Immortal Technique
Revolutionary Volume 2
Il est des artistes qui à eux seuls nous rappellent pourquoi on aime le rap. Immortal Technique est de ceux là.
Né au Pérou, expatrié à Harlem, le MC a connu un cursus universitaire brillant mais tumultueux. Après un passage par la case prison en 1999, il décide de s’aguerrir dans les battles de l’underground new yorkais. De ce parcours chaotique, il a hérité une rage, un recul et une force de conviction implacable, qui transpirent de Revolutionary vol.2.
Sorti l’année dernière, l’album collecte en 18 titres l’histoire et l’esprit d’Immortal Technique. Le résultat est brut, puissant, documenté. Dès l’ouverture, les paroles de Mumia Abu Jamal instaurent une tension palpable. Avec précision et hargne, IT déboulonne les rouages de la politique américaine, dénonce les pratiques de l’industrie du rap, ridiculise la concurrence et met en scène les protagonistes du trafic de drogue, du Pérou jusqu’aux États-Unis (‘Peruvian cocaine’, éloquent).
L’ensemble, massif, pourrait être éreintant si Tech n’était pas un MC dont la dimension dépasse largement le cadre usé du rap conscient. Entre coups de gueule, punchlines et métaphores historiques, Tech vise juste quand il évoque la détresse de son quartier dans le superbe ‘Harlem streets’ et exploite ses réflexes de battle rhymer dans le féroce ‘Obnoxious’. Avec un sens de la narration déjà éprouvé (‘Dance with the devil’ dans le volume 1), il atteint la grâce en fin d’album, et nous submerge d’un déchirant ‘You never know’, bouleversante histoire d’amour d’une douloureuse émotion rarement entendue dans le rap. De cet enchevêtrement de rimes lucides et virulentes, ressortir quelques lignes pour l’exemple serait vain, et ne rendrait pas justice à l’impressionnante densité textuelle de l’album.
Si Immortal Technique capte toute l’attention et dévore chaque mesure, le travail de production n’est pas en reste : là où ne trouvent que du sens, les concepteurs son de l’album ont eu la bonne idée d’injecter du sample. Des beats suintant l’urgence côtoient des sonorités latines chaloupées, des extraits de films, des boucles de guitare lascives et des samples de soul explosifs. Assuré en partie par le très doué Southpaw et le trop rare Domingo, l’édifice sonore est robuste, sans fioritures, et accompagne à flux tendu les vérités assénées par Tech.
Courant 2005 sortira « Middle passage », le troisième album d’Immortal Technique, mais le premier à bénéficier d’une distribution à grande échelle : un deal vient en effet d’être conclu entre Viper records, la structure actuelle de Tech, et le label Babygrande, nouvelle référence de l’underground dans la côte est. Au delà du buzz, largement justifié par ailleurs, Immortal Technique est en passe de devenir l’un des artistes majeurs des prochaines années. S’il demeure ce MC réfléchi, brutal et charismatique, son futur long format peut avoir un impact sans précédent dans le rap de ce début de siècle. En attendant cette nouvelle révolution, le deuxième volet d’IT est un album lourd de sens, forgé dans le vécu de son auteur et habité par sa détermination. Un disque de titane.
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