D’autres réalisations de Leila Sy
Au-delà d’un parcours chevillé à celui de Kery James, Leila Sy a également mis en scène plusieurs grands noms du rap français. Parmi eux : Lino, Sofiane, Youssoupha, Jul ou encore Diam’s.
Diam’s – Peter Pan 2009
J’ai coréalisé le clip « Peter Pan » de Diam’s avec Omar Sy en 2009. Mélanie était quelqu’un de proche à l’époque, elle m’a sollicitée et l’idée est venue de le faire avec Omar. J’adorais la coréalisation, mais pour les personnes qui coréalisaient avec moi, c’était peut-être moins agréable. [rires] On apprend toujours avec la coréalisation, des autres, sur soi, on apprend en étant obligé justement de formaliser. Quand tu coréalises, tu es obligée de dire ce que tu as dans la tête. Quand tu es en responsabilité au poste de réalisateur sur un plateau, c’est un endroit où tu ne peux pas mentir. J’ai beaucoup appris en travaillant sur moi-même, à essayer d’être claire dans mes demandes, à être moins dans l’excitation ou peut-être moins dans le stress. Tu as des metteurs en scène qui sont dans leur coin et c’est leur premier assistant qui parle. Il y en a d’autres qui sont exubérants, certains sont durs. Moi je travaille pour essayer d’être impliquée, toujours dans cette espèce d’envie d’être vraie. Mais parfois ça peut déborder et être un peu frustrant pour les gens à côté qui ont peut-être moins de facilité à s’exprimer.
Kery James – « Lettre à la république » 2012
« Lettre à la République » en 2012 a été un moment-clé de notre collaboration avec Kery, parce que c’était un morceau vraiment puissant et dur à la fois. Il y a des clips où tout est là, tu vois à peu près ce que ça va donner à l’arrivée. Tu en as d’autres comme ça où il y a de la postproduction. Kery débarque sur fond vert, tout en cuivre, on ne peut pas se rendre compte du résultat. En plus, vert et cuivre, ça ne va pas du tout ensemble. Je lui dis de me faire confiance, même si j’ai une petite part de doute au fond de moi. À l’arrivée, ça fonctionne ! Un clip vieillit bien quand il est vraiment une réponse singulière à un morceau. Pour chaque morceau, correspond un clip. Pour moi c’est devenu presque des mathématiques. Si le clip a correctement accompagné le morceau, dans un sens il vieillit bien. Et je trouve qu’on a réussi à accompagner le texte et à lui a donner une autre résonance.
Lino – « Fautes de français » 2015
Ce clip de Lino fait partie de ces clips où j’ai eu du mal à gérer. Il était beaucoup plus angoissant parce qu’à partir du moment où tu tournes en extérieur, tu as énormément de données qui ne sont pas en ta possession, comme le temps. Et ce jour-là il y avait une éclipse. On ne savait pas du tout à quoi ça allait ressembler, il ne faisait pas beau, la lumière était tendue. On avait fait appel à des figurants de la fanbase de Lino, et on ne savait pas combien de personnes on aurait. Et puis la magie a opéré. On était tous ensemble, on vivait ce qu’on mettait à l’image, dans cet endroit un peu mythique, un peu iconique, si parisien qu’est la Bourse de Paris.
Kery James – « Musique nègre » feat. Lino & Youssoupha 2016
Encore une fois, je me retrouve sur mon lieu de prédilection, le studio. C’était la rentrée 2016, j’arrivais d’Essaouira, j’étais au top de mon game, en espadrilles [rires]. Ce morceau est pour moi un classique. Il y a encore une fois cette galerie de portraits, avec plein de bonhommes à gérer, leur ego, l’entourage, en une journée de tournage. Un principe graphique, un principe technique qui est le travelling, c’est un peu le petit frère de « Douzième lettre » de Lino, que j’avais shooté avant l’été et sur lequel je m’étais vraiment beaucoup amusée. Encore une fois, je ne suis plus moi, je suis quelqu’un d’autre, un peu habitée. La plus exubérante possible pour partager et leur donner confiance, leur permettre aussi de se lâcher parce que je suis plus folle qu’eux à crier « c’est génial, ça tue ». Tout ça avec un plan de travail bien découpé et des équipes au taquet. C’était un très bon souvenir. Il y aussi eu la création du t-shirt, avec une calligraphie faite par mon ami Marc-Aurèle qui est le réalisateur entre autres de Antifas – chasseurs de skins.
93 EMPIRE 2018
Ça fait un moment que je connais Sofiane. Je travaille à proximité des studios qu’il a avec Tefa, donc on se voit souvent. Il s’avère que lors d’un concert des L.E.J avec lesquelles j’ai bossé, je vais à leur concert avec mon fils, qui danse pendant tout le show à côté de Sofiane. Dans les loges, So me dit qu’il a peut-être quelque chose pour mon fils et lui propose de danser dans le clip de « Tout le monde s’en fout ». Ça a été un morceau important pour Sofiane et pour mon fils, et pour lequel je n’ai rien fait à part l’accompagner au tournage et le réchauffer parce qu’il grelottait. Donc c’est vrai qu’on avait un lien comme ça un peu privilégié avec Sofiane. Par la suite, je réalise le clip « Woah » de 93 Empire, c’est un de mes clips préférés. Toute l’équipe me donne les moyens de vraiment créer des univers très distincts avec une direction artistique par cellule et ce côté deuxième degré. À la base, j’ai envie de faire une petite entreprise, une boucherie ou un grec qui serait en réalité une couverture. Mais en parlant avec Sofiane, toutes les idées viennent : Heuss avec sa cellule en papier peint, avec le coucher de soleil. J’adore quand les artistes ont des idées et quand on échange. J’ai aussi adoré sentir leur attention, leur respect pour ce que je disais, qu’on crée ensemble, je me suis éclatée. C’est vrai que je suis hyper dans l’affect et parfois, c’est ce qui me porte préjudice car je suis très rapidement submergée par le désamour de certaines personnes ou certains comportements. Parce que je fais un métier que j’aime, je ne peux pas le formater.
Scénographie De l’image au spectacle vivant
Étant donné que j’ai pris la D.A. de Kery James, j’ai fait quatre ou cinq Zéniths et un Bercy avec lui, ça s’inscrivait dans la continuité de notre travail ensemble. Et il s’est avéré que j’ai pris un grand plaisir à faire la scénographie parce que c’est presque comme un tournage, sauf que quand tu dis « trois, deux, un, top c’est parti », il y a cette espèce d’adrénaline du spectacle vivant qui est hyper plaisante. C’est une autre pratique de mon métier, mettre en concordance différentes forces qui doivent cohabiter pour aller dans une direction commune. J’adore travailler avec des techniciens, avec la lumière, avec le son, et faire en sorte que tout ce petit monde réussisse à exploser à 100% de ses capacités. J’adore la scénographie, je m’encanaille, moi qui suis un peu en vase clos, je suis maman, je travaille, et c’est tout. Travailler avec des artistes sur la route me fait sortir de mon quotidien et de rencontrer des gens.
Dadju 2018
À l’époque du Bercy de Kery, je travaillz avec Pénélope Richard qui est une amie qui m’assiste. Elle me propose qu’on fasse de la scénographie en binôme. Elle arrive alors avec Dadju. L’idée avec le Zénith de Dadju est de réussir à mettre en scène un spectacle sans écrans sur toute sa première partie. Son équipe et lui veulent une scénographie évolutive, commençant par des petites salles avant d’avoir des échéances comme l’Olympia puis le Zénith. On construit la scénographie en rebondissant sur des envies que l’artiste n’avait peut-être pas formalisées. C’est une équation, il a envie que ça brille, de mettre en lumière son côté un peu sapeur [NDLR : de la SAPE (Société des ambianceurs et des personnes élégantes), style vestimentaire venue des Congos], que son public profite à fond de sa performance parce que Dadju est une machine de guerre sur scène. On veut alors que ça brille, envoyer du style, nous vient donc l’idée du miroir. On part d’abord de l’idée de travailler avec un paravent en miroir, un petit qui ne prend pas trop place pour commencer. On monte ensuite un praticable avec des marches en miroir, puis une tournette au milieu du paravent, donc lorsque le personnage est placé au milieu et que ça tourne, grâce au miroir, il se démultiplie dans les reflets. On met ensuite de plus en plus de miroirs partout. On traite avec le maître des lumières pour qu’il nous envoie des faisceaux qui se reflètent. De plus, le public de Dadju est un public très jeune qui regarde les concerts souvent avec son téléphone et la lumière allumée. Tout ça combiné donne des choses très intéressantes sur scène.
Jul 2019
Pour cette deuxième tournée de Jul, on arrive vraiment pour de la mise en scène, tout l’écrin a déjà été pensé, on n’a plus qu’à travailler avec l’artiste. Et puis je crois que c’est aussi pour ça que l’on fait appel à nous, à moi en général, on a à peu près la même culture. Je suis tout à fait à l’aise avec les artistes pour les questionner, les ennuyer, savoir sur quel bouton appuyer pour avoir des choses un peu inédites. Mais Jul arrive déjà avec un univers vraiment bien défini. C’est un mec qui aime la moto, c’est l’ovni, il revendique à mort ses origines marseillaises. Quand tu mets tous ces éléments les uns à côté des autres, ça prend forme naturellement. J’adore être avec les Marseillais, c’est un délire, tu changes d’ambiance. On sera avec Jul dès novembre sur toute sa tournée qui finira au Vélodrome de Marseille en juin 2020.
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