui était à mon procès. Des noms, je peux t’en citer. En vrai, on aimerait bien vivre dans un monde libre. J’aurais aimé ne pas avoir à faire « Bavure ». Ne pas avoir à dénoncer des choses. Si ça se passait bien… Mais je suis quelqu’un qui écrit avec l’ère du temps, avec ma vie, avec ce qu’il se passe. C’est pourquoi mon projet est actuel. Je n’aurais pas pu le faire il y a cinq ans, c’est celui d’un Jo qui a pris en maturité. Je le ressens quand je l’écoute et que je le compare avec mon projet de 2013.

A : À propos de ta manière d’écrire, pendant le procès, tu as eu une phrase où on sentait que tu étais très honnête. C’était après que les juges te posent des questions sur la signification de certaines des expressions employées dans « Bavure », comme « farcir la volaille », et tu finissais par répondre au premier degré « la volaille est un animal… » [Rires]

J : [Rires] Ouais, ouais !

A : Il paraît que Kenzy, pendant le procès de Ministère A.M.E.R., avait un peu fait la même chose…

J : Ah oui, vous nous prenez au premier degré, et ben je vais faire pareil. Je ne savais même pas pour Ministère Amer. C’est comme quand je dis « je pisse sur la justice et sur la mère du commissaire »… Mais je ne la connais pas la mère du commissaire ! C’était une manière de dire « je vous emmerde », et ils le savaient très bien. Quand tu regardes quelqu’un dans les yeux, les yeux ne mentent pas. Et le jour de mon jugement, j’ai senti que même les juges savaient très bien qu’ils ne me condamnaient que parce que c’était médiatisé. C’est juste ça. C’est médiatisé donc on va faire un exemple. J’aurais pu avoir tous les arguments du monde, j’aurais pu tout dire – parce que pendant mon procès, je trouve que je me suis bien exprimé, j’ai vraiment essayé de leur expliquer, mais au final… Jo le Phéno ne pouvait pas être non coupable. Parce que ça avait trop parlé. Et il y avait le ministre de l’Intérieur derrière…

A : Justement, sur le fait que tu as sincèrement essayé de leur faire comprendre, tu parlais de ton état d’esprit quand tu écrivais, et tu leur dis : « C’est de l’art. Quand j’écris, je suis dans un monde. C’est un monde à moi, je ne sais pas comment vous l’expliquer. » Est-ce que tu pourrais l’expliquer maintenant ?

J : Franchement, ce sont les mêmes mots que je vais employer. C’est mon truc à moi. Comme je t’ai dit, c’est l’ère du temps, le naturel. Pas d’invention, même dans ma musique je suis moi-même. Je n’ai pas envie d’envoyer des messages de haine gratuite, même s’il y a des gens qui aiment écouter des sons avec la rage. Mais moi, ça ne m’intéresse pas ça. Je suis quelqu’un qui a envie de retranscrire ce que je suis dans ma musique, que les gens me connaissent et se fassent une image de moi, de ce que je suis. Je ne veux pas que l’on me voit dans la rue comme un malade, comme un mec qui cherche la merde avec tout le monde, ou qui… pervertit les jeunes, les gens qui l’écoutent. Je ne suis pas comme ça : je sais que j’aurais des comptes à rendre. C’est bien beau de faire de la musique, mais il faut en faire de la bonne. Parce que la musique c’est quelque chose qui touche au cœur : quand tu écoutes de la musique triste, tu vas être triste. D’autres vont écouter de la musique genre « CALIBRE, ratata, VA LUI TIRER DESSUS » et pendant une période où ils ne sont pas bien dans leur tête, un peu bourrés et tout, ils peuvent faire n’importe quoi. Je connais des gens qui ont pété des plombs, et avant de devenir fous, ils écoutaient beaucoup de musique. J’en connais plusieurs. C’était des musiques tristes de ouf, ou un peu hard. La musique a une influence sur le cœur de l’être humain.

A : En même temps, quand tu écoutes une musique triste, par exemple, après une rupture, tu peux te sentir mieux, c’est cathartique.

J : Tu peux être mieux oui. Mais la musique a des répercussions différentes pour chaque être humain. Peut-être que je resterais dans le bad et toi ça te fera passer à autre chose. Quand j’ai commencé la musique, c’était un délire. Un délire. Je n’ai pas fait de la musique pour péter, je ne me suis pas dit que j’allais sortir un album, que j’allais être Jo le Phéno, là. Je me suis juste dit je vais faire kiffer les gens autour de moi, ceux qui avaient aimé le clash avec mon frère. Puis me faire kiffer moi, j’aime bien la musique, raconter des trucs, comment ma voix sort avec l’instru… Donc j’ai continué. Petit à petit, des gens commençaient à demander quand sortait le prochain son, une attente s’est créée. Aujourd’hui, ça fait le Jo le Phéno 2020. Mais à l’origine, c’est par hasard que je suis tombé dedans. J’économisais pour payer mes clips, payer mes séances de studio, mais c’est un investissement que je ne voyais même pas. Je ne comptais pas. Je ne pensais pas aux retours, c’était vraiment pour l’amour du truc. Mais quand j’ai vu qu’elle touchait le cœur des autres, j’ai compris ce que c’était. Je n’ai pas vendu des milliers d’albums mais j’ai vu des gens pleurer devant moi. C’est dur. Et tu réalises que ta musique a un impact sur les gens, donc qu’il faut faire les trucs bien. Il y a des jeunes qui écoutent, qui sont super influençables. Ils veulent faire comme les grands. Pour moi, ils n’ont pas que besoin de s’évader dans la danse, la fête, l’ambiance, ils ont besoin de se conscientiser un peu. Moi, ça m’a fait du bien quand j’étais jeune quand des rappeurs avaient des messages. Par exemple, tu écoutes l’album de Yamakasi, tu as des messages. C’était pas le rap 2020. C’était ça qui me parlait.

« C’est bien beau de faire de la musique, mais il faut en faire de la bonne. »

A : Tu as ce goût c’est vrai pour le message dans le fond et en même temps dans la forme tu apprécies beaucoup le freestyle, le côté impro. À Ménilmontant il y a Ill, les X-men, mais ce n’est pas trop ton style, est-ce qu’il y a des rappeurs qui t’ont marqué pour cet aspect ?

J : De base il y avait les grands de chez moi qui posaient. Mon grand-frère notamment. Mais en rappeur, franchement, j’aimais surtout Sefyu.

A : Il est samplé dans « Bavure », « l’insécurité un fonds de commerce« …

J : Oui, c’est un message ça. J’ai kiffé direct Sefyu quand il est arrivé et pourtant j’étais jeune. Déjà, on a deux grosses voix tous les deux et on envoie des messages. J’écoutais beaucoup, je m’identifiais, me retrouvais dans ce qu’il disait. Je décide alors de sampler « l’insécurité est un fonds de commerce donc ils veulent pas qu’on se casse » parce que c’est une phrase forte. [Il la répète] Aussi, passer plusieurs années en foyer, ça te bloque, donc j’ai gardé en boucle les mêmes sons pendant trois ans. Quand j’aime, j’aime. Même aujourd’hui je te montre ma playlist, il y a des sons que j’écoutais il y a dix ans que j’ai encore. Genre Sefyu « Haute science », Mafia K’1 Fry « Pour ceux »… Ce sont des titres qui me rappellent une époque. Des périodes qui m’ont marqué dans la vie, où j’écoutais beaucoup de musique parce que j’étais très souvent seul. Et quand tu aimes le truc, être seul ça aide à écrire.

 

Sefyu - « Haute science » feat. ST4

A : Tu parles beaucoup de message, pendant le procès tu as répondu, quand on t’a reproché la dureté de tes mots : « le rap est une musique contestataire ». Ce n’est pas forcément l’avis de tout le monde, toi tu le pensais vraiment ou c’était un argument face aux juges ?

J : Le rap ce n’est pas des mots doux, c’est dur, c’est des messages : moi je pense que c’est une musique contestataire de base. Aujourd’hui, il a évolué, tout le monde peut en faire, avec son téléphone et YouTube. Avant, c’était fermé, tu devais vraiment en chier pour y arriver. Tu ne pouvais pas juste raconter de la merde et passer à la télé – avant c’était beaucoup la télé, MTV, MCM… Fallait vraiment avoir un message. La plupart des rappeurs d’il y a quinze ans dont je me souviens, ce n’était pas des zouaves – peut-être un ou deux. Ils avaient tous un truc à dire.

A : C’est vrai que ton album a un côté très nostalgique, que ce soit pour ce qu’étaient les relations dans les quartiers mais pour ce qu’était le rap. Tu dis « on écoutait la musique pour l’artiste, pas pour ce qu’il porte ».

J : Oui on s’en foutait de ce qu’il mettait. Aujourd’hui les gens aiment voir les artistes briller, du bling bling, des voitures, des armes, des billets, même si c’est factice. Les gens aiment bien fabuler. Rêver.

A : Mais tu ne penses pas que la musique c’est aussi fait pour rêver ? Ou pour avoir le droit d’exagérer ?

J : Ce n’est pas ce que je veux en faire. J’essaye de rester au maximum moi-même. Jo le Phéno, quand il a envie d’être violent, il est violent. Comme quand j’ai écrit « Bavure 1 », parce que j’étais énervé. Donc j’ai posé un truc énervé : l’ère du temps tu vois ? Mais je ne veux pas me perdre, j’ai une ligne de conduite et j’essaye de la garder. C’est que du rap, que de la musique. D’autres font du sport, des interviews [sourire], travaillent dans un label… C’est du rap ! C’est un loisir, un plaisir, c’est tout. Si je commence à rentrer dans l’exagération c’est que j’ai perdu la boule. Parce que ce n’est pas du tout moi. Je suis quelqu’un de terre à terre, la tête sur les épaules, je sais ce que je fais et ce n’est que de la musique. Le buzz, c’est éphémère. Au final on va tous partir de la même manière, en arrêtant de respirer. Que t’aies des milliards ou pas, tu ne vas pas te payer plus de vie. La musique c’est cool, mais la vraie vie, c’est ça l’important.

A : 60 boulevard Ménilmontant est ton premier album, Chakal Attitude était une mixtape, mais tu en reparles dans « Pour vous », son que tu dédicaces à tes fans d’avant…

J : Mes supporters, ouais.

A : Et tu dis « c’est du rap parisien crapuleux, vive la chakal attitude ». C’est quoi en vrai la chakal attitude ?

J : Une ligne de conduite. Une bonne ligne de conduite. Quand on dit le terme « chakal » – on a quand même réussi à appeler un être humain chakal [rires] – en fait c’est pour dire un bon. « T’es un chakal, t’es un bon ».

A : Alors que c’est genre « mal vu » comme animal…

J : Oui, mais dans la rue c’est bien. Tu ne vas pas appeler un enfoiré « chakal ». [Rires]

A : Ménilmontant, même si tu n’y vis plus, reste très important pour toi. L’importance de ce quartier, on le reconnaît avec le fait que tu as beaucoup de featurings avec des gens du nord-est, 19 Réseaux, Mikamikaz, Maestro Moké, Biggy de Rimeurs d’élites… Tu sais ce qu’est devenue toute cette scène avec laquelle tu as travaillé ?

J : C’est là où j’ai grandi et là où je suis tout le temps. Ça a une place dans ma vie, puisque j’ai tout fait là-bas. Les artistes que tu cites sont tous sur un projet, personne n’a arrêté. On a fait moins de featurings qu’avant justement parce qu’on est tous plus concentrés sur nos projets respectifs. Ils étaient présents sur mon premier projet, là j’avais pas mal de titres et je ne voulais pas mettre un featuring pour mettre un featuring. J’avais beaucoup de choses à dire.

A : Chez eux et chez toi, il y a un côté chroniques des cités de Paris. Tu as une formule dans l’album « t’as ceux qui se butent et ceux qui se butent à Côte & Match ». Déjà, c’est Parions Sport maintenant [rires] mais qu’est-ce qu’elle veut dire pour toi cette phrase ?

J : Se buter, au shit par exemple, ça te paralyse, et Côte et Match, c’est pareil. Ça te bloque aussi. Il y en a qui prennent des sommes mais après c’est comme le casino, c’est toujours la banque qui gagne. Personne ne gagne sa vie au Côte & Match. On est très peu à s’en sortir, on rattrape plutôt ce qu’on a perdu. Mais c’est une phase qui peut parler à beaucoup de personnes, parce qu’il y en a partout des gens qui se butent au shit ou au Côte & Match. C’est une image en fait, que tu as direct en tête.

« Le rap ce n’est pas des mots doux, c’est dur, c’est des messages. »

A : Parlant du quartier, est-ce que tu as senti un avant et un après le clip « La rue », où c’est Moha la Squale, encore inconnu à l’époque, qui fait l’acteur principal ?

J : Oui, même si le premier clip qui a vraiment tourné sur Paname c’est « Chakal Attitude » en 2012, il a créé une vraie attente. « La rue » c’était déjà une deuxième étape : c’était un clip très bien réalisé, il y avait une histoire que j’avais bien peaufinée, fait avec les moyens du bord mais carré. Aujourd’hui encore, quand je le regarde je me rends compte qu’il est vraiment bien. Mais c’est une volonté de ma part de ne pas avoir voulu jouer le rôle de l’acteur principal. Ça devait être quelqu’un d’autre. Or je connaissais bien Moha : il venait de sortir de prison, je voulais qu’il fasse autre chose que galérer au quartier, donc je lui ai proposé. Aujourd’hui je suis super content du taf qu’on a fait, c’est un clip qui a bien tourné.

A : Tu dis que tu veux que ce soit quelqu’un d’autre qui incarne le personnage principal de ton son, et c’est vrai que tu as souvent ce côté impersonnel dans ton album : tu utilises la troisième personne, « Il a regretté », « Il était cool »… Tu dis très rarement « je », même pour te désigner toi : « tu connais Jo le Phéno »…

J : Carrément, et tu ne vas pas me croire… J’avais fait un morceau où je parlais de moi mais à la troisième personne, un vrai morceau entier de quatre minutes. Je parlais de « Jo le Phéno » comme si c’était quelqu’un d’autre. Je ne sais pas pourquoi c’est plus facile pour moi de passer par la troisième personne… J’ai fait un tas de morceaux où j’incarne un rôle, où je dis « je » mais ce n’est pas moi. Par exemple, je peux me prendre pour un médecin, un assassin… C’est un truc que je travaille, que je développe : passer par des personnages. À l’école, j’étais bon en rédaction. Je n’étais clairement pas bon partout [rires], mais les trucs où il fallait raconter des histoires, inventer une suite, j’étais fort. « L’Hollandais », »Il était cool », « Il a regretté », ce sont trois… quatre même, personnages différents – dans « Il était cool » il y a deux personnages. Je parle à la troisième personne pour les deux : le poto qui veut remettre l’autre dans le droit chemin et le poto qui ne l’est pas.

A : Cette technique fait penser au morceau de Heuss, « L’enfoiré », où de passer par la troisième personne lui permet de parler de lui, d’un proche, d’un cousin… On ne sait pas trop qui.

J : Oui carrément. L’Hollandais par exemple : c’est un pote à moi que j’ai surnommé comme ça – pourquoi, c’est entre lui et moi [rires]. Il rappait à l’ancienne. Un jour on était posés lui et moi, je lui ai dit « fais-moi un petit texte » ; pour le lancer j’ai commencé à faire [il chante sur l’air qui deviendra celui du titre] « l’Hollandais, on l’appelle l’Hollandais… » Et j’ai réalisé… Mais ça tue ! C’est parti de là, j’ai écrit dans le délire. Je n’avais même pas seize mesures et les gens à qui je le faisais kiffaient de ouf.

A : Il désigne quoi l’Hollandais pour toi ? Sur le communiqué de presse, ils parlent d’ubérisation, de start-up nation…

J : C’est un personnage que j’ai inventé, de manière à ce qu’on puisse y reconnaître des choses. Il y a des Hollandais partout. On a tous un côté hollandais en vrai : moi je suis un peu hollandais, même toi tu peux être un peu hollandaise ! C’est un délire qui a abouti à ce que je voulais réellement, donc je suis content parce que je n’avais pas l’habitude de faire des sons de ce genre, à la troisième personne aussi. Le Hollandais, c’est le débrouillard. « The real Hollandais ». Dans le clip, j’incarne un personnage qui a monté une start-up tout ça, mais il n’y a pas que des Hollandais comme ça, il y a des Hollandais qui sont sur le ter-ter, d’autres qui ne font que des passes…

A : Tu as parlé de « supporters » pour désigner ton public, et c’est vrai que pour t’avoir vu plusieurs fois sur scène, sur la place de la République pendant Nuit Debout [mouvement social de 2016, avec notamment une occupation partielle de la place, NDLR], dans un squat du 10e arrondissement – où le concert avait fini en sorte de mini-émeute – tu as un vrai public fidèle et motivé. Comment tu l’expliques ?

J : Franchement, parce que je pense les toucher au cœur par ma sincérité. Ils ressentent le fait que je ne suis pas un comédien, un acteur. J’aurais pu dire bien pire dans mes morceaux. J’ai fait des trucs que je ne peux pas dire dans la musique, c’est personnel. Peut-être que dans vingt ans, dix ans je dirais tout. Mais en tout cas ce que j’ai dit je me sentais prêt à le dire, et ça les a touchés. Les gens me le renvoient. Il y en a même qui m’avaient soutenu au moment de ma garde à vue pour « Bavure ».

A : Tu te souviens de cette banderole ?

J : Oui carrément ! Il y avait une manifestation et tout alors que j’étais en GAV. Ils sont partis avec cette banderole « La jeunesse est àl, ça va péter dans tout Paname. Soutien à Jo le Phéno ». Ah ça, ça m’a vraiment touché : c’est là que tu vois que ta musique touche au cœur même si tu ne vends pas des milliers de CDs.

A : Puisqu’on parle de ta convocation, après celle-ci, tu as raconté au procès avoir été harcelé par les policiers de ton quartier, comment ça se fait ? C’était une manière de te faire taire ?

J : Oui, pour moi c’était une sorte d’asphyxie. Une asphixie. Ils voulaient m’empêcher de parler, je te le dis clairement. Pourquoi ce son plutôt qu’un autre ? Ils ont senti la patate. La vérité, même des policiers qui écoutent ma musique, qui ont pu être touchés par certains de mes morceaux – parce que c’est des êtres humains comme les autres, avec un uniforme et un pistolet, à la base ils sont juste censés faire régner l’ordre. Pendant ma garde à vue, certains d’entre eux m’ont dit qu’ils trouvaient le son lourd de ouf, mais que je n’aurais pas dû mettre la tête des agents dedans, parce qu’ils étaient reconnaissables.

A : Tu l’as d’ailleurs reconnu pendant l’audience.

J : Oui j’ai reconnu que ça pouvait causer du tort à des agents qui n’avaient peut-être pas fait de bavure. Mais un policier, c’est le représentant de la police, donc de ce que font les policiers. Je les ai filmés, j’aurais sûrement dû les flouter, ils n’auraient rien eu à me dire, mais je pense que c’est quand même allé trop loin pour rien.

A : À la fin de l’audience, tu m’avais dit que tu comptais réaliser un « Bavure 3 », avec des extraits de morceaux de rap incriminés, tu n’y as pas renoncé ?

J : Haha non, je n’y ai pas renoncé ! Mais je suis quelqu’un qui écrit avec le temps, qui ne force pas. « Bavure 1 », « Bavure 2 », je les ai écrits parce que je devais le faire : quand je devrais écrire le trois, je le ferais. Cette fois-ci, je ne vais pas le faire bêtement, je vais faire un bête de truc. Parce que depuis les deux premiers, il y a beaucoup de choses qui se sont passées, beaucoup de mouvement social : il y a eu les gilets jaunes, une foule de gens qui ont pété les plombs. C’est normal, les gens n’en peuvent plus. Il y a des gens qui ont trente ans on dirait qu’ils en ont cinquante… ils sont épuisés par la vie. Des daronnes qui ont perdu deux enfants ! Parce qu’ils se sont faits tués ou enfermés suite à des interpellations policières. Il y a des gens qui ne supportent pas ! Le sentiment de perdre quelqu’un, on n’y est pas tous préparé. Alors perdre quelqu’un à cause de quelqu’un, c’est très difficile à accepter. Des gens deviennent fous. Donc maintenant, se focaliser sur un rappeur qui fait un morceau où il dit « je pisse sur la justice et sur la mère du commissaire », c’est complètement débile parce que tous, on voit ce qu’il se passe réellement. « Bavure 3 », il n’est pas sur cet album, mais je le ferais, je suis toujours dans une lutte, j’écris juste avec le temps.

« La vérité, c’est que le rap ça change les gens. »

A : Tu m’avais aussi dit vouloir montrer que tu pouvais te diversifier. Est-ce que tu penses avoir réussi ce pari avec cet album ?

J : Cet album, il parle. On ne s’ambiance pas, ça rappe. On n’est pas dans l’enjaillement. Mon public avait besoin d’entendre des morceaux de moi où je rappe, mais il y a des morceaux où je n’avais jamais rappé comme ça. Où on n’a jamais entendu ce Jo le Phéno là. « 60 boulevard Ménilmontant » par exemple. Je n’avais jamais parlé de ma vie personnelle comme ça avant… C’est un album qui parle plus de moi que mon premier projet, qui était plus un album « musical », d’environnement, mon truc de 2013. En 2020, j’ai grandi, je suis un homme. À vingt-cinq ans, je suis encore jeune mais ça fait longtemps que je fais de la musique. Et il faut que je fasse ressentir cette maturité. Je ne suis pas un ancien, mais je ne peux pas non plus débarquer et rapper comme un gamin. J’avais besoin de faire un album plus mature et avec des vraies paroles, un message. Je ressentais le besoin de parler à mon public et je pense que j’ai réussi.

A : Tu as des titres aux sonorités inhabituelles pour toi (« Tiens ta madame ») mais on sent que tu aimes tellement la musique que ça ne fait pas genre « il fallait faire un son pour les meufs ». Par contre tu restes fidèle à une base boom-bap, piano-violon classique. C’est sur ces instrus que tu te sens le plus à l’aise ?

J : C’est plutôt que ces morceaux-là, old school, je les ai tous écris dans un temps réduit. J’étais dans ce mood-là. Je ne voulais pas kicker, ni faire de l’ambiançage, je voulais parler. Et pour parler, c’est ce genre-là qui convient le mieux. J’avais de l’inspi. J’ai de l’inspi à fond, j’avais encore plus de morceaux, j’ai dû faire un choix, mais j’en avais des choses à dire ! Et c’est ce type de son qui laisse le mieux parler.

A : Dans l’intro tu dis « ils aiment tant mes métaphores mais ils aimeraient me mettre à terre ». Tu parles de qui ?

J : Je parle des gens qui écoutent, disent que c’est lourd mais ne voudront jamais me voir au sommet. Il y en a beaucoup comme ça, dans le rap et dans le travail, même si tu travailles, par exemple, dans un hôtel. Les gens que tu dépasses, même si au début ils t’aimaient bien, ils vont commencer à te toiser… Je parle des gens qui donnent de la force mais qui attendent en retour. Quand tu es un artiste et que tu réussis, autour de toi les gens attendent juste de pouvoir dire « regarde il a changé ». Ils ne sont avec toi que quand t’es dans la merde. Je n’en veux pas des gens comme ça. Si c’est de la force calculée, garde-la.

A : C’est un thème très présent dans le rap j’ai remarqué, Jul en parle énormément…

J : Je vais te dire un truc, la vérité c’est que le rap ça change les gens. Pas que les rappeurs : il y a des gens qui n’ont rien à voir avec le rap qui ont le seum contre les rappeurs. Moi, je vais partout, il n’y a pas de problèmes. Mais il y a des rappeurs qui ne peuvent pas aller n’importe où, à force de raconter de la merde dans leur musique, de pisser sur les gens dans leur musique, de dire « eh moi j’ai ci, j’ai ça toi t’as rien ». Le mec qui n’a rien là, il va vouloir avoir ce que tu as ! Ou il va vouloir que tu lui montres ton pistolet. Les rappeurs ont tendance à croire que le rap c’est beau, c’est de l’art, mais ne mesurent pas ce que ça peut faire de les voir dans la rue. Le rappeur que tu vois dans la rue, ce n’est pas celui que tu vois dans un clip : il n’a pas d’équipe avec lui, ni d’armes… Alors vu que c’est devenu comme ça, tout le monde se met au rap. Les petits, ils ont douze ans mais racontent : « j’ai des terrains là-bas, j’ai déjà investi au bled »… Il a douze ans ! Qu’est-ce que tu racontes gamin ! Tu lui mets une tarte dans le cou et tu lui dis d’aller faire ses devoirs. [Rires] C’est dommage que ce soit devenu comme ça.

A : Après, on peut penser que c’est comme un effet de style, un jeu propre au genre… Mais c’est sûr que vu ta vision du rap, tu ne peux pas adhérer.

J : Je ne peux pas. Comme je t’ai dit, j’ai des comptes à rendre. Je sais que le message que je veux apporter dans la musique n’est pas celui-là. Je ne suis pas un mec chelou, je suis terre à terre. La musique c’est cool, mais derrière j’ai une famille, des potes, comme tout le monde. La seule différence c’est que j’économise pour aller au studio, tourner des clips et les sortir. Après, il y a des gens touchés, ça me fait plaisir, mais je n’oublie pas que ce n’est que de la musique. Un jour j’arrêterai. Ou peut-être que c’est la musique qui m’arrêtera. [Rires] Mais c’est sûr que je n’en ferais pas toute ma vie. Pour l’instant, j’ai les crocs, j’ai envie d’en faire comme jamais, je ressens ce besoin. Ça fait déjà onze ans que je fais du rap. C’est une vie ! Les gamins de mon quartier qui rappent à douze ans, c’est presque comme si j’avais rappé toute leur vie. Et quand je les vois s’inspirer des rappeurs qui parlent de AK-47 alors qu’ils en ont jamais vu…

A : J’espère pour eux…

J : Ils en parlent sans en avoir jamais vu, de terrains de coke alors qu’ils n’ont rien, à la limite ils ont bossé pour des mecs. En fait les gens oublient… Certes, on peut s’évader dans une folie de l’art ou je ne sais pas quoi, mais ce n’est pas le plus important. Le plus important, c’est la vraie vie. C’est pour ça que le message c’est ce qui compte le plus dans le rap pour moi. Tu as un message de merde, même si t’as du flow, c’est de la merde. Faut qu’il y ait du fond. Tu ne peux pas avoir que la forme. Sinon, tout le monde se met au rap et se permet de raconter n’importe quoi.

A : Tu as une vision ambivalente de tout ça dans l’album : d’un côté tu as cet aspect critique interne des quartiers (« les gens ont changé ») et du rap, mais de l’autre tu parles de solidarité, tu dis que tu y tiens, que c’est la rue qui a transformé des connaissances en « frères »…

J : Tous mes potes, mes gars sûrs, je les ai connus dans la rue. La rue ne produit pas que des enfoirés mais aussi des liens très forts. Elle m’a fait aussi connaître des gens que je ne regretterai jamais d’avoir connus. Après, chacun vit la rue à sa manière. Il y en a qui commencent à aller mieux quand ils en sortent, en rencontrant d’autres gens, en faisant autre chose. D’autres, dès qu’ils mettent un pied hors du quartier, ils ne se sentent vraiment pas bien ! J’ai déjà croisé des mecs de chez  moi dans le métro, ils étaient en mode parano de ouf, vraiment pas à l’aise. Sortir de la cité, c’est comme les couper de leur monde, leur enlever une partie de leur liberté. Moi, le quartier m’a fait connaître, comprendre beaucoup de choses, fait rencontrer des personnes pour lesquelles je serai prêt à faire des trucs dont ils ne se doutent même pas. Ce ne sont pas mes frères et sœurs mais ils sont dans mon cœur. Après, il y a aussi des enfoirés. Quand je dis « je me rappelle à l’ancienne quand le tieks était une famille / en période de guerre on descendait à vingt mille », en réalité ce sont des images que j’avais quand j’étais jeune. On était tous ensemble, on s’en foutait que l’un soit un blanc, un Chinois, une « tapette », une poukave… Il n’y avait pas de ça. Maintenant, dans les gens avec qui tu « descendais à vingt mille », il y en a qui sont devenus des poukaves, qui ont abandonné tout le monde.

A : En fait, c’est l’image que t’en avais enfant que tu regrettes, plus que ce que ce serait vraiment devenu ? 

J : Enfant, je voyais tout en rose peut-être, mais pour moi on était comme ça [il attrape ses mains dans un signe de solidarité]. À l’ancienne tu faisais tout pour le quartier, il y a des gens morts pour le défendre. Mais mort, personne ne fera un monument de toi. Quand tu grandis, tu comprends que tu as de l’estime pour des personnes qui au moindre moment de faiblesse, s’en réjouissent. C’est relou de ouf. C’est cruel. « Vaut mieux faire partie des coupables que des victimes ». C’est ce que j’ai vécu, car il s’est passé beaucoup de choses depuis Chakal Attitude. En fait, ma vision est plus sombre, parce que plus tu grandis, plus les problèmes te tombent dessus, bam, bam, bam. Après ça va changer, grâce à Dieu, car je crois en Dieu. Ce n’est pas mon but d’avoir définitivement une mauvaise vision des choses. J’ai espoir. Il ne faut pas se laisser abattre. Même si les gens parlent, si tu sais qui tu es, avec qui tu es, si tu suis ta ligne de conduite jusqu’au bout : ça ira mieux.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*